Rejeton de la haute bourgeoisie anglaise, Siegfried Sassoon s’engage patriotiquement en 1915 mais découvre vite les horreurs de la guerre. Il manque de peu être passé par les armes pour ses prises de position pacifistes et est envoyé par le conseil de guerre en hôpital psychiatrique en Ecosse. Ses premiers poèmes portent la trace de ses années éprouvantes. Durant les années folles, il mène une vie de dandy et fréquente le grand monde. Il ne fait pas mystère de son homosexualité et accumule les liaisons tapageuses. Il se marie néanmoins en 1933 et a même un fils. Après s’être converti au catholicisme, il meurt octogénaire dans les années 60 et laisse une oeuvre abondante.
Terence Davies, qui est mort l’automne dernier, lui a consacré son dernier film. J’avais vu début 1989 le film qui l’a rendu célèbre, Distant Voices, Still Lives, l’évocation autobiographique de son enfance dans un milieu populaire, à Liverpool dans les années 40 et 50. J’avais vu ses films suivants, notamment The Deep Blue Sea, qui se déroulait dans le Londres neurasthénique de l’immédiat après-guerre, asphyxié par le rationnement et par le smog, et Emily Dickinson, A Quiet Passion, que ma critique descend en flèche. J’aurai la main à peine moins lourde pour ces Carnets, qui m’avaient pourtant été chaudement recommandés par une amie au goût très sûr et par les yeux en cœur de Pénélope, la nouvelle mascotte de Télérama.
On y reconnaît la mise en scène élégante de Terence Davies, à rebours de tout naturalisme. Les décors, ostensiblement artificiels, rappellent ceux d’une pièce de théâtre. La caméra effleure les visages, les riches étoffes, même si un budget limité interdit les grandes scènes de foule. On ne quittera guère les intérieurs où Siegfried étouffe, le cabinet d’un psychiatre, la chambre à coucher où ses amants se succèdent. On entend parfois en voix off quelques uns de ses poèmes. Un saut dans le temps nous le montre, vieilli et aigri, finissant ses jours dans un modeste cottage du Wiltshire où lui rend visite un ancien amant.
Cette mise en scène très léchée, volontiers austère ne fait naître chez moi, dans ce film-ci, comme dans les précédents de Terence Davies, aucune émotion. Ils me glacent. Pire, ils me lassent….