Annie (Rose Byrne), la trentaine bien entamée, s’ennuie à Sandcliff, une ville côtière d’Angleterre (le film a été tourné à Ramsgate) où elle a repris, à la mort de son père, la direction du petit musée d’histoire. Elle est en couple avec Duncan, un professeur d’université qui nourrit une passion obsessionnelle pour un chanteur pop des années quatre-vingt-dix, disparu sans laisser de trace après un unique album, Tucker Crowe (Ethan Hawke).
Juliet, Naked commence bien en nous plongeant immédiatement dans l’ambiance de ces films britanniques si attachants, au point qu’on sente sur ses doigts la marque graisseuse d’un fish and chips : un bord de mer battu par le vent, une héroïne sympathique affublée d’un compagnon gentiment braque… Le film est inspiré d’un roman récent de Nick Hornby, dont on a apprécié les précédents et les adaptations qu’en a fait le cinéma : Carton jaune, High Fidelity, About a Boy… Tous les ingrédients d’une excellente comédie romantique semblent réunis façon Love Actually, Bridget Jones ou Coup de foudre à Notting Hill.
Hélas, le plaisir escompté n’est pas au rendez-vous. Moitié parce qu’il était déjà éventé avant d’être consommé : l’adaptation de Jesse Peretz, qui filme en 2018 comme on l’aurait fait vingt ans plus tôt, est violemment dépourvue d’originalité au point de nous faire rapidement perdre tout intérêt pour l’histoire. Moitié à cause d’Ethan Hawke qui campe sans conviction un Salinger de la musique pop, obligé d’affronter son public après des décennies d’anonymat. Ce come back tardif est pour lui l’occasion de faire face à ses responsabilité de père vis à vis des cinq enfants qu’il a eus de quatre mères différentes. Le film, qu’on imaginait centré sur le couple formé par Annie et Duncan, prend une tout autre direction.
Bref, je reproche à la fois à Juliet, Naked de raconter paresseusement l’histoire qu’il annonce et d’en raconter une autre. Tel est le privilège du critique qui est refusé à l’auteur : la schizophrénie.