Chiara (Cécile de France) a 45 ans. Belge d’origine, elle a suivi Antoine, un marin pêcheur, sur son île et partage depuis vingt ans sa vie laborieuse. Elle prend sur son bateau un apprenti, Maxence (Félix Lefebvre), dont elle tombe amoureuse contre toute raison. Profitant de l’absence de son mari parti défendre à Londres les intérêts de sa profession, elle a une liaison avec lui qui a tôt fait de s’ébruiter dans la petite communauté insulaire.
Faut-il y voir un effet de mode ? La « cougar » est en train de devenir un personnage de cinéma : Emma Thompson dans Mes rendez-vous avec Léo, Fanny Ardant dans Les Jeunes Amants , Isabelle Huppert dans Souvenir, Naomi Watts et Robin Wright dans Perfect Mothers (adapté d’une courte nouvelle de Doris Lessing) campent des femmes dans la force de l’âge, séduisantes en diable, qui à rebours des règles d’une société qui ne le tolère guère, vivent librement leur sexualité.
Le thème est l’occasion parfois de sorties de route malaisantes : 20 ans d’écart avec Virginie Efira, MILF… Mais La Passagère évite ces dérapages. C’est au contraire un film d’une étonnante justesse qui rompt avec le male gaze graveleux à travers lequel la cougar est trop souvent fantasmée. En témoignent les scènes de sexe qui, contrairement à l’usage, filment l’orgasme féminin – autant que je le connaisse – avec une rare authenticité.
La Passagère est porté par Cécile de France. Obnubilé par Anaïs Demoustier et Virginie Efira, je ne chante pas suffisamment les louanges de cette immense actrice que j’avais découverte il y a vingt ans dans L’Auberge espagnole et que je retrouve à chacun de ses films avec ravissement. Elle tient le rôle principal du Gamin au vélo des frères Dardenne qui figure dans mon panthéon, juste en-dessous de La La Land et des Parapluies de Cherbourg.
Elle n’a jamais été aussi belle que dans Möbius, aussi touchante que dans Mademoiselle de Joncquières. Elle n’a jamais été aussi vraie que dans cette Passagère.
Une fois le scénario sur ses rails, il n’existait guère que deux façons pour lui de se conclure. Soit Chiara et Antoine s’autorisaient à vivre au grand jour leur passion (hypothèse assez improbable), soit (hypothèse la plus probable), la raison l’emportait et après une folle idylle, le jeune homme quittait l’île et son amante revenait à son mari – qu’elle n’avait d’ailleurs jamais cessé d’aimer.
L’intelligence de La Passagère est d’imaginer une troisième issue, qui n’est pas moins crédible que les deux précédentes, mais qui est tout aussi riche de sens.