Fatima-Zahra (Aicha Tebbae) vit de ses charmes. Son activité l’oblige à se déplacer d’une ville à l’autre au gré des rencontres qu’elle y fait et des revers de fortune qu’elle y subit. Son fils Sélim (Abdellah El Hajjouji), dix-sept ans, l’accompagne dans toutes ses pérégrinations. Lorsqu’il découvre la réalité sur sa naissance et l’origine des revenus de sa mère, le duo manque se séparer et part s’installer à Tanger. Sélim trouve un travail chez un Français homosexuel (Antoine Reinartz) qui l’emploie comme homme à tout faire dans son riad. Fatima-Zahra, après avoir un temps essayé d’occuper un emploi ouvrier dans une usine textile, espère enfin se marier avec un conducteur de car.
Une semaine seulement après Les Meutes, la sortie des Damnés… démontre, s’il en était besoin, la belle vitalité du cinéma marocain. Ses deux héros ne sont guère mieux lotis que le père et les fils des Meutes. Le milieu dont ils viennent n’est probablement pas moins misérable. Mais Les Damnés… (un qualificatif peut-être impropre, « vagabonds », « misérables », « gueux », « indigents » aurait été plus approprié) n’est pas un film noir, pas un polar qui nous plonge dans les bas-fonds nocturnes de Casablanca ; c’est un film diurne sous le grand soleil de Tanger.
Il dresse le portrait de deux Marocains, une femme d’âge mûr, mi-maman mi-putain, et un tout jeune homme à l’orée de la vie. Ni l’un ni l’autre ne sont très sympathiques. Ni l’un ni l’autre ne font preuve, dans les choix qu’ils font, de beaucoup de bon sens ou d’intelligence. On pourrait en faire le reproche au réalisateur ; on pourrait aussi l’en féliciter.
Au-delà de ces deux portraits, c’est le lien qui les unit qui constitue sans doute le nœud du film. Mais par la faute de la piètre interprétation de ses deux acteurs, ce nœud peine à s’incarner. L’amour maternel de Fatima-Zahra ne s’exprime guère ; l’amour filial de Selim n’est guère plus explicite.
La partie la plus intéressante du film, de mon point de vue, est le tableau qu’il dresse des relations avec les étrangers, ces riches Européens à la fois si proches et si différents, si attirants et si repoussants. Travailler avec eux est, pour un Marocain sans le sou, la promesse d’un revenu stable et élevé ; mais c’est aussi, comme pour Sélim, le risque de se brûler les ailes.