Apolonia Sokol est née en 1988 à Paris d’un père français et d’une mère qui a successivement vécu en Pologne et au Danemark. Elle a grandi dans l’ambiance bohême du Lavoir moderne parisien, au cœur du XVIIIème arrondissement parisien. C’est là que la jeune cinéaste danoise Lea Glob l’a rencontrée en 2009. Les deux femmes se sont liées. Pendant treize ans, de Paris à New York, des premières toiles aux premières expositions, Lea Glob a filmé Apolonia et sa renommée grandissante.
Apolonia, Apolonia est un film profondément original. Alors qu’un documentaire est normalement tourné en quelques semaines, quelques mois tout au plus, qu’il peut certes faire revivre le passé, grâce au recours aux archives ou aux interviews de témoins, celui-ci a été filmé pendant treize ans et nous fait vivre en direct le temps qui passe et un talent qui éclot. Lea Glob ne se contente pas de nous raconter la vie d’Apolonia, elle la filme au jour le jour. Une étrange symbiose naît entre les deux côtés de la caméra, entre celle qui filme – et qui parfois s’autorise à entrer dans le champ – et celle qui est filmée.
Apolonia, Apolonia est donc doublement intéressant.
D’une part, il montre l’éclosion d’une artiste. Comment devient-on une peintre mondialement reconnue ? Apolonia Sokol est née dans un milieu cosmopolite et bohême. Elle est passée par les Beaux-Arts de Paris (poke à son directeur, collègue et ami). Elle semble surtout tout entière investie dans son art, prête à tous les sacrifices, notamment celui de la maternité, pour le vivre intensément. Est-elle douée ou pas ? je serais bien incapable de le dire, vaguement méfiant envers l’art contemporain et ses brusques emballements dont on se demande parfois s’ils dépendent plus des stratégies d’investissement des collectionneurs que du réel talent des artistes.
D’autre part, il témoigne d’une amitié. Amitié entre Apolonia et Lea. Mais amitié aussi avec un troisième personnage, Oksana Chatchko, la co-fondatrice des Femen, réfugiée politique en France en 2013. Le documentaire témoigne du lien si fort qui unissent les trois jeunes femmes. On imagine l’émotion d’Apolonia et de Lea à sa première projection. On pourrait s’en sentir exclu – et on le pourrait d’autant plus en tant qu’homme car ces féministes radicales tangentent la misandrie – mais au contraire on est ému par cette brûlante sororité.