Egocentrique et prétentieuse, Camille, la trentaine, a une (très) haute d’idée d’elle-même, de sa beauté, de son intelligence et de la vie merveilleuse qu’elle pourrait avoir loin de la France qu’elle juge trop médiocre pour elle. Aussi décide-t-elle de partir au Royaume-Uni pour y épouser le prince Harry.
Pendant deux ans, Camille Cottin a été l’héroïne d’une série shortcom diffusée à une heure de grande écoute sur Canal. Elle y interprétait le rôle d’une pétasse imbue d’elle-même. Les mini-épisodes de deux minutes à peine, tournés en caméra cachée, la plaçaient dans des situations hilarantes. Son humour irrévérencieux y faisait souvent mouche.
Le succès de la série a immanquablement conduit ses réalisatrices, Eloïse Lang et Noémie Saglio, à passer au long. Le film a attiré près de 1,2 millions de spectateurs en salles au printemps 2015.
Pourtant, Connasse est doublement décevant. Son scénario poussif peine à s’assumer pour ce qu’il est : un prétexte à aller tourner outre-Manche des scènes en caméra cachée que la notoriété de Camille Cottin ne permettait plus de tourner en France. Il devient la trame sans grand intérêt d’une succession de saynètes plus ou moins réussies. Prises isolément, elles nous faisaient sourire au beau milieu du Grand journal de Canal dont elles partageaient l’humour potache. Mais mises bout à bout, elles deviennent vite répétitives et l’héroïne, dont les outrances nous avaient d’abord fait sourire, finit bientôt par nous sortir des yeux.
Il y a de mon point de vue plus grave : le tournage en caméra cachée. Il repose sur un pacte implicite avec le spectateur : ce que nous allons vous montrer est drôle parce que vrai, spontané, non joué. Ce pacte me semble être la négation du cinéma, de ce qu’il autorise, de ce qu’il permet : la recréation, poussée à la perfection, de moments de vérité. La caméra cachée qui court après une chimère – l’émotion que créerait la réalité – se condamne irrémédiablement, aussi virtuose soit le montage, à une mauvaise lumière, un mauvais son, un mauvais jeu d’acteurs….
L’humour suscité par ces saynètes tournées en caméra cachée, qu’il s’agisse de celles, innocentes, qu’on nous passe en boucle dans les vols low cost quand ils ont plus d’une heure de retard, ou celles jouées par Sacha Baron Cohen, François Damiens ou Camille Cottin, repose sur un ressort qui me met énormément mal à l’aise : le Rhooooo qui nous échappe face à une situation choquante. Pourquoi rit-on ? De quoi rit-on ? De l’abattage, du culot des acteurs dont on reconnaît le talent à se mettre en danger – par exemple, dans Connasse, ceux de Camille Cottin pour escalader les grilles de Kensington Palace ou pour aller perturber la Relève de la garde ? Ou bien de la réaction des passants, filmés à leur insu, qui manifestent face aux situations dans lesquelles on les place un mélange d’abasourdissement et de désapprobation muette ?
Je me souviens de la gêne que j’avais éprouvée en regardant Borat, entre deux éclats de rire. C’est la même gêne que j’ai éprouvée face à Connasse, les éclats de rire en moins.