Près de Bichkek s’étend une immense déchetterie à ciel ouvert où des damnés de la terre en haillons viennent trier dans une odeur qu’on imagine pestilentielle quelques rogatons recyclables. Le vieux documentariste Denis Gheerbrandt, qui a derrière lui près d’un demi-siècle de carrière, et la jeune chercheuse russe Lina Tsrimova, qui a soutenu à l’EHESS en 2021 une thèse sur l’histoire de la construction du Caucase aux dix-huitième et dix-neuvième siècles, sont allés les filmer.
Les images qu’ils ont ramenées du Kirghizistan et les témoignages qu’ils ont recueillis sur cette colline de déchets sont impressionnants. En particulier, ils se sont concentrés sur deux figures. Celle d’Alexandre, un ancien soldat de l’Armée rouge, traumatisé par la guerre en Tchetchénie et par l’alcool. Et celle de Tadjikhan, une vieille Kirghize que tous les coups possibles du sort ont frappée, à commencer par la mort accidentelle de cinq de ses neuf enfants.
La Colline contient quelques plans d’anthologie, tels ceux filmés nuitamment des incendies des déchets qui ne dissuadent pas les maraudeurs de continuer à y fouiller en quête d’on-ne-sait quel trésor. Mais si ces plans sont beaux, ils ne font pas toujours sens, dans un documentaire auquel on pourra reprocher sa brièveté (1h17 seulement) et qui nous frustre d’explications plus approfondies sur cette déchetterie, son environnement et ce pays du bout du monde, le Kirghizistan, coincé entre la Russie et la Chine, qui aurait mérité de plus amples développements pour satisfaire notre curiosité.