Le jeune Theo vient de rencontrer Pipa et son oncle dans la salle 32 du Metropolitan Museum lorsqu’une explosion (dont on ne saura jamais la cause) renverse son monde. La mère de Theo est tuée et l’oncle de Pipa, au moment de mourir, lui confie la garde du Chardonneret, une petite toile peinte en 1654 par un peintre néerlandais.
Theo est confié aux bons soins des riches parents d’un camarade de classe. Il part à la recherche de Pipa qui a été grièvement blessée dans l’explosion. C’est le moment que choisit le père de Theo pour réapparaître et emmener son fils au Nevada.
Le Chardonneret est l’adaptation fidèle du roman de Donna Tartt, prix Pulitzer 2014. Le livre est un chef-d’œuvre salué comme tel par la critique et par le public. Il brasse des thèmes universels : le deuil, la culpabilité, la filiation, l’amitié, l’art…
L’adaptation qu’en fait John Crowley a beau durer 2h30, elle est trop courte pour retranscrire la richesse de ses huit cents pages bien tassées. L’admiration révérencieuse qu’il suscite a interdit au realisateur d’en simplifier l’intrigue foisonnante ou d’en abréger certains développements. Du coup, le résultat manque de nerf et de rhythme : ainsi du dénouement, particulièrement mou, de l’intrigue à Amsterdam.
Mais dans le vieux match du livre contre le film (« Avez vous préféré le livre ou son adaptation ? ») que la plupart des gens tranchent en faveur du livre (« parce qu’il est plus riche » « parce qu’il laisse plus de place à l’imagination »), Le Chardonneret a constitué pour moi une expérience troublante.
Je n’avais pas adoré le livre dont on m’avait fait si grand cas que j’en attendais monts et merveilles. Sa construction trop riche m’avait ennuyé – avec ce long ventre mou au Nevada à son mitan. Je n’avais pas compris le personnage de son héros,orphelin traumatisé ou affairiste cynique. J’avais étiré sa lecture sur plusieurs semaines au risque d’en perdre le fil.
Malgré tous ses défauts, l’adaptation à l’écran du Chardonneret m’a permis d’en retrouver le sens, l’unité. Je me souviens d’avoir eu un sentiment similaire devant Docteur Jivago – dont j’ai de loin préféré le film au livre, trop long, trop touffu, en un mot trop slave. C’est un avantage paradoxal du cinéma sur la littérature : son format l’oblige à sabrer dans un texte foisonnant au risque de l’appauvrir mais il lui offre du début jusqu’à la fin l’attention exclusive du spectateur que la lecture de plusieurs centaines de pages égare parfois avec le temps.