Marcello Clerici (Jean-Louis Trintignant) a grandi sans amour entre un père qui finit à l’asile et une mère qui sombre dans la toxicomanie. Après de brillantes études, il adhère au parti fasciste et rejoint ses services secrets. Par conformisme, il se marie avec Giulia (Stefania Sandrelli) une femme superficielle et frivole pour laquelle il n’a aucun sentiment.
Une mission lui est confiée à l’occasion de son voyage de noces à Paris en 1938 : y rencontrer Luca Quadri, son ancien professeur, devenu une figure de la lutte anti-fasciste, endormir sa confiance et l’assassiner. Dans le cadre de cette mission, Marcello fait la connaissance de Anna (Dominique Sanda), la jeune épouse du professeur.
J’ai toujours exprimé des réserves sur le jeu de Jean-Louis Trintignant que je trouve laid et inexpressif. J’ai sans doute tort si j’en crois l’engouement qu’il suscite et les éloges qui ont accompagné son décès. Mais mes réserves sont pour beaucoup dans le peu d’intérêt que j’ai pris à ce film réalisé par un jeune réalisateur encore quasi-inconnu et où Trintignant est horriblement doublé en italien – comme c’était l’usage à l’époque – au point même d’y parler le français avec un accent ridicule.
J’ai été désarçonné, sinon perdu par la première moitié du Conformiste, dont je n’ai pas compris grand-chose à force de flashbacks et de flash-forwards. Les choses se sont arrangées dans la seconde partie qui prend un cours plus linéaire. Y apparaît Dominique Sanda dont la beauté glaciale irradie la pellicule. Las ! La passion qu’éprouve le personnage interprété par Trintignant pour celui qu’elle interprète ne transpire guère. Tout se termine par une scène mythique, mais bizarrement artificielle, dans les forêts enneigées des Alpes.
Honteux d’avoir pris à ce film aussi peu de plaisir, j’ai voulu découvrir le livre qui l’avait inspiré. De Moravia, j’avais lu L’Ennui que j’avais immensément aimé et L’Amour conjugal (on me glisse à l’oreillette que La Désobéissance est un bijou). Avec Le Conformiste, j’ai retrouvé avec délice l’élégance proustienne de sa prose et l’intelligence de son psychologisme. Mais j’ai aussi compris ce qui m’avait dérangé dans le film de Bertolucci – qui frappe par sa fidélité et ne s’éloigne quasiment pas du livre sinon dans la mise en scène de l’assassinat de Quadri et dans les retrouvailles avec Lino. Tout le livre repose sur une thèse : l’adhésion au fascisme est ancrée dans un puissant besoin de conformisme, le besoin d’être conforme à ce que la société attend d’un homme et de se fondre dans la masse. Je n’oserai pas me prononcer sur cette thèse dont les historiens et les psychologues débattent depuis près d’un siècle ; mais le conformisme est devenu un tel repoussoir, à l’heure où l’anti-conformisme au contraire est érigé en valeur essentielle, qu’elle n’a pu que me dérouter.