Asmae El Moudir est née en 1990 au Maroc. Elle a grandi à Casablanca avant de faire des études de cinéma et de devenir documentariste. Elle a entrepris de reconstituer en miniature le quartier de son enfance, avec des figurines en argile fabriquées par son père et des costumes confectionnés par sa mère. La confrontation de sa famille à cette reconstitution est l’occasion d’exhumer des souvenirs enfouis.
La Mère de tous les mensonges documente une page méconnue de l’histoire marocaine contemporaine : les émeutes du pain du 20 juin 1981, violemment réprimées par les autorités qui en ont systématiquement effacé les traces. À cette occasion, une voisine de la famille d’Asmae a mystérieusement disparu.
Asmae El Moudir use d’un procédé original pour raconter une histoire à la fois intime et nationale. Elle aurait pu recourir, comme le font les documentaires classiques, à des images d’archives. Or, il n’en existe guère. Elle aurait pu, comme c’en est devenu la mode, tourner un film d’animation. Elle choisit un autre parti : la reconstitution en miniatures de son quartier, de sa maison, des membres de sa famille.
Elle choisit de réunir sur le plateau de tournage les principaux protagonistes et, au premier chef, sa grand-mère, dragon domestique et gardienne des secrets les mieux enfouis. Ce personnage est au centre du film. Son statut est ambigu : est-ce au fond une personnalité attachante, dont le comportement revêche s’explique par sa biographie ? ou est-elle authentiquement aussi vipérine qu’elle en a l’air ?
La question n’est pas vraiment tranchée. Ou du moins, je n’ai pas compris qu’elle l’ait été. Et c’est peut-être tant mieux ainsi, le personnage – et le film avec lui – gardant ainsi sa part de mystère. Pour autant, cette ambiguïté est plus dérangeante que stimulante. On sort du film en même temps séduit par l’audace de sa mise en scène, entre théâtre de marionnettes et catharsis familiale façon Festen, et frustré d’une montagne qui accouche d’une souris, le motif de cette histoire se révélant tout compte fait bien pauvre.