Yūsuke Kafuku, un acteur de théâtre renommé, est invité à Hiroshima en résidence pour y monter une adaptation d’Oncle Vania avec une troupe cosmopolite et polyglotte. Il est veuf depuis deux ans. Sa femme, scénariste pour la télévision, est morte brutalement après que Yūsuke a découvert son infidélité, le frustrant d’une explication qu’il n’a jamais pu avoir avec elle. Pour le rôle d’Oncle Vania, Yūsuke recrute Kôji Takatsuki, un jeune acteur qu’il suspecte d’avoir eu une liaison avec sa femme. La production lui impose un chauffeur, une jeune femme mutique, Misaki Watari, dont Yūsuke accepte mal la présence mais avec laquelle va bientôt se nouer un lien puissant.
Drive My Car arrive sur nos écrans auréolé de son prix du scénario à Cannes où, disent les mauvaises langues, la Palme d’or ne lui aurait échappé qu’au seul motif de l’obligation dans laquelle s’était cru le jury de la décerner à une réalisatrice. Il est l’oeuvre de Ryūsuke Hamaguchi, un jeune réalisateur japonais, dont les précédents films – Senses et Asako I & II – avaient favorablement impressionné la critique – à défaut de me convaincre tout à fait.
Dans ma critique de Asako I & II, je regrettais d’être déjà passé à côté de Senses et de passer à côté de ce film-là. Je pourrai hélas rajouter aujourd’hui, à mon grand regret, n’avoir pas adhéré à Drive My Car.
Mon regret est d’autant plus grand qu’autour de moi, je n’en lis que du bien – à l’exception d’une ou deux passionarias anti-conformistes. Partout, tous et toutes s’enthousiasment et s’enflamment : « La beauté de Drive My Car réside dans sa manière de donner chair à une série d’abstractions et de dispositifs purement théoriques, d’employer toutes sortes d’éléments du médium cinéma pour leur faire dégorger leur sensualité autonome et en faire les instruments d’une vérité singulière » écrit un Jacques Mandelbaum sous ecsta dans Le Monde. « Un film qui résonne indirectement avec le vécu intime de chacun·e et qui risque de briller longtemps dans la nuit noire de notre inconscient chaviré » renchérit un Thierry Josse inclusif dans Les Inrocks.
J’avais lu ces critiques avant d’aller voir le film. [Beaucoup de mes amis me disent qu’ils s’interdisent de lire les critiques avant de voir un film afin de ne pas être « influencés ». Je suis d’une opinion radicalement différente, estimant au contraire utile d’aborder une oeuvre avec toutes les clés en main pour la comprendre et l’apprécier]. Je m’étais préparé à voir une oeuvre marquante, par sa durée (près de trois heures), par son ambition. Je n’ai certes pas été déçu : le film est long et ambitieux, qui traite de questions essentielles : la vie, la mort, l’amour. Mais – et c’est une grande frustration car je peine à y mettre des mots – je n’ai pas été embarqué. Ce road movie, dont le personnage principal est peut-être la SAAB rouge de son héros, m’a laissé sur le bord du chemin.
La faute selon moi à une succession de situations que j’ai trouvées trop improbables, à commencer par cette scénariste qui invente ses histoires dans un demi-sommeil, après l’amour, et qui les reconstitue le lendemain matin avec l’aide de son mari. Le personnage de Takatsuki, jeune premier ombrageux, auquel le metteur en scène confie contre toute raison le premier rôle de sa pièce et qui se révèlera sans que rien ne le laissât présager ultra-violent, m’a semblé un ton en-dessous du reste de la distribution. Enfin, j’ai trouvé trop facile le personnage de Misaki, la chauffeure qu’il faut lester d’un lourd passé familial pour lui donner l’intensité dramatique qu’elle n’a pas.
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