Muriel (Catherine Deneuve) dirige un centre équestre dans les Pyrénées orientales. Son petit-fils Alex (Kacey Mottet Klein) vient lui rendre visite. Il a perdu sa mère, la fille de Muriel ; il est en froid avec son père qui a refait sa vie en Guadeloupe ; il vient d’abandonner ses études.
Il annonce à sa grand-mère son désir de partir au Canada. Mais ses projets sont tout autres. Au contact de Lila (Oulaya Amamra), une amie d’enfance musulmane, et intoxiqué par ce qu’il a lu sur le Net, Alex s’est converti et s’est radicalisé. Il a l’intention de gagner la Syrie et de participer au jihad.
La radicalisation est décidément un thème qui inspire le cinéma : La Désintégration, Made in France, Les Cowboys, Le ciel attendra, Mon cher enfant, Exfiltrés, Le Jeune Ahmed… Les films qui en parlent sont chaque fois ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Ils dessinent un paysage que pourrait présenter un séminaire ou un article : « La radicalisation au prisme du cinéma ». Chacun de ces films explore un pan du sujet. La sociologie : qui se radicalise ? La psychologie : pourquoi se radicalise-t-on ? L’action : comment se radicalise-t-on ?
Beaucoup traitent le sujet de biais en s’intéressant moins au radicalisé lui-même qu’aux effets de cette radicalisation sur son environnement. C’était l’angle d’attaque des Cowboys, de Mon cher enfant. C’est le sujet de cet Adieu à la nuit dont le héros est moins Alex que Muriel.
On imagine volontiers ce que André Téchiné, la septantaine bien entamée, a pu ressentir en lisant le livre de David Thomson Les Revenants consacré aux Français revenus en France après avoir combattu dans les rangs de Daesh. C’est la question que n’importe quel parent, n’importe quel grand parent pourrait se poser : comment réagirais-je si cela arrivait à mon (petit) fils ?
Pour mettre en histoire cette interrogation, il convoque sa muse : Catherine Deneuve avec laquelle il a déjà tourné sept fois depuis Hôtel des Amériques en 1981. Le problème est qu’il ne sait pas trop qu’en faire. Mamie Nova idéale, aussi aimante qu’allante (à soixante-quinze ans, elle en fait quinze de moins), Catherine Deneuve est bien entendue impeccable. Elle tient parfaitement son rôle ; sauf que son rôle ne tient pas. Elle est d’abord tout à la joie de voir revenir chez elle ce petit-fils trop absent. Puis, elle découvre sa confession à l’Islam, en est tourneboulée, ne sait pas comment réagir entre malaise spontané et respect dû à la liberté de croyance de son petit-fils. Enfin elle comprend son projet djihadiste mortifère et essaie de l’en dissuader.
André Téchiné avait un sujet en or. Aussi surprenant que cela puisse paraître pour un réalisateur de cet acabit, il n’a pas su quoi en faire.