Maurice (Serge Reggiani) sort de prison et entend venger le meurtre de sa femme. Il a pour ami Silien (Jean-Paul Belmondo) qu’entoure la sombre réputation d’être un « doulos », une balance. Est-ce lui qui a indiqué à l’inspecteur Salignari l’adresse à Neuilly où Maurice et un complice effectuent un dernier casse ? Toujours est-il que Maurice, après avoir pris une balle dans l’épaule est arrêté par la police. Emprisonné, il se jure d’avoir la peau de l’indic qui l’a trahi.
En 1962, Jean-Pierre Melville n’est pas encore au sommet de sa gloire. Il n’a pas encore tourné Le Samouraï (1967) ni L’Armée des ombres (1969) qui feront de lui un des plus grands réalisateurs de l’époque. Mais à quarante ans passés, ce n’est plus un néophyte. Il a déjà dirigé Belmondo dans Léon Morin, prêtre (1961) et s’est frotté au polar avec Bob le flambeur (1955).
Le Doulos est l’adaptation très fidèle d’un roman de Pierre Lesou publié dans la collection Série noire quelques années plus tôt. Son intrigue est passablement compliquée qui a besoin, pour qu’on la comprenne, des explications de Silien et d’un flashback. J’avoue m’y être un peu perdu ; mais à en lire les critiques qui en ont été écrites depuis plus de soixante ans, je ne suis pas le premier.
C’est un film noir dans la tradition des polars réalistes français des années 50 et de leur code d’honneur : Du rififi chez les hommes, Touchez pas au grisbi…. Jean-Pierre Melville y fait preuve d’une impressionnante maîtrise. Il réussit à camper des personnages bien tranchés, presqu’archétypaux, une démarche qui culminera bien sûr dans le héros mutique du Samouraï, interprété par Alain Delon, son trenchcoat, son chapeau. Les décors sont nocturnes et quand le jour se lève, comme dans la scène finale, il est obscurci par une pluie incessante. La scène d’ouverture est un modèle du genre qui voit Serge Reggiani remonter lentement une route souterraine. La scène finale est presqu’aussi connue, totalement muette, dont on comprend lentement les ressorts fatals.
Très irrévérencieusement, j’oserai reprocher au film sa distribution. Je trouve que Serge Reggiani n’a pas une gueule de truand. Quant à Bébel, avant qu’il devienne dix ans plus tard la caricature de lui-même et la superstar qu’on sait, il a déjà la moue narquoise et la démarche rebondissante et si peu naturelle qui ne le quitteront plus et qui m’insupportent. Inutile de parler des rôles féminins : la misogynie de Pierre Lesou relègue les femmes au rang de potiches.