Mado (Martine Chevallier), la septantaine, est veuve. Elle vit dans un appartement cossu dans une petite ville du sud de la France. Elle a deux grands enfants qu’elle voit trop rarement : une fille, Anne (Léa Drucker), qui lui est très attachée et dont elle garde souvent le fils unique, et un fils, Frédéric (Jérôme Varanfrain) avec qui les relations sont plus tendues depuis la mort de son père.
Mais Mado a un secret qu’elle n’a jamais avoué à ses enfants. Depuis vingt ans, elle entretient une passion secrète avec Nina (Barbara Sukowa), une guide touristique allemande qu’elle a rencontrée lors d’un voyage scolaire à Rome et qui s’est installée dans le même immeuble qu’elle, dans l’appartement d’en face. Mado et Nina vivent comme mari et femme, unies par un profond amour et rêvent de finir leur jour dans la capitale italienne. Mais Mado ne parvient pas à le dire à ses enfants. Et lorsqu’un AVC terrasse Mado, la laissant muette et l’esprit dérangé, Nina est ravalée à ce qu’elle n’a jamais cessé d’être aux yeux d’Anne : une simple voisine de palier.
Deux traite d’un sujet fort et rarement raconté : l’amour de deux femmes au crépuscule de leur vie. C’est un drame du coming out qui inverse les générations : il ne s’agit plus, comme souvent d’un fils ou d’une fille qui doit faire douloureusement la confession de son homosexualité à ses parents mais, à l’inverse, d’une mère, qui ne parvient pas à l’avouer à ses enfants. Imaginez-vous, cher lecteur, chère lectrice, qui me ressemblez sans doute beaucoup, banalement hétérosexuel, père ou mère de famille, devoir annoncer à vos chères têtes blondes (ou brunes) que vous quittez votre conjoint pour le voisin de même sexe. Vous n’en mèneriez pas large ? Moi non plus (je vais regarder d’un autre oeil le voisin du quatrième tout à l’heure en descendant la poubelle !!)
Arrêtons nous un instant sur le titre. Les esprits malicieux me rappelleront que Brad Pitt a joué dans Troie ou bien que deux valent mieux qu’une. Certes. Je me souviens d’un film homonyme, que j’avais vu avec ma sœur à la fin des années quatre vingts dans une salle du Quartier latin. J’en ai même eu un temps l’affiche dans ma chambre. Ses deux héros : Gérard Depardieu et Maruschka Detmers. Pauvre Maruschka Detmers à qui une scène osée dans Le Diable au corps de Bellochio en 1986 avait valu une réputation sulfureuse et qui a sombré depuis dans l’oubli.
Il n’en reste pas moins que le titre est paresseux qui vaut, peu ou prou, pour tous les films – et ils sont nombreux – mettant en scène un couple. « Nina et Mado« aurait été plus approprié, qui aurait joué sur la symétrie chirale des deux prénoms. Pourquoi ne pas avoir osé « Les Deux Vieilles », façon Brel ? L’adjectif « vieux » est-il définitivement banni de nos sociétés jeunistes ?
Deux aurait pu tourner court avec un pitch que menaçait le surplace. Mais le scénario a le mérite de ménager quelques rebondissements. L’un est raté dont on escomptait beaucoup : le moment où Anne prend conscience de l’homosexualité de sa mère. Le film s’installe doucement en nous montrant la vie des deux femmes, filmées en plans très rapprochés, presque caressants. Mado et Nina sont unies par un profond amour – et on pense au film autrement terrible de Hanneke – qui les rend immédiatement profondément attachantes. Mais le scénario a l’intelligence de ne pas enfermer Anne, la fille de Mado, dans le rôle caricatural d’une censeure buttée. L’excellente Léa Drucker joue à merveille sur l’ambiguïté du personnage, une fille divorcée – dont on ne saura rien de l’activité professionnelle – profondément attachée à sa mère et à mille lieues d’imaginer la relation qu’elle entretient avec sa voisine de palier.