Depuis que la guerre a éclaté en Ukraine, Maciek Hamela a bénévolement parcouru des dizaines de milliers de kilomètres à bord de son van pour transporter des réfugiés et les aider à quitter les zones de combat. Ce Polonais, formé en France, réalisateur de plusieurs documentaires, a décidé de poser une caméra sur le tableau de bord de sa voiture et de filmer ses passagers pas comme les autres.
Le titre de son documentaire lui a été inspiré par Sofia, une passagère de sept ans, incarnation vivante de l’innocence perdue, qui, durant le jeu que lui propose un autre passager pour chasser l’ennui du long voyage, oppose, à la pierre, à la feuille ou au ciseau, sa botte secrète : un pistolet. Une autre enfant, Sanya, est blottie dans les bras de son père. Depuis qu’un bombardement a détruit leur appartement, elle n’a plus prononcé une parole.
D’autres drames poignants s’expriment dans les confessions des passagers, dans leurs sanglots ravalés, dans leurs silences : une femme accompagnée de ses deux enfants, évoque leur père dont on comprend bientôt qu’il est mort sur le front. Une mère porteuse, aussi belle qu’énergique, a vu disparaître la clinique qui la suivait et espère pouvoir aller en France pour y retrouver les parents d’intention de son enfant. Une Congolaise, installée depuis dix ans en Ukraine, a été fauchée par les balles russes et cherche un hôpital en Pologne ou en Allemagne. Une babouchka pleure ; elle a dû se résoudre à abandonner sa vache bien-aimée ; sa famille essaie de la consoler.
Pierre Feuille Pistolet est victime du dispositif exigeant auquel il s’est astreint. Il ne sort quasiment pas de l’habitacle du véhicule et ne donne pas d’explication sur le conflit, sur sa temporalité, sur les lieux traversés. On voit par la vitre des immeubles éventrés, des voitures renversées, des tanks (russes ? ukrainiens ?) calcinés. On touche du doigt l’horreur de la guerre et les bouleversements qu’elle cause. Mais on n’en comprend pas grand-chose.