Mort en 2020, le documentariste britannique Luke Holland avait consacré les ultimes années de sa vie à interviewer les derniers survivants allemands du Troisième Reich. Logiquement, il s’agit de vieillards octogénaires ou nonagénaires qui reviennent sur des faits vieux de plus de soixante ans vécus durant leur enfance voire leur adolescence.
Les moins âgés racontent leur embrigadement dans les Jeunesses hitlériennes ; les plus vieux, en âge d’être incorporés, évoquent les combats qu’ils ont vécus.
Trois questions se posent à eux.
La première est celle de leur adhésion à la folie criminelle hitlérienne. Elle ne fait hélas guère de doute, fruit du conformisme, de la passivité et de la crainte des représailles qu’un acte de résistance aurait déclenché.
La deuxième est celle de leur degré de connaissance des crimes perpétrés, notamment du génocide juif. Cette question-là appelle une réponse moins tranchée. Comme l’ont montré les travaux des historiens du nazisme, la population allemande aurait pu savoir mais a préféré refuser de savoir. Des rumeurs circulaient sur l’existence de camps de concentration et sur ce qui s’y faisait, colportées par les voisins ou par les militaires qui y étaient affectés. Pour certains, elles étaient tellement monstrueuses qu’elles étaient incroyables. Pour d’autres, il n’y avait rien de bon à y prêter l’oreille ou, pire, à les relayer.
La troisième, la plus délicate, est celle de la culpabilité. Bien sûr, chacun se réfugie derrière l’obligation de respecter les ordres reçus (le fameux Führerprinzip) et le danger couru à y déroger. Mais, les témoignages recueillis par Luke Holland révèlent une subtile palette de réactions, entre ceux qui se considèrent exempts de toute culpabilité et d’autres, plus sensibles, qui reconnaissent que, quand bien même ils n’auraient de leurs mains commis aucun crime, leur simple passivité en a permis la commission par d’autres.