Désordres a pour cadre une usine d’horlogerie de la vallée de Saint-Imier, dans le Jura bernois, dans les années 1870. On en découvre le directeur, les ingénieurs qui y chronomètrent le temps de travail des ouvrières pour en rationaliser les tâches. Le jeune Piotr Kropotkine, qui était géographe de formation, avant de devenir l’un des leaders du mouvement anarchiste, visite la région.
Désordres est un film étonnant. Étonnant par son sujet : j’ignorais que le mouvement anarchiste avait trouvé dans les vallées suisses juste après la Commune un terreau si favorable. Étonnant par son traitement : Désordres a été tourné en lumière naturelle avec des acteurs non-professionnels. Son traitement du son est très particulier, avec à la fois des voix très proches, presque murmurantes et l’omniprésence d’un bruit de fond parasite. Son traitement de l’image l’est tout autant, avec des plans très rapprochés et des cadrages décentrés, comme des peintures flamandes dont le sujet principal se situe à la périphérie.
Avec une grande ascèse, Désordres essaie de mettre en images une idée : la mesure du temps.
Le résultat est déconcertant. On a envie de crier au génie devant autant d’originalités. Mais très vite l’ennui s’installe. La faute au jeu des acteurs décidément très mauvais : c’est une chose de choisir des non-professionnels, c’en est une autre de les diriger. La faute aussi à un scénario qui à force de refuser tout effet spectaculaire finit par s’enliser : on ne s’attache pas aux personnages auxquels le scénario refuse obstinément de donner le moindre relief et la moindre personnalité, on ne s’intéresse à aucune des histoires que, là encore, le scénario refuse de développer (le licenciement d’une ouvrière, une votation, l’ébauche d’une idylle). Dommage…