Moran (Daniel Elias) est le trésorier d’une petite banque portègne. Las de son morne quotidien, il refuse la perspective d’une vie de travail et décide de voler dans les coffres de la banque une somme suffisante pour rester oisif le reste de ses jours. Son délit entraînant nécessairement son arrestation et son emprisonnement pendant quelques années au moins, il a besoin d’un complice qui conserverait son butin le temps de son incarcération. Moran sollicite Roman (Esteban Bilgliardi), l’un de ses collègues. Une fois le casse effectué, le destin des deux complices empruntera des chemins surprenants.
Projeté à Cannes l’an passé dans la section Un certain regard, encensé par la critique, Los Delincuentes est un film (d)étonnant. Son titre, son affiche, son pitch laissent augurer un thriller, un film de braquage, comme on en a déjà vu beaucoup et comme on les aime souvent (Inside man est pour moi un modèle du genre…. sans parler de la série La Casa del papel). Mais Los Delicuentes prend une autre voie, un détour, un chemin de traverse vers autre chose. Il s’en donne le temps : 3h10, une durée inhabituelle pour ne pas dire extra-ordinaire.
Le cinéma argentin est d’une étonnante richesse et d’une déroutante radicalité. Le collectif Pampero Cine y crée des formes serpentines au format hors normes : La Flor dure 13h34, Trenque Lauquen 4h22. Rodrigo Moreno, le réalisateur de Los Delincuentes, ne fait pas partie de ce collectif ; mais il en est proche. Son film rappelle La Flor aussi bien que Trenque Lauquen. D’ailleurs, on y retrouve plusieurs des acteurs : Esteban Bigliardi, German De SIlva, Laura Paredes…
Dans la forme comme sur le fond, Los Delincuentes filme le lâcher-prise. Il invente à Moran comme à Roman une autre vie possible loin de la capitale et de son labeur asservissant. Il le fait à 700km à l’ouest de Buenos Aires, dans la province de Cordoba, jardin d’Eden où les deux héros croiseront Morna, Norma et Roman. Autant de personnages-anagrammes qui évoquent la possibilité de vies interchangeables.
Il faut savoir lâcher prise pour goûter ce film. Il faut accepter, le temps d’une séance de cinéma, de sortir du temps, de se mettre au rythme d’un autre tempo que celui auquel le cinéma nous a habitués. J’avoue y avoir eu un peu de mal. Le temps, je l’ai trouvé bien long. Si j’ai aimé ses rebondissements inattendus, sa conclusion, en épingle à cheveux, m’a laissé sur ma faim. Un ami m’en a expliqué la raison : il y aura une suite. J’espère qu’il se trompe !