Nelly, huit ans, vient de perdre sa grand-mère. Sa mère, Marion (Nina Meurisse), son père et elle vident la maison où Marion a grandi. C’est dans la forêt qui la jouxte, où Marion, enfant, construisit une cabane, que la petite Nelly rencontre son double : une enfant qui lui ressemble comme une goutte d’eau, qui a huit ans comme elle et qui se prénomme Marion. S’agit-il de sa propre mère ? Nelly rêve-t-elle ?
Céline Sciamma est devenue une icône lesbienne avec quatre films qui ont attiré un public de plus en plus nombreux : le déjà très réussi Naissance des pieuvres, tourné à la fin de ses études à la Fémis et qui a révélé Adèle Haenel, l’excellent Tomboy et sa jeune héroïne androgyne, Bande de filles et enfin en 2019 Portrait de la jeune fille en feu, un film incandescent auxquels son sujet, les révélations concomitantes d’Adèle Haenel sur les agressions sexuelles qu’elles avaient subies et la polémique des Césars autour du J’accuse de Polanski eurent tôt fait de conférer un statut d’oeuvre emblématique.
Petite maman raconte une histoire toute simple et pleine d’une poésie charmante. Son scénario flirte avec le fantastique, sans pourtant avoir recours à aucun effet spécial, et tient en une ligne : une enfant rencontre sa mère au même âge. Ce genre de voyage dans le temps n’est pas inédit : dans Peggy Sue s’est mariée et dans Camille redouble, l’héroïne adulte retrouvait le vert paradis de son adolescence. Ces films-là étaient construits sur le ressort de la nostalgie ; ce film-ci est construit sur un ressort plus complexe : celui d’une impossible rencontre avec ses propres parents qu’on n’imagine pas avoir eu un jour le même âge que nous.
Le résultat, disé-je, est poétique et charmant. Mais il risque de décevoir les fans de la réalisatrice qui, sur la seule foi de sa signature, vont se ruer en salles (ce qui ne fera pas de mal aux recettes d’un cinéma français en pleine convalescence, encalminé dans des Suzanna Andler ou des Villa Caprice nullissimes). Ou, pour le dire autrement : quelles critiques et quel succès auraient accueilli ce Petite maman s’il n’avait pas été réalisé par Céline Sciamma ?