À l’embouchure du Ienisseï, au nord de la Sibérie, Norilsk revendique le titre de ville la plus septentrionale du monde. Aucune route ne la relie au « continent » sinon la voie aérienne et un chemin de fer de quatre vingts kilomètres jusqu’à l’Océan arctique. Ses quelque deux cent mille habitants sont quasiment tous employés par Norilsk Nickel qui exploite les mines de la région. Véritable « scandale géologique », elle produit 17 % de la production mondiale de nickel et 41 % de celle de palladium, ce qui représente 2 % du PIB russe. La ville fut d’abord un goulag – connu sous le nom de Norillag. Il fut fermé à la mort de Staline et transformé en municipalité.
Le documentariste français François-Xavier Destors a choisi d’y planter sa caméra. Il est allé à la rencontre de ses habitants qui bravent la nuit polaire et les températures extrêmes – qui peuvent tomber l’hiver jusqu’à -50°C. Il interviewe une babouchka survivante du goulag, la patronne d’un salon de coiffure, un jeune musicien…
Tous entretiennent à l’égard de la ville des sentiments ambigus : ils sont unanimes à dénoncer la dureté des conditions de vie et à rêver de la quitter mais ils ont du mal à s’en arracher. Tout se passe comme si, engourdis par le froid et la nuit, ses habitants, incapables de se réacclimater à une vie normale, s’y faisaient piéger. Ce sentiment est renforcé par le parti pris du documentariste qui a choisi d’y filmer exclusivement des paysages enneigés, presque poétiques, qui font oublier l’âpreté du climat et la pollution de l’air.
Déjà diffusé en milieu de nuit le 27 mars sur France 2, Norilsk sort en salles en catimini : il n’est projeté qu’au seul Lucernaire à des horaires improbables. Si le sujet est fascinant, son traitement ne se distingue pas du tout-venant télévisuel.
Ping Kombinat ★★☆☆ | Un film, un jour