No Pasàran (2003) ★★☆☆ / Le Temps du voyage ★☆☆☆

À l’occasion de la sortie en salles du Temps du voyage, plusieurs cinémas parisiens (Le Grand Action mercredi 8 mai, Le Saint-André des Arts samedi 11) ont programmé une double projection-débat, en présence de Henri-François Imbert, de deux de ses documentaires, réalisés à vingt ans de distance.

J’ai beaucoup aimé No Pasaràn, que j’avais raté en octobre 2003. Son titre pourrait laisser augurer une histoire des Républicains espagnols, dont on aura reconnu le slogan, opposé sans succès hélas à l’avancée des troupes franquistes. Il s’agit plutôt de l’histoire de leur exil en France. L’idée en a germé chez le jeune Henri-François Imbert en découvrant six cartes postales chez ses grands-parents maternels, émigrés espagnols. Elles montraient des réfugiés franchissant la frontière au Perthus et parqués dans des camps de concentration – l’expression n’avait pas encore reçu la sinistre connotation dont les camps nazis allaient la lester à jamais.

Excité par cette découverte, Henri-François Imbert est parti à la recherche des autres cartes postales constituant ce lot. Le documentaire raconte en voix off cette quête, longtemps frustrante, émaillée de découvertes et de rencontres. À chaque carte postale découverte, c’est un nouvel élément du puzzle qui est retrouvé. On y comprend l’infâmie commise par le gouvernement français de l’époque : au nom de la neutralité, emprisonner les Républicains espagnols, aussi bien civils que militaires, dans des camps de rétention, leur confisquer leurs effets (et ne jamais les leur restituer), séparer les hommes de leurs femmes et de leurs enfants, déplacer les camps des Pyrénées-Orientales (Argelès, Saint-Cyprien, Le Barcarès) où la crainte naît que leurs occupants encouragent le sécessionnisme catalan, vers l’Aude (Bram) et l’Hérault (Agde).

J’ai beaucoup moins aimé Le Temps du voyage que j’ai vu dans la foulée. La raison en est que j’escomptais une suite à No pasaràn, sur l’internement des Tziganes pendant la Seconde guerre mondiale en France. Henri-François Imbert en fait son point de départ mais s’en désintéresse bien vite pour se focaliser sur la situation contemporaine de la communauté tzigane.

Il y aurait eu beaucoup de choses à dire à ce sujet, à commencer par éclairer une question étymologique : faut-il parler des Roms, des Tziganes, des Gitans, des Manouches ? Quelle est leur histoire ? Quelle est leur répartition sur le territoire national ? Parlent-ils tous la même langue ? Pratiquent-ils la même religion ? Partagent-ils la même culture ? Se sont-ils sédentarisés ? intégrés ?

Le Temps du voyage, qui avait commencé au camp d’internement de Jargeau dans le Loiret sur les traces d’Eugène Daumas, le président de l’UFAT (Union française des associations tziganes) qui a milité avec succès pour l’abolition du livret de circulation des Tziganes, délaisse ce fil-là, pourtant passionnant, pour un autre. Dans sa seconde moitié, renonçant à faire oeuvre d’historien et de sociologue, Henri-François Imbert se contente paresseusement de suivre Thierry Patrac, un fils de Gitan sédentarisé à Agde, qui travaille dans la musique et l’animation culturelle. Il s’englue dans le portrait sans intérêt d’une famille tzigane qui a réussi son intégration sans renoncer à son identité.

La bande-annonce du Temps du voyage

Semaine sainte ★★☆☆

Leiba, un aubergiste juif, est en conflit avec Gheorghe, son employé paresseux et alcoolique. Il le licencie mais Gheorghe promet de se venger. Le village, gangréné par l’antisémitisme, se ligue vite contre l’aubergiste et menace sa famille.

Aucune indication de lieu ni d’époque ne nous est fournie. Mais on devine qu’on est au début du XXième siècle dans la campagne roumaine (dans le delta du Danube peut-être). On pense aussitôt à Shttl, qui se déroulait presque à la même époque, presque au même endroit et qui racontait presque la même histoire. Il s’agit dans ces deux films d’évoquer l’antisémitisme qui a dressé les goys contre les Juifs dans l’est de l’Europe, avec, chez le spectateur contemporain, la prescience du génocide nazi à venir qui rayera cette communauté de la carte.

La mise en scène de Semaine sainte est déroutante. Contrairement à la tendance actuelle du cinéma à filmer de longs plans-séquences où la caméra tourbillonne au milieu du décor – comme c’était par exemple le cas dans Shttl – Andrei Cohn préfère l’immobilité des plans fixes. Ces plans sont savamment composés, comme le montre l’affiche du film. Selon qu’on y regarde l’avant-plan ou l’arrière-plan, on y lit deux histoires différentes.

Au-delà de la composition des plans, le plus déroutant dans Semaine sainte est son montage. Andrei Cohn pratique l’art de l’ellipse. L’essentiel de l’action se déroule entre les plans. L’exercice sollicite le spectateur qui doit rester sur le qui-vive. Le défi est exigeant, dans un film qui s’étire sur plus de deux heures. Ainsi des trois plans qui clôturent le film. J’ai mis longtemps à en comprendre la signification dont je ne suis encore pas tout à fait certain.

La bande-annonce

Notre monde ★☆☆☆

Zoé et Volta sont deux cousines qui ont grandi ensemble au Kosovo, un pays qui, en 2007, panse les plaies d’une guerre civile qui a décimé la population et cherche encore son indépendance qu’il n’acquerra qu’un an plus tard. Fuyant le destin tout tracé qui les attend dans leur petit village, les deux jeunes femmes partent à Pristina et s’inscrivent à la fac. Mais elles déchantent bien vite devant le manque d’intérêt des cours et l’absentéisme endémique de leurs enseignants.

Deux ans après La Colline où rugissent les lionnes, la jeune réalisatrice franco-kosovare Luàna Bajrami signe déjà son deuxième film. Comme le premier, il se déroule au Kosovo et en montre une « génération oubliée » ou qui se vit ainsi, sans formation, sans perspectives d’avenir sinon celle de l’exil.

Notre monde est un bien joli titre qui joue sur la paronymie Notre monde/Un autre monde. Il se déroule en 2007 et a l’ambition revendiquée d’évoquer en arrière-plan la naissance du Kosovo indépendant qui aura lieu en mars 2008. Telle était la démarche d’un film serbe sorti il y a quelques mois à peine, Lost Country, dont j’ai tardé à publier la critique : son action se déroulait en 1996 et son héros était un adolescent dont la mère était la porte-parole du parti présidé par Slobodan Milosevic, l’autocrate serbe.

Ici hélas, l’arrière-plan politique est à peine ébauché. De la guerre au Kosovo, de la longue marche vers l’indépendance, de sa proclamation, on ne verra rien sinon quelques images d’archives en ouverture du film. Et on apprendra moins encore si tant est qu’on eût pu l’escompter.

Mais il y a pire. Après une première partie prometteuse durant laquelle Zoé et Volta quittent leur village et s’installent dans la capitale kosovare, la seconde partie s’enlise dans une chronique sans enjeu de leur vie universitaire. Entre les sit-in à la fac, les bières et les fumettes partagées avec leurs nouveaux amis, Volta tombe amoureuse d’un garçon qui trempe dans des trafics louches et Zoé se laisse attirer par l’argent facile pour se produire dans une boîte à soldats. Cette chronique convenue d’une jeunesse désabusée a un parfum de déjà-vu.

La bande-annonce

Bushman (1971) ★★☆☆

À San Francisco, à la fin des années soixante vit un Nigérian, dont le visa va bientôt expirer. Gabriel se frotte à la contre-culture hippie, mais aussi au racisme ordinaire des Blancs et des Afro-américains qui le renvoient systématiquement à son africanité fantasmée.

Ce film de David Schickele était jusqu’alors resté inédit en France. Il est sorti fin avril en salles dans une superbe restauration qui exalte son noir et blanc velouté. Avec lui, c’est le cinéma-vérité de l’époque qui ressurgit, aux frontières du documentaire et de la fiction. David Schikele a non seulement tourné en Californie mais aussi au Nigeria où il s’était engagé dans les Peace Corps au début des années soixante et avait enseigné l’anglais dans une université de l’est du pays.

Bushman est d’abord un témoignage, qui a aujourd’hui valeur historique, sur l’Amérique de la contre-culture. Mais c’est aussi une réflexion plus profonde sur l’exil, sur la solitude, sur l’identité.

Le tournage du film a été interrompu par l’arrestation et la déportation de son acteur, accusé de séjour illégal aux Etats-Unis. Le scénario racontait précisément l’angoisse grandissante de son personnage au fur et à mesure que l’expiration de son visa se rapprochait et finalement son départ. La réalité s’est avérée plus forte encore que la fiction puisque, sans attendre la fin du film, l’emprisonnement de son acteur, son procès et son retour au Nigéria en ont précipité le terme.

La bande-annonce

Sky Dome 2123 ★☆☆☆

Dans un futur dystopique, en l’an 2123, la Terre, victime d’une impitoyable sécheresse, est devenue inhabitable. Les humains survivent dans quelques rares conurbations sous des dômes artificiels qui les protègent des dérèglements du climat. La survie de l’espèce est toutefois soumise au respect d’une règle impitoyable qui ne connaît aucune dérogation : chaque humain doit accepter le jour de ses cinquante ans de se sacrifier pour être transformé en plante et produire l’oxygène indispensable à ses congénères.
Nora est loin d’avoir atteint cet âge limite. Mais profondément déprimée par la mort prématurée de son fils, elle s’est portée volontaire pour anticiper cette échéance funeste. Quand son mari, Stefan, l’apprend, il décide de tout mettre en œuvre pour la sauver.

Sky Dome 2123 a un titre qui ressemble au pseudo d’un hacker Facebook pornographe. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. C’est un duo hongrois qui est aux manettes de ce film d’animation tourné en rotoscopie (les acteurs sont filmés en prise de vues réelles et redessinés à la main) aux splendides images futuristes. La fascination produite par certains de ses décors est d’ailleurs sa principale qualité.

C’est hélas la seule. Car le suspense qui se crée dans la première demi-heure se perd très vite en chemin de ce road-movie trop long, qui dure près de deux heures, et qui se conclut dans un prêchi-prêcha écolo-panthéiste.

La bande-annonce

L’Affaire Vinča Curie ★★☆☆

En 1958, quatre atomistes yougoslaves, gravement irradiés alors qu’ils travaillaient à l’institut Vinča de Belgrade à un projet secret d’arme nucléaire, sont soignés en France par le professeur Mathé (Alexis Manenti) qui les sauvera en pratiquant la première greffe humaine de moelle osseuse.

Ce film serbe est inspiré d’une page méconnue de la guerre froide, à l’époque où la Yougoslavie titiste, en froid avec l’URSS, avait essayé de renforcer son autonomie stratégique en tentant de se doter de l’arme atomique. L’épisode est l’occasion d’un thriller tourné quasiment en huis clos dans l’hôpital francilien où les quatre scientifiques yougoslaves sont soignés en secret.

Son sujet n’est pas tant la bombe atomique que la course contre la montre menée par les médecins français pour soigner les malades irradiés. Le professeur Mathé travaillait sur les leucémies, mais n’avait jamais osé tenter une greffe humaine de moelle osseuse. La réussite de son opération (pardon pour le spoiler) allait permettre à l’avenir de sauver des milliers de leucémiques.

L’Affaire Vinča Curie est un film volontiers austère, qui refuse ostensiblement de céder aux modes du temps. Sa mise en scène rappelle celles du siècle dernier, sans pour autant qu’il s’agisse d’une figure de style ou d’un projet revendiqué. L’Affaire Vinča Curie a ainsi un aspect démodé, has been. Loin de l’handicaper, ce défaut-là le rend d’autant plus attachant.

La bande-annonce

Rendez-vous avec Pol Pot ★★☆☆

Nous sommes en 1978 au Cambodge. Trois Français, Alain Cariou, un intellectuel (Grégoire Colin), Lise Delbo, une journaliste (Irène Jacob) et Paul Thomas, un photographe de guerre (Cyril Gueï), sont autorisés à visiter ce pays fermé au monde depuis que les Khmers rouges y ont pris le pouvoir. On leur a fait miroiter un rendez-vous avec Frère n° 1, le leader khmer, ancien compagnon d’études d’Alain.

Depuis qu’il a été prisonnier des Khmers, qu’il s’est réfugié en France, qu’il a étudié à l’Idhec, Rithy Panh, aujourd’hui âgé de soixante ans a tourné quelque vingt films, tous plus ou moins consacrés aux crimes de masse perpétrés par les Khmers rouges entre 1975 et 1979. Il a exploré toutes les formes que le cinéma lui permettait pour mener à bien ce travail de mémoire : le documentaire (S21, la machine de mort khmère rouge, Duch, le maître des forges de l’enfer), la fiction et même les figurines d’argile de L’Image manquante (2013).

Dans son dernier film, Rithy Panh convoque tous ces registres. Il s’est inspiré du livre d’une journaliste américaine du Washington Post, Elizabeth Becker, autorisée à visiter le Kampuchéa démocratique en compagnie de deux compatriotes. Leur voyage, unique en son genre, s’est dramatiquement achevé.

Sévèrement encadré par leur comité d’accueil qui n’entend que leur montrer ce qu’ils veulent et leur cacher la réalité sordide des camps de travail, les trois Occidentaux réagissent chacun à leur façon. L’intellectuel maoïste ne peut pas concevoir que la révolution ait trahi ses idéaux ; le photographe de guerre au contraire n’accepte pas d’être pris en otage d’une entreprise de désinformation ; la journaliste essaie, aussi lucidement que possible, de s’en tenir aux faits.

Rendez-vous avec Pol Pot souffre d’une mise en scène très guindée. Les acteurs, contraints d’incarner des caricatures, sont pris au piège de cette mise en scène hiératique. La musique sans âge renforce l’intemporalité d’un film qui aurait pu, à l’identique, être tourné quarante ans plus tôt.
Pour autant, malgré ses défauts, ce film fait oeuvre utile en dénonçant la « pureté dangereuse » au nom de laquelle le communisme a commis au vingtième siècle des crimes impardonnables.

La bande-annonce

Fainéant.es ★★☆☆

Deux amies inséparables, Nina et Djoul, partagent une vie d’errance. Au volant d’un camping-car hors d’âge, elles sillonnent la France au gré de leurs envies et des amitiés qu’elles nouent.

Je me souviens dans les années 90 des premiers films, écorchés vifs, de Karim Dridi : PigalleBye-bye (qui lançait la carrière de Sami Bouajila), Hors jeu… Depuis lors, il avait quasiment disparu des radars, signant en 2009 Le Dernier Vol, un film à grand spectacle avec Marion Cotillard et Guillaume Canet, qui fit un four et que je n’ai pas vu.

La soixantaine bien frappée, il revient avec un film qui tangente le documentaire. On y suit deux personnalités rarement vues au cinéma, deux femmes d’une trentaine (?) d’années, deux punks à chien, rasées, tatouées, piercées.

Fainéant.es souffre d’une absence cruelle de scénario. Il n’y a rien qui tende le récit, sinon l’accumulation d’épisodes sans gradation. On y voit par exemple Djoul revenir dans les Alpes aux funérailles de sa mère, Nina filer le parfait amour en travaillant dans les vignes, ou les deux femmes organiser pour un pote en fin de vie une ultime rave.

Ce road-trip pourrait décevoir et lasser. Mais ses deux héroïnes sont si authentiques, si attachantes qu’on se laisse prendre à l’histoire de leurs vies. On peut être, comme moi, aux antipodes de leurs valeurs anarchistes et, pour autant, comprendre ces deux femmes et les admirer.

La bande-annonce

Foudre ★☆☆☆

Elisabeth a dix-sept ans. Quand elle est rappelée auprès des siens, elle vient de passer cinq ans au couvent où ses parents, de modestes paysans suisses, l’avaient envoyée. Sa sœur aînée vient de mourir et elle doit prendre sa place au foyer. Mais cette mort est entourée d’un épais mystère que Elisabeth va bientôt percer.

Foudre est le premier long-métrage d’une jeune réalisatrice genevoise. Il a été tourné dans les paysages grandioses d’une haute vallée des Alpes valaisannes. Il est censé se dérouler au tout début du vingtième siècle, à l’époque où les carnets de l’arrière-grand-mère de la réalisatrice ont été écrits ; mais il pourrait se dérouler plusieurs siècles plus tôt tant les décors qui y sont filmés et les situations qui y sont racontées sont intemporels.

Foudre baigne dans une épaisse religiosité. Elisabeth a été élevée au couvent et se destinait à servir Dieu. Sa famille, les habitants de son village, sous la coupe obéissante du curé, sont profondément croyants. Ils vénèrent Dieu, la Vierge Marie, et craignent le diable. On apprendra vite les causes de la mort d’Innocente : un mélange de fanatisme religieux et de nymphomanie panthéiste. Innocente s’était donnée à plusieurs hommes et avait cru, à travers la jouissance qu’elle leur donnait et celle qu’elle atteignait grâce à eux, se rapprocher de Dieu.

C’est exactement le même parcours que suivra sa cadette, au risque de scandaliser ses parents puis sa communauté. Elle aura pour complices les trois jeunes gens du village, qu’on voit sur la (très belle) affiche. Une scène de sexe les réunira tous les quatre : selon ses goûts, on y verra, un sublime moment de rupestre sensualité ou une malaisante copie de David Hamilton. Selon qu’on ait l’esprit mal placé ou pas, on corrigera le titre et y remplacera le d par un t (c’était trop tentant…. pardon….).

On aura compris, aux digressions déplacées qui précèdent et à la note tiède que j’ai mise à ce film que je n’ai pas été convaincu. Les émois d’Élisabeth, pour touchants qu’ils soient, ne m’ont pas touché. J’ai trouvé très convenue l’évolution de son personnage, la lente et excitante découverte de son corps et de sa sexualité, ses interrogations théologiques. Peut-être n’ai je pas assez lu Sainte Thérèse d’Avila – que je réduis en la citant à une religieuse nymphomane ce qui est sans doute très loin de la réalité.

La bande-annonce

Heroico ★☆☆☆

Luis est un jeune Nahua qui décide de rejoindre les rangs de l’armée pour donner une couverture médicale à sa mère et pour s’assurer un meilleur avenir. Formé à l’école des cadres, il y fait l’expérience amère d’un bizutage sadique.

Heroico nous vient du Mexique où il a fait scandale. C’est en effet une charge en règle contre l’armée mexicaine et la formation de ses cadets. Le sadisme mielleux du sergent-chef Sierra, qui prend sous sa protection le jeune Luis pour mieux le dominer, n’a rien à envier aux plus célèbres instructeurs du cinéma hollywoodien, de M.A.S.H. à Full Metal Jacket. Plus près de nous, dans l’espace et dans le temps, la mort d’un sous-lieutenant pendant un « bahutage » à Saint-Cyr avait fait scandale et avait inspiré Pour la France.

Heroico entend traiter plusieurs sujets de front. Le bizutage dans les armées n’est que le premier. La minorisation des populations amérindiennes au Mexique en est un autre. Les logiques de domination qui peuvent s’exercer sans limite dans des organisations hiérarchisées, le culte de la virilité combiné à une homosexualité toujours latente en sont encore d’autres. Le cinéma latino-américain s’est décidément fait une spécialité de filmer des mineurs défavorisés, marginalisés et emprisonnés, qu’il s’agisse des petits délinquants des rues de Bogota (Un Varón) ou des victimes chiliennes de pédocriminels (Blanquita).

Interdit aux moins de douze ans avec avertissement, Heroico est un film éprouvant. Dans l’ambiance oppressante des dortoirs, il enchaîne les scènes de torture, physique ou psychique, plus cauchemardesques les unes que les autres, au point qu’on finit par douter de la frontière entre le rêve et la réalité. Quelques rares permissions hors de l’école servent d’interlude qui nous montrent Luis dans son environnement familial.

Heroico a le défaut de devenir vite répétitif. Une fois introduit dans l’école des cadets et à ses bizutages sadiques, on a compris de quoi il en retourne. Les trois ou quatre plus proches camarades de Luis incarneront tour à tour les différentes façons de le subir et d’y réagir. La fin du film est ouverte et frustrante, comme si le réalisateur n’avait pas réussi à choisir entre les différentes options qui s’offraient à lui.

La bande-annonce