Jasna (Doria Lorenci-Flatz), la quarantaine, a depuis longtemps quitté la Croatie pour l’Allemagne où elle s’est mariée et a eu deux enfants. Elle revient au chevet de sa mère Anka (Neva Rosic) dont la santé décline. Ce retour au pays natal lui pèse ; car Anka est une vieille femme acariâtre et égoïste, confite dans le deuil de son mari et de son fils, qui ne manifeste aucune reconnaissance pour sa fille. Jasna est déchirée entre son devoir filial et le malaise viscéral que sa mère lui inspire.
Mère et fille est le premier long métrage d’un jeune réalisateur croate, Jure Pavlović. Il est en grande partie autobiographique, le réalisateur s’étant inspiré de son expérience. Mais il n’en demeure pas moins solidement ancré dans la fiction. Le réalisateur a opté pour un traitement formel radical : coller sa caméra à son héroïne, filmée sans contrechamp avec une focale très courte qui laisse l’arrière-plan dans le flou. L’affiche donne une idée du résultat.
Ce parti-pris formel produit un effet d’enfermement, d’étouffement. On suit les va-et-vient de Jasna dans la maison, vieillotte et encombrée, de sa mère, dans son jardin qu’une fragile clôture sépare de celle de son voisin à laquelle l’oppose un contentieux dérisoire, dans la ville voisine où Jasna retrouve quelques amis d’enfance perdus de vue. Le scénario refuse la facilité de la dramatisation et des rebondissements, faisant courir au récit le risque de verser dans l’insignifiance.
Mère et fille s’inscrit dans une généalogie écrasante d’œuvres célèbres sur les rapports filiaux. On pense à Bergman, à Almodovar, à Sokolov ou, plus près de nous, à Falling ou à The Father. Décidément, signe peut-être de la gériatrisation de nos sociétés, on n’a jamais autant filmé des vieillards impotents et leurs rejetons impuissants. Dans ce genre là, pas le plus gai qui soit, Mère et fille laissera une marque moins forte que d’autres.