Pour l’éternité est le dernier film du réalisateur suédois Roy Andersson. Projeté à la Mostra de Venise à l’automne 2019, sa sortie en France a été plusieurs fois repoussée à cause de la pandémie. Il emprunte la même forme radicale que les précédents films de ce réalisateur rare (il a réalisé six longs-métrages seulement en cinquante ans de carrière) : une succession kaléidoscopique de vignettes filmées en longs plans fixes dans des décors froids sinon lugubres où évoluent des personnages d’âge mûr écrasés par la fatigue de vivre.
Présentée ainsi, l’oeuvre de Roy Andersson n’attirera que quelques cinéphiles pointus et passablement masochistes. J’en fais partie, qui ne rate aucun de ses films depuis l’étonnant Chansons du deuxième étage qui le fit découvrir hors de son pays natal en 2000.
Pour autant, j’ai beau être masochiste, j’avoue avoir approché mes limites avec ce film-là, qui pourrait être son dernier (Roy Andersson a 78 ans). Chacun de ses plans, à l’exception peut-être du treizième, repris par l’affiche, qui montre deux amoureux à la Chagall survoler une ville en ruines, charrie une telle tristesse qu’on se sent vite écrasé. Que dire par exemple du quatrième : « A woman, described by the narrator as “incapable of feeling shame,” turns and looks back at the camera with an annoyed expression » ou du tout dernier : « A man’s car breaks down on a country road, and he attempts to fix it himself with little success. » ?
On a la furieuse impression que le réalisateur a monté à la va-comme-je-te-pousse une succession de saynètes dont l’idée lui serait progressivement venue et dont on peine à comprendre la cohérence. Sans doute chacun de ces plans, au cadrage millimétré, dont le sujet sinon les couleurs rappellent le désespoir qui sourd dans les tableaux de Edward Hopper, constituent-ils autant d’oeuvres d’art. Mais elles seraient peut-être plus à leur place dans une installation muséographique que dans une salle de cinéma.