C’est l’histoire d’une femme amoureuse que l’Histoire a oubliée. Grande bourgeoise, divorcée de son premier mari, l’avocat Henri Torrès, séparée de son deuxième mari, l’industriel Henri Reichenbach, l’un des fondateurs des magasins Prisunic, parti s’exiler aux États-Unis, Jeanne Reichenbach (Elsa Zylberstein) est restée en France en juin 1940 malgré la défaite. Les motifs de sa décision : son amour pour Léon Blum (Hippolyte Girardot), l’ancien leader du Front populaire, haï par l’extrême-droite, emprisonné par Vichy puis livré en otage aux Allemands.
Laurent Heynemann est un honnête réalisateur de télévision dont quelques unes des réalisations trouvent, pour des motifs inexpliqués et inexplicables, le chemin des salles. Je ne rêve que de vous est adapté d’un livre de Dominique Missika dont il renverse la perspective (Je vous promets de revenir raconte, comme son sous-titre l’indique, le « dernier combat » de Léon Blum alors que Je ne rêve que de vous évoque la longue captivité de l’homme politique du point de vue de la femme qu’il épousera à Buchenwald en 1943).
Il met en lumière une page méconnue de la vie de Léon Blum et de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Une page méconnue et dont on pourrait d’ailleurs mettre en doute l’intérêt de l’exhumer. Il y avait beaucoup de choses à dire sur l’immense figure de Léon Blum (depuis son passage au Conseil d’État où il a jeté les bases du droit administratif français à ses derniers ministères sous la IVème République), sur le procès de Riom, sur la Seconde guerre mondiale. Quel intérêt trouver à la figure de Jeanne Reichenbach qui se réduit à un seul trait de caractère : sa fidélité exaltée à l’homme qu’elle aime en dépit des épreuves et de la différence d’âge ?
Par manque de moyens, on ne voit rien des épisodes les plus marquants de cette histoire : la débâcle de 1940, l’investiture de Pétain le 10 juillet 1940, le procès de Riom… Quelques acteurs sur le retour grossièrement maquillés font de brèves apparitions : Philippe Torreton (Laval), Jérôme Deschamps (Mandel), Matilda May… Oui… Matilda May…
Comment ça, « Oui… Matilda May » Est-ce de la nostalgie ? Est-il signifiant d’avoir ôté le ‘h’ de Mathilda ?
Il est inutilement féroce d’écrire « Laurent Heynemann est un honnête réalisateur de télévision dont quelques unes des réalisations trouvent, pour des motifs inexpliqués et inexplicables, le chemin des salles. » Laurent Heynemann est un cinéaste qui a réalisé au début de sa carrière bien des films de cinéma, dont un chef-d’oeuvre (Les mois d’avril sont meurtriers) et qui a été contraint, comme bien d’autres, à alterner avec des travaux à la télévision afin de continuer coûte que coûte à remplir sa vocation de réalisateur. Il n’a pas cédé à d’autres compromissions, si ç’en est une de s’obstiner parfois malgré l’insuffisance des budgets – ce qui est le cas pour ce dernier film, expliquant que, comme vous dites, « on ne voit rien des épisodes les plus marquants de cette histoire ».