Tyler et Emily sont deux rejetons de la classe moyenne supérieure. La vie pour eux sous le soleil de Floride, dans la splendide maison de leurs parents, pendant les dernières années de lycée, ressemble à un rêve éveillé. Coaché par son père qui lui impose une discipline de fer, Tyler est un des meilleurs éléments de l’équipe de lutte. Il vit une idylle avec Alexis, l’une des plus jolies filles du collège.
Mais une ombre pèse sur la carrière sportive de Tyler : une douleur persistante à l’épaule dont il ne réussit pas à se débarrasser.
Il est difficile de présenter Waves dont les quelques lignes ci-dessus ne donnent qu’un aperçu très partiel. Le film réserve bien des surprises et j’invite les spectateurs qui souhaiteraient qu’elles ne leur soient pas dévoilées à passer directement au paragraphe suivant. Waves est en effet la lente descente en enfer de Tyler qui, par la faute de sa blessure, devra interrompre la pratique du sport et qui, apprenant la grossesse d’Alexis, refusant la décision de la jeune fille de ne pas l’interrompre puis de rompre avec lui, la tuera dans un moment d’hystérie. Le film pourrait s’arrêter à sa condamnation à perpétuité qui laisse derrière elle une famille en miettes ; mais un second film, plus doux, commence, avec Emily, la sœur cadette comme héroïne. On la voit tomber amoureuse de Luke, un camarade de Tyler, et l’accompagner au Missouri pour une dernière visite à son père mourant.
On comprend alors le vrai sujet de Waves, qui était déjà celui des deux précédents films de Trey Edward Shults (Krisha, inédit en salles quoique couvert de prix, et It Comes at Night) : la famille, les poisons qui rongent les membres qui la composent et sa capacité unique à les aider à y faire face ensemble.
Cette thématique, me direz-vous, n’est pas nouvelle. Elle est terriblement américaine. Et ses relents chrétiens ne peuvent qu’inspirer méfiance aux dangereux laïcards que nous sommes de ce côté-ci de l’Atlantique, plus prompts à vanter les joies de l’adultère que la concorde familiale autour de la dinde de Thanksgiving.
Certes. Mais ce sujet, aussi banal et horripilant soit-il, est ici servi par une mise en scène hors normes. Les premières minutes du film suffisent à s’en convaincre qui voient le réalisateur nous démontrer toute sa maîtrise avec un panoramique à 360° tourné à l’intérieur de la voiture de Tyler et Emily roulant toutes fenêtres ouvertes, la radio hurlante, face à la skyline de Miami. Le reste du film est au diapason, très stylisé, parfois aux limites de l’ostentation, qui nous emporte néanmoins par son panache.
Mystère de la distribution, Waves sort dans cinq salles parisiennes et n’est pas visible en province : une salle à Marseille, une autre près de Lille, aucune dans la métropole lyonnaise. Quand on sait le triomphe critique et public de Moonlight, Oscar du meilleur film 2017, auquel Waves fait penser par bien des aspects, cette omerta est incompréhensible.