La vie n’a pas été tendre avec Nina (Judith Chemla) qui est à la rue avec son petit garçon Enzo. Recueillie une nuit de maraude par le Samu social, elle échoue à Versailles où, au cœur de la forêt, elle rencontre Damien (Guillaume Depardieu), qui vit en quasi-autarcie dans une cabane qu’il a construite de ses mains. Nina va lui abandonner son fils pour partir en province se reconstruire. Entre l’homme des bois et le garçonnet se construira une relation quasi-filiale.
J’avais raté Versailles à sa sortie, à l’été 2008. Je rattrape le temps perdu avec France TV qui a la bonne idée de le reprogrammer. Sevré de salles obscures, je découvre la richesse de notre service public qui met gratuitement à disposition des petits bijoux oubliés, pendant que Netflix ou Prime Video déverse à flux ininterrompus des palanquées de comédies insipides ou l’intégrale de JP Belmondo.
Le titre du film ou sa photo où l’on devine en arrière-plan la façade majestueuse du palais de Louis XIV sont mal choisis. Versailles n’a rien de royal ni de solaire. Pas plus ce film rêche ne joue-t-il du contraste entre les ors du château et la misère des vagabonds qui peuplent son parc. On ne verra rien de Versailles ou de ses habitants BCBG.
Selon l’angle qu’il aurait souhaité souligner, Versailles aurait pu s’intituler Hors du monde ou Le Garçon. Car c’est bien de cela dont il s’agit : s’attacher aux pas des plus pauvres, des plus marginaux et y suivre un gamin qui subit sans pleurnicher les avanies d’une vie de misère. Une vie de misère, mais une vie entourée d’amour ; car le petit Enzo voit se succéder autour de lui deux figures aimantes : sa mère d’abord qui aurait sans doute abandonné la partie depuis longtemps si elle n’avait eu la responsabilité de son enfant, puis ce père de substitution qu’une improbable errance en forêt lui a donné. Si cinq ans plus tôt les frères Dardenne ne s’en étaient pas servis, Le Fils aurait été un titre sacrément malin qui jouait sur l’ambiguïté de ce lien de parenté : le fils de qui ?
Guillaume Depardieu y interprète le rôle d’un SDF en rupture de ban, incapable de s’intégrer à un ordre social qui l’a emprisonné avant de l’ostraciser. Ce personnage résonne avec la vie du jeune acteur – qui fit de la prison à dix-sept ans pour trafic de drogue avant de décrocher en 1996 le César du meilleur espoir masculin. Quand il tourne Versailles Guillaume Depardieu a trente-six à peine. Son corps émacié, couvert de cicatrices, sa claudication (il a été amputé d’une jambe en 2003) lui en donnent bien dix de plus. Il mourra deux mois à peine après la sortie du film.