Suzanne (Sandrine Bonnaire) a seize ans et étouffe dans une famille toxique. En vacances dans le Var, elle repousse Luc, le garçon qui l’aime, pour se donner à un Américain de passage qui l’ignorera dès le lendemain. De retour à Paris, elle multiplie les flirts au grand dam de ses parents qui se déchirent à son sujet. Son père (Maurice Pialat himself) quitte bientôt le domicile conjugal, laissant la jeune Suzanne entre sa mère (Suzanne Ker), qui sombre lentement dans la folie, et son frère (Dominique Besnehard) qui entend la régenter. Suzanne finira par épouser Jean-Pierre (Cyril Collard) qu’elle n’aime pas avant de partir aux États-Unis avec Michel.
À nos amours passe souvent pour un chef d’œuvre. Il reçut en 1984 le César du meilleur film. L’interprétation de Sandrine Bonnaire, dont c’est quasiment le premier rôle et qui allait révéler toute l’étendue de son talent deux ans plus tard avec Sans toi ni loi, lui valut le César du meilleur espoir féminin. Les critiques saluent l’authenticité du cinéma de Pialat, son audace à filmer la réalité sans artifice, dans toute sa crudité.
Je reproche trop souvent aux films des 70ies et des 80ies d’avoir mal vieilli. Tel n’est pas le cas de ce film-là qui, s’il ne suit pas les codes des films contemporains, n’a pour autant autant rien perdu de sa force et de son intérêt.
Pour autant, je ne l’ai pas aimé. Pour deux raisons.
La première est sa construction. Le film, refusant entre ses scènes toute transition, multiplie les ellipses temporelles. Pialat filme de longues séquences – ainsi du long dîner familial qui marque le point d’orgue du film – qu’il juxtapose à la va-comme-je-te-pousse. On s’y perd souvent, même s’il suit sagement le fil chronologique, ne sachant plus ni où ni quand on se situe. Son premier quart se déroule sous le soleil insolent de la Côte d’Azur sans qu’on comprenne ce qu’y fait Suzanne avant que brutalement ne s’y substitue le ciel bas et lourd de la capitale où elle revient chez ses parents.
La seconde est la violence des relations humaines. Une violence qui traverse toute l’œuvre de Pialat et qui la caractérise. Dans la famille de Suzanne, on crie, on s’insulte, on se frappe. J’ai eu la chance de ne jamais connaître une telle violence. Je ne la comprends pas. Je n’arrive même pas à l’imaginer. La montrer est peut-être un geste cinématographique courageux et authentique. Elle ne m’en met pas moins profondément mal à l’aise pour autant.