La saison 2015 s’est terminée sur un exploit pour l’Aviron bayonnais : arriver en tête de la ProD2 et remonter dans le Top14. Mais la saison 2016 s’annonce difficile tant la concurrence est rude dans l’élite du rugby français.
Quand Delphine Gleize pose sa caméra dans les vestiaires du club, rien ne va plus dans le club bayonnais qui accumule les défaites.
Une semaine avant La Grand-messe, un documentaire sur les spectateurs de la Grande Boucle dont j’ai déjà eu l’occasion de dire le plus grand bien, sortait dans le même anonymat ce Beau Joueur. Joli titre polysémique : le beau joueur est celui qui accepte la défaite le front vaillant, mais c’est aussi le joueur beau dont la documentariste filme le corps sculptural.
Les deux documentaires partagent un même regard décentré. Pas plus que La Grand-messe ne s’intéressait à la course, Beau joueur ne filme pas les matchs. La caméra de Delphine Gleize se focalise sur les joueurs et sur eux seuls. Elle filme les remplaçants sur le banc de touche en train de regarder jouer leurs camarades. C’est à travers leurs expressions qu’elle nous fait suivre le match, les essais marqués et, plus souvent qu’à leur tour, encaissés. Elle les filme dans les vestiaires où leur entraîneur essaie sans succès de les galvaniser. Elle les filme à l’entraînement, au lendemain de leurs lourdes défaites ou à la veille de leurs prochains matchs.
Beau Joueur risque de décevoir les amateurs de rugby ; car il ne montre pas le jeu ni ne discute de stratégie. Mais il réussit à montrer quelque chose qu’on ne voit pas lors des retransmissions télé. La peur physique qui manque de tétaniser les rugbymen au moment d’entrer dans le stade ; la peur de prendre des coups, d’avoir mal. Peur bien réelle si l’on en croit l’état des corps quelques minutes plus tard, griffés, frappés, commotionnés, ensanglantés.
Beau Joueur n’est pas une happy story ni un feel good movie. Au contraire, c’est la chronique d’une défaite annoncée. Sans doute en décidant de suivre ce club la réalisatrice n’avait-elle pas dans l’idée d’immortaliser son naufrage. Elle nourrissait même l’espoir irraisonné d’une invraisemblable remontada. Mais très vite la réalité s’impose : le groupe n’a pas le niveau. Pire, il n’a pas le moral. La caméra hélas n’aura pas réussi à se faire indiscrète au point de saisir les engueulades qui n’ont sans doute pas manqué hors champ. Mais elle aura réussi le pari culotté de rendre la défaite belle.