Daniel (Daniel Brühl) est un célèbre acteur allemand. Il vit à Berlin-Est dans un splendide duplex avec sa femme, ses deux enfants et une bonne cubaine. Ce matin, il prend l’avion pour aller passer une audition à Londres pour un rôle dans un blockbuster hollywoodien. Sur le chemin de l’aéroport, il s’arrête dans un vieux troquet. Un client, Bruno, qui se révèle être le voisin de Daniel et dont le père occupait l’appartement de Daniel avant sa coûteuse réhabilitation, engage la conversation avec lui. Elle prend vite un ton désagréable.
Daniel Brühl est sans doute l’un des acteurs les plus célèbres et les plus sympathiques du cinéma allemand contemporain. Cette notoriété déjà ancienne, Daniel Brühl la doit à son premier rôle dans Good Bye, Lenin! en 2003. Depuis lors, il a cultivé son image de gendre idéal en Allemagne et jusqu’à Hollywood (il tourne pour Tarantino et pour l’univers cinématographique Marvel où il incarne le personnage d’Helmut Zemo). C’est cette image trop lisse qu’il prend un plaisir masochiste à ébrécher dans sa première réalisation.
La construction en est très théâtrale. Tout – ou presque – s’y passe entre les quatre murs d’un café défraîchi où traînent deux piliers de bar et une patronne au profil de mère maquerelle. On pense à quelques huis clos d’anthologie : Le Limier de Mankiewicz, Garde à vue de Claude Miller, La Jeune Fille et la Mort de Polansky, Funny Games de Haneke….
Ces chefs d’œuvre partagent quelques traits communs : une unité de temps, de lieu, d’action, une atmosphère oppressante, une interprétation hors pair, un scénario suffisamment surprenant pour ménager quelques rebondissements (et suffisamment rebondissant pour ménager quelques surprises).
Au regard de tous ces critères, Next Door est défaillant. Il pèche d’abord par son manque de crédibilité : pourquoi le métrosexuel Daniel, tiré à quatre épingles, a-t-il ses habitudes dans ce rade repoussant ? pourquoi y retrouve-t-il ce matin-là son voisin ? pourquoi accepte-t-il d’écouter devant témoins ses révélations ?
Il pèche surtout par sa construction prévisible. Chaque fois que Daniel menace de quitter la scène, chaque fois même qu’il réussit à la quitter, on sait par avance qu’il y reviendra puisque le film nous a fait la promesse d’un huis clos de quatre-vingt-dix minutes. Trop blasé par trop de films similaires reposant sur les mêmes ressorts, notre œil de spectateur note chaque détail en sachant par avance qu’il jouera un rôle déterminant : une enveloppe jaune est-elle glissée à un enfant de passage, on sait qu’elle ressurgira trente minutes plus tard, Bruno se déplace-t-il avec un tote bag, on sait qu’il en sortira quelques documents compromettants, etc.
Le film de huis clos est un exercice périlleux ; l’autobiographie sans complaisance en est un plus périlleux encore. Daniel Brühl ne réussit ni l’un ni l’autre. Son capital de sympathie est tellement grand qu’on ne boudera pas pour autant son prochain film.