Noémie est une jeune adolescente québécoise. Élevée en foyer, elle brûle de retourner vivre chez sa mère. Frustrée de se le voir une fois encore interdire, elle fugue et rejoint Léa, une ancienne pensionnaire de son foyer, qui vit désormais à Montréal. Le copain de Lea la force à se prostituer. Sous l’emprise de Zach, le nouveau copain qu’elle se fait dans les jours qui suivent son installation à Montréal, Noémie va bientôt devoir suivre le même chemin.
La prostitution, la violence physique et psychologique qu’elle provoque, les dilemmes qu’elle suscite, sont décidément des sujets qui nourrissent beaucoup de films. Sans remonter à Buñuel (Belle de jour), Godard (Deux ou trois choses que je sais d’elle, Vivre sa vie) ou Bonello (L’Apollonide), on pourrait citer Party Girl, Filles de joie et surtout Une femme du monde avec l’épatante Laure Calamy. L’automne dernier, on a vu l’adaptation à l’écran du livre choc d’Emma Becker, La Maison, qui, à rebours du discours abolitionniste dominant, essaie de réhabiliter la maison close décrite comme un chaleureux cocon sororal et la prostitution dès lors qu’elle reposerait sur un choix consenti. Pas plus tard que le mois dernier, À mon seul désir avait pour cadre un club de striptease et pour personnages les danseuses qui s’y produisaient.
Noémie dit oui confronte une adolescente en perdition au traumatisme de la prostitution. Elle n’y tombe pas par hasard mais au terme d’un implacable cheminement qui l’amène du centre de jeunesse à la rue. Ce film québécois réussit à éviter les deux écueils qui le menaçaient : la glamorisation porno et le naturalisme misérabiliste.
Noémie dit oui n’est pas un film glamour. Au contraire. Les dizaines de passes successives que doit subir l’adolescente n’ont rien d’affriolant. Les hommes laids et veules qui se succèdent dans la chambre d’hôtel que son proxénète a louée pendant les trois journées que dure le Grand Prix de Formule 1 de Montréal (dont on apprend qu’il est le lieu de tous les excès) ne sont ni des Adonis ni des gentlemen. Toute femme tentée de se prostituer en imaginant que c’est de l’argent facilement gagné, tout homme fantasmant sur le recours à une prostituée pour passer un « bon moment » en compagnie d’une nymphomane décoincée devraient être invités d’urgence à voir ce film avant de passer à l’acte.
Pour autant, Noémie dit oui ne sombre pas dans un misérabilisme glauque ou moralisateur. Le mérite en revient en grande partie à l’héroïne, la jeune Kelly Depeault, de tous les plans. Tout le film repose sur ses -frêles – épaules, dans sa seconde partie, la plus éprouvante, dans le huis clos de cette chambre d’hôtel anonyme, mais aussi dans la première, portrait d’une adolescente ivre de colère et privée d’amour maternel.