Lucie (Isabelle Huppert), la soixantaine, travaille à la police de Perpignan. Elle peine à se remettre du suicide de son mari, policier lui aussi, survenu un an plus tôt. Un jeune couple et leur ravissante gamine viennent de s’installer dans le pavillon voisin du sien. Julia (Hafsia Herzi) est enseignante ; Yann (Nahuel Pérez Biscayart) est un artiste qui se révèle activiste anti-fa, partisan de l’action violente, sous le coup de plusieurs condamnations judiciaires. Lucie est écartelée entre l’amitié qu’elle ressent pour ses voisins et la réserve que sa profession lui impose.
À quatre-vingts ans passés, André Téchiné cumule deux qualités rares. Il est d’une part l’une des figures tutélaires du cinéma français – même si une plainte pour harcèlement sexuel, classée sans suite pour cause de prescription, a écorné son prestige. Il est d’autre part toujours aussi productif – à l’instar de ces grands cinéastes du monde entier (Eastwood, Miyazaki, Scorsese, Polanski, Loach…) qui continuent à réaliser des films comme si les ans n’avaient aucune prise sur eux.
André Téchiné (Hôtel des Amériques, Ma saison préférée, Les Roseaux sauvages…) est le cinéaste de l’intime, de l’homosexualité, de la confusion des sentiments. Mais son cinéma s’inscrit dans un environnement social et politique. Cette attention portée au contexte est de plus en plus marquée ces dernières années, au point d’en faire presque un réalisateur « à thèmes » : la radicalisation des jeunes attirés par le jihad en Syrie dans L’Adieu à la nuit, le TPST des soldats français de retour d’opérations extérieures dans Les Âmes sœurs…
Les Gens d’à côté s’inscrit dans cette généalogie-là. Ses premières images quasi-documentaires rappellent les films de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, ayant pour cadre le monde du travail et ses luttes. Sauf qu’ici, il s’agit de la police et de ses syndicats qui alertent les pouvoirs publics sur le nombre alarmant de suicides dans ses rangs.
Entre ACAB (All Cops are Bastard) et #JesoutiensnosFDO, André Téchiné, comme toujours, évite le manichéisme. Son film ne prend pas la défense de la police pas plus qu’il ne fait l’apologie de la violence révolutionnaire. Il se place à hauteur d’hommes – ou plutôt de femme. Car le film est raconté à travers les yeux de Lucie, doublée d’une voix off redondante, dont la loyauté est mise à mal : loyauté d’une part à l’égard de ses voisins avec lesquels des liens d’amitiés se sont noués, d’autant plus puissants que Lucie n’en a pas beaucoup d’autres, loyauté d’autre part à l’égard de ses collègues, de son mari décédé et de sa profession.
Le problème des Gens d’à côté vient de son scénario, trop appliqué, trop lent, trop prévisible et pas toujours très crédible. Il vient aussi de ses acteurs. Isabelle Huppert a au moins dix ans de trop pour le rôle. Ses séances de jogging répétitives, dans son sweat shirt et sous sa capuche, frisent le ridicule. Hafsia Herzi est à mes yeux, presque aussi calamiteuse, dont je trouve le jeu terriblement faux. Échappe à mon courroux le seul Nahuel Perez Biscayart qui, décidément, d’un film à l’autre, habite toujours ses rôles avec la même incandescence. Les quelques pas de danse improvisée qu’il esquisse sur un parking nocturne constituent ma séquence préférée de ce film moyen.
Je me serais étonnée que vous l’eût l’eûtes? ( on prend un risque avec ces temps maintenant)apprécié
J’ai du mal avec le jeu d’Hafsia Herzi, que je trouve à côté en dehors peu concernée.. et effectivement le jogging d’Huppert est ridicule, mais elle n’en est pas moins juste tout du long du film. Sinon Techiné vieillit et ses partis pris nous parlent moins mais rêvons puisque le cinéma est là pour cela qu’un activiste et un défenseur de l’état puisse se parler sinon se comprendre ?
Ping La Prisonnière de Bordeaux ☆☆☆☆ | Un film, un jour