Reyhaneh Jabbari, âgée de dix-neuf ans, a poignardé en 2007 Mortez Sarbandi qui s’apprêtait à la violer après l’avoir attirée dans un appartement sous le prétexte de lui demander d’en refaire la décoration intérieure. Immédiatement arrêtée par la police, contrainte sous la torture à de fausses confessions, elle est condamnée à mort deux ans plus tard. Elle sera finalement exécutée le 25 octobre 2014.
La documentaliste Steffi Niederzoll a découvert cette tragédie en voyant la video de la mère de Reyhaneh, écrasée d’angoisse, devant la prison où la sentence va être exécutée, au moment précis où on lui apprend la mort de sa fille. Elle a longuement interviewé la mère et les deux sœurs de Reyhaneh, toutes trois réfugiées en Allemagne, ainsi que son père, qui, lui, n’a pas obtenu le droit de quitter l’Iran. Elle a rassemblé les vidéos, les enregistrements téléphoniques, les courriers échangés entre la prisonnière et ses proches pendant les sept longues années de sa captivité, ainsi que les images tournées au Camescope de la joyeuse jeunesse de Reyaneh avant son incarcération.
Le résultat est poignant. On y découvre une jeune femme riante, débordante d’énergie, qui continue envers et contre tout à clamer son innocence et qui, pendant sa captivité, prend sous son aile des prisonnières plus jeunes pour les défendre. On y découvre aussi la mère de Reyhaneh, incarnation moderne de Clytemnestre, prête à tout pour sauver sa fille de la mort qui lui est promise.
On y découvre surtout le fonctionnement scandaleusement vicié de la justice islamique iranienne. Loin d’être considérée comme la victime d’une tentative de viol agissant en légitime défense, Reyhaneh est accusée de « relation illicite hors mariage » et de « meurtre avec préméditation ». La façon dont l’instruction, à charge, est menée, est choquante. La dureté de la sentence l’est tout autant : la mort en vertu de la loi du talion. Mais la façon dont la sentence est appliquée l’est encore plus : la famille de la victime a le droit de pardonner à l’accusée et de lui éviter la mort.
Ainsi s’ouvre pour la famille de Reyhaneh un espoir et se rassemblent toutes les conditions de la plus perverse des tortures : l’espoir d’obtenir la grâce de Reyhaneh et la torture infligée par la famille de Sarbandi qui lui refuse ce pardon tant que l’accusée n’aura pas retiré son accusation de tentative de viol.
La mécanique est dramatique, qu’on en connaisse par avance l’issue ou qu’on en ignore tout et qu’on espère jusqu’à la fin que Reyhaneh sera libérée. On sort de la salle tétanisé et en colère. Seule note d’espoir : le portrait admirable de cette mère et de ces deux sœurs, exilées loin de leur pays, mais bien déterminées à tout faire pour que d’autres Reyhaneh n’y soient pas à nouveau victimes de la violence des hommes.