Mélanie (Ana Girardot) et Rémy (François Civil) ont trente ans. Ils habitent le dix-huitième arrondissement. Ils sont voisins, ne se sont jamais adressés la parole mais ont des vies parallèles. La solitude les broie, le stress les ronge : elle parce qu’elle doit faire une présentation au comité directeur de son laboratoire, lui parce qu’il vient d’être reclassé dans son entreprise de vente en ligne. Elle est hypersomniaque ; le sommeil le fuit. Ils décident de consulter un psychothérapeute.
Depuis bientôt trente ans, Cédric Klapisch s’est fait une spécialité de croquer notre époque. Mieux que de pesants traités de sociologie, prenant le parti d’en rire plutôt que d’en pleurer, il en sent l’humeur, en retranscrit les interrogations. Son cinéma est modeste, qui n’ambitionne pas de raconter des drames poignants ou des amours lyriques, ni de prendre à bras le corps d’écrasants « sujets de société ». Mais il est toujours juste.
Le Péril jeune, Chacun cherche son chat, L’Auberge espagnole (et ses suites dispensables) : la recette est éprouvée. Et on pouvait légitimement craindre qu’elle se soit usée dans cette énième comédie de « l’ultra-moderne solitude ». Le titre, l’affiche, aussi lourdingues l’un que l’autre, l’histoire prévisible de deux solitaires qui finiront inéluctablement par se rencontrer laissaient craindre que le réalisateur ait perdu sa délicatesse.
Le scénario n’est pas le point fort du film dont on connaît dès la bande annonce le dénouement. Mais Klapisch a l’honnêteté de l’assumer. L’intérêt de Deux moi est ailleurs : dans la richesse des seconds rôles et dans la cocasserie des saynètes qui parsèment la vie des deux héros sur le chemin de leur rencontre.
C’est un feu d’artifice filmé avec une joie communicative. Il y a de tout : le burlesque pur avec Pierre Niney en volubile copain d’avant et Paul Hamy en amant défoncé. L’ironie avec Simon Abkarian en Arabe du coin (pas arabe pour un sou). La tendresse avec François Berléand et Camille Cottin en psys mutiques, cryptiques (« Pour que les deux moi fassent un nous, il faut que les deux moi soient soi ») mais aidants.
Et il y a tous ces clins d’œil que les trentenaires ne saisiront pas toujours avec Chacun cherche son chat. L’intrigue est presque identique – même si son cadre s’est déplacé du 11ème au 18ème arrondissement. Les personnages du film de 1994 font des caméos émouvants : Garance Clavel, Zinedine Soualem et même la centenaire Renée Le Calm (décédée en juin dernier). Ne manque que Romain Duris même si François Civil – dont c’est le quatrième film sorti cette année – lui ressemble décidément beaucoup…
A propos de ce chat, j’ai évidemment moi-aussi pensé à Chacun cherche son chat, et je me suis demandé si ça n’était pas une sorte d’élément récurrent à chacun des films de Klapisch. Vous qui avez tout vu, savez-vous s’il y a des histoires de chats dans chacun de ses films ?