Frères ★☆☆☆

En 1948, en Charente-Maritime, deux frères, âgés de six ans à peine, s’enfuient de l’orphelinat qui les hébergeait de peur d’être accusés d’un crime qu’ils n’ont pas commis. Ils se réfugient dans les bois et y survivent pendant six ans.
Le temps a passé. Michel (Yvan Attal) et Patrick (Mathieu Kassovitz) ont fait leur vie. L’un est devenu un brillant architecte, l’autre un grand médecin. Mais ils ont été marqués indélébilement par cette épreuve hors normes qui les a soudés à jamais.

Aussi incroyable qu’elle semble, Frères s’inspire d’une histoire vraie. Un carton nous explique qu’après la Seconde Guerre mondiale des centaines de milliers d’enfants avaient perdu leurs parents.

Comme son affiche, le scénario de Frères fait des allers-retours entre deux époques. On y voit alternativement les deux gamins lutter contre la faim et contre le froid avec comme seules armes leur ingéniosité et leur solidarité, et les deux adultes tenter de panser leur trauma (cette seconde histoire devrait logiquement se dérouler à la fin des années 80 mais, bizarrement, on y voit des téléphones portables).

Frères sonne faux. Il sonne faux dans la robinsonnade des deux orphelins, trop maquillés, trop bien coiffés pour être crédibles. Il sonne faux dans l’échappée des deux adultes dans leur cabane au Canada (fine allusion à Line Renaud !), qui ressemble là aussi plus à un séjour Découvertes qu’à un ermitage suicidaire.

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León ★★☆☆

Julia vient de perdre sa compagne, Barby. Les deux femmes tenaient ensemble un restaurant. Elles élevaient ensemble León, le fils de Barby. Malgré les liens si forts qui l’unissent à cet enfant, Julia n’a aucun droit sur lui. Elle doit céder la place à la mère de Barby et au père de León.

Voilà un film qui aurait été parfaitement adapté pour précéder un débat des Dossiers de l’écran sur l’homoparentalité – et une entrée en matière que je devrais arrêter de répéter pour l’avoir faite déjà trop souvent et pour éviter de passer pour un indécrottable boomer. On voit en effet venir avec ses gros sabots le film prévisible mettant en scène une héroïne lesbienne, qui avait si amoureusement élevé le fils de sa compagne et qui s’en voit brutalement séparée à la mort de celle-ci, faute de posséder le moindre droit sur lui – et la revendication subséquente d’une nécessaire modification de la législation sur le sujet.

Dieu merci, León est plus subtil qu’il n’y paraît. La raison en est dans un montage ultra nerveux qui raccourcit les scènes au maximum et qui joue sur leur chronologie. La Julia endeuillée qui essaie de reconstruire sa vie sans Barby, de maintenir à flot son restaurant, de tenir tête à la mère de Barby et à son ancien compagnon, alterne avec celle, heureuse et épanouie, qui partageait la vie de son amoureuse.

Le résultat en est métamorphosé. Le fond reste assez banal – même s’il évite la manichéisme qu’on pouvait craindre – mais la forme lui donne un rythme particulièrement entraînant.

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Saravah (1969) ★★★☆

« Saravah n’est pas un documentaire mais un document » écrit l’éditeur Patrick Frémeaux. C’est l’oeuvre de Pierre Barouh, un musicien français né en 1934. Il composa La Bicyclette pour Yves Montand et interpréta Un homme et une femme sur une composition de Francis Lai. Durant ce tournage il rencontra Anouk Aimée à laquelle il fut marié pendant trois ans. Il fonda en 1965 le label Saravah qui fit découvrir la bossa nova en France et émerger les talents de Jacques Higelin ou de Brigitte Fontaine. En voix off, au début du film, il se présente comme « le plus Brésilien des Français » et adresse au spectateur une invitation qui ne se refuse pas : l’emmener en voyage au Brésil.

Saravah fut tourné en trois jours à peine à Rio de Janeiro pendant le carnaval durant l’hiver 1969. Mal sonorisé, le film ne sortit jamais en salles. Mais grâce à une restauration impeccable, il en trouve enfin le chemin plus de soixante ans plus tard.

Saravah dure une heure à peine. C’est bien court, mais cela nous donne juste le temps de croiser quelques unes des légendes de la samba brésilienne qui interprètent à l’improviste ses classiques. Un immense sourire aux lèvres, Pierre Barouh, dans un portugais hésitant, les invite à se dévoiler ce qu’elles font volontiers. Certains sont des stars installées, tel le saxophoniste Pixinguinha qui habite une rue qui porte son nom ; d’autres sont en pleine ascension comme le guitariste Baden Powell ou la chanteuse Maria Bethânia.

Voir Saravah aujourd’hui, c’est (re)plonger dans le Brésil des années soixante dont le carnaval et le samba constituaient des échappatoires hédonistes à l’oppressante dictature militaire. C’est se laisser lentement gagner par l’émolliente douceur de cette musique si sensuelle. C’est immanquablement n’avoir à la sortie de la salle qu’une seule envie : se ruer sur les autres standards créés par ces musiciens de légende.

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The Summer with Carmen ★★☆☆

Deux amis homosexuels, Démosthène, bloc de virilité  velue sculpté dans le marbre de l’Attique, et Nikitas, androgyne aux cheveux mauves, passent l’après-midi sur une plage naturiste près d’Athènes. Ils réfléchissent au film drôle, sexy, grec et à petit budget qu’ils pourraient réaliser pour un producteur français. Ce film raconterait les événements qui se sont déroulés deux étés plus tôt, lorsque le couple formé par Démosthène et son compagnon de l’époque, Panos, a éclaté, laissant l’amant esseulé en compagnie de Carmen, le chihuahua recueilli par Panos.

The Summer with Carmen est un film estival qui a le bon goût de sortir au mois de juin. Je l’ai vu dans une salle du Marais, un jour de Gay Pride, au milieu d’une douzaine de spectateurs, exclusivement masculins, caricaturalement métrosexuels (si tant est que ce qualificatif ne soit pas aujourd’hui dangereusement démodé).

The Summer with Carmen affiche la couleur : c’est une romance gay, pas triste et ensoleillée. On y voit, comme sur son affiche, des hommes débordant de virilité et légèrement vêtus, affichant sans gêne leur insolente nudité recto-verso. Le temps n’est plus où l’on s’en offusquait….

Cet intérêt voyeuriste aurait pu être le seul atout du film, l’histoire bien conventionnelle qu’il raconte n’en présentant guère : rupture amoureuse, passades hédonistes, règlements de comptes familiaux… Mais The Summer with Carmen est sauvé par une astuce scénaristique : c’est un film dans le film qui se déroule l’espace d’une après-midi ensoleillée avec de longs flashbacks. Nikitas, la plume à la main, prend des notes pour son futur film et rappelle les grandes règles qui président normalement à l’écriture d’un scénario. Bien évidemment, le film qui est en train de se réaliser sous nos yeux les violera toutes les unes après les autres.

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Camping du lac ★☆☆☆

La réalisatrice Eléonore Saintagnan part vers la mer sur un coup de tête. Une panne automobile l’oblige à interrompre son voyage et à s’installer dans un camping, au bord d’un lac, en Bretagne. Une légende liée au saint-patron du coin, Corentin, y circule autour d’un mystérieux poisson qui hanterait les fonds du lac. Avec sa caméra et son micro, Eléonore Saintagnan filme ce qui l’entoure : un vieil Américain, chanteur de country, à la recherche de sa fille, une mère de famille qui élève quelques poules, un tatoueur, un couple de vieux retraités…

Fiction ou documentaire ? Camping du lac revendique la fiction, mais louche plutôt du côté du documentaire. Il se déroule sur les bords du plus grand lac de Bretagne, le lac de Guerlédan dans les monts d’Armor, qui, ainsi filmés, ont des airs de Jura ou de Vosges.

Le prétexte en est inoffensif. S’agit-il d’une reconstitution historique de la vie de Saint Corentin comme ses dix premières minutes pourraient le laisser croire ? une enquête sociologique sur la France des campings ? ou encore, lorsque [attention spoiler] on découvre enfin le mystérieux poisson du lac, un conte onirique et écologique ? Le film peine à trouver sa voie et à prendre son envol. Y eût-il réussi, il s’arrête au bout de soixante-dix minutes à peine, victime de sa propre modestie.

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Let’s Get Lost (1988) ★★★☆

Chet Baker (1929-1988) fut sans doute l’un des plus grands musiciens de jazz du vingtième siècle. La sensualité de son jeu, sa voix de velours et son visage d’ange lui valurent une immense célébrité dans les années 50. Mais Chet Baker se drogua toute sa vie durant et fit souffrir son entourage.

Le photographe Bruce Weber rencontre en 1986 un vieil homme, qui n’a pas atteint ses soixante ans mais en fait au moins dix de plus. Chet Baker est au crépuscule de sa vie. Il mourra quelques mois plus tard, avant même la sortie du film, en se défénestrant du deuxième étage de son hôtel à Amsterdam. Le tournage, raconte Weber, fut particulièrement chaotique, devant tenir compte des sautes d’humeur de Chet Baker, constamment sous emprise.

Let’s Get Lost – du nom d’un standard de 1943 devenu célèbre grâce à l’interprétation qu’il en fit en 1955 – nous montre le jazzman à deux âges de sa vie. Dans les années 50, alors qu’il fait ses premiers pas dans le monde du jazz, dans le sillage de Charlie Parker qui lui donne sa chance et avec le saxophoniste Gerry Mulligan avec lequel il forme un quartet bientôt fameux, Chet Baker est d’une beauté surréelle, mélange de James Dean et de Jack Kerouac. Il devient vite le « prince du cool », la coqueluche de l’Amérique.
Mais ce visage angélique cache une âme tourmentée, torturée par la drogue. L’histoire de sa vie sera celle d’une longue déchéance qui le laisse essoré, à bout de souffle, le visage parcheminé, prématurément vieilli à cinquante ans à peine quand Bruce Weber le filme.

Dans un noir et blanc intemporel, Bruce Weber utilise des images d’archives notamment les célèbres photos de William Claxton. Il suit Chet Baker dans ses déambulations à Los Angeles, sur la plage de Santa Monica, sur la banquette arrière de ces décapotables qu’il aimait tant, dans le studio où il enregistre encore. Enfin, il interroge ses proches.

L’épreuve tourne vite au jeu de massacre quand il interviewe ses ex-compagnes. C’est que Chet Baker a eu une vie privée agitée : trois mariages, quatre enfants qu’il n’a guère élevés, des liaisons adultérines à la pelle… On comprend que Carol Jackson – la mère de trois de ses enfants et sa dernière épouse dont il ne divorça jamais – Diane Vavra – qu’il rencontra en 1970 et qui lui fut proche jusqu’à la fin de ses jours – et Ruth Young – une chanteuse de jazz avec qui il entretint une liaison au début des années 70 – ne mâchent pas leurs mots.
Mais la plus cruelle est la propre mère de Chet Baker, Vera Moser, une octogénaire permanentée, dont on imagine les heures qu’elle a passées pour se préparer à cette interview. Certes, elle ne cache pas sa fierté devant le talent inné et le succès de son fils mais elle garde un silence pudique lorsque Bruce Weber lui demande s’il fut un bon fils.

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Dissidente ★★★☆

Pour sauver de la faillite son entreprise agricole, Stéphane (Marc-André Grondin) a recours à des travailleurs guatémaltèques saisonniers. Il embauche parallèlement  une traductrice, Ariane (Ariane Castellanos), qui leur traduira les consignes de la direction. La jeune femme, lourdement endettée par une relation toxique, découvre bien vite les conditions inhumaines imposées aux travailleurs immigrés, cantonnés aux tâches les plus rudes, soumis à des horaires extravagants, sans possibilité de se défendre, otages du bon vouloir d’un patron qui peut les renvoyer sans sommation et refuser de leur signer l’attestation sans laquelle ils ne pourront retrouver un emploi l’année suivante.

Son sujet, son titre, son affiche… on pouvait légitimement redouter de ce film son manichéisme prévisible, opposant la courageuse traductrice qui, n’écoutant que son bon cœur, saurait prendre la défense de ces malheureux travailleurs immigrés, à un patron brutal et cupide. Or Dissidente réussit à éviter ce piège. C’est, à rebours du simplisme dans lequel il aurait pu verser, un film d’une grande subtilité.

Ses personnages ne sont pas taillés d’un bloc. Ariane, par exemple, n’est pas aussi parfaite qu’elle en a l’air. Elle ne fut pas seulement la victime des malversations dans lesquelles son ancien partenaire a versé, mais aussi sa complice tacite. Elle a un besoin vital de son emploi de traductrice et doit, pour le conserver, accepter quelques compromissions. Stéphane, lui non plus, n’est pas foncièrement mauvais. Sous la pression de ses actionnaires, il doit par tous les moyens équilibrer les comptes de son entreprise, sauf à la mettre en faillite et à en licencier tout le personnel qui compte sur lui. Il n’est pas jusqu’aux employés guatémaltèques qui n’aient leur part d’ombre, laissant prospérer parmi eux des pratiques mafieuses presqu’aussi pernicieuses que celles que leur impose leur employeur canadien.

L’intrigue réserve son lot de rebondissements. Elle suit notamment l’histoire de Manuel, un employé guatémaltèque au visage angélique qu’on a remarqué dès la première scène, pleurant silencieusement dans le bus qui l’amène à l’usine. Une scoliose l’empêche de travailler. Grâce à Ariane, il obtient un arrêt  maladie. Mais Stéphane, qui a absolument besoin de bras, l’oblige à rembaucher au péril de sa vie.

Dissidente est filmé en longs plans-séquences, la caméra collée aux acteurs, constamment en mouvement. Cette mise en scène immersive renforce la tension et nous tient en haleine tout le film durant. C’est la forme cinématographique la mieux adaptée pour décrire la violence sociale qui s’exerce sur ces travailleurs et les dilemmes dans lesquels l’héroïne se débat.

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Six pieds sur terre ★★☆☆

Fils d’un agent diplomatique algérien, Sofiane (Hamza Meziani) a suivi son père dans ses différentes affectations à l’étranger. Après avoir mollement suivi des études universitaires à Lyon, il se retrouve sous l’obligation de quitter le territoire français d’ici un mois. Pour faire pièce à cette mesure d’éloignement, il n’a d’autre alternative que d’aller travailler à Roubaix dans une entreprise de pompes funèbres musulmane. Il y découvre un métier auquel rien ne l’avait préparé.

Quel joli titre ! Six pieds sur terre nous rappelle la célèbre série de HBO diffusée au début des années 2000. À tort, si j’en crois les avis unanimes, je n’ai jamais réussi à aller au-delà de son premier épisode. Comme dans la série américaine, comme dans le film japonais Departures qui m’avait durablement marqué, ce film évoque, pour reprendre l’élégante expression de Jacques Mandelbaum dans Le Monde, « le commerce de la mort pour apprendre à mieux vivre ». Il a pour décor une entreprise de pompes funèbres où le jeune Sofiane, aux côtés d’un mentor mutique, découvre le métier de thanatopracteur.

Il est l’œuvre d’un réalisateur cosmopolite, Karim Bensalah, né d’un père algérien et d’une mère brésilienne, qui a grandi à Haïti avant de s’installer en France à dix-huit ans. On imagine volontiers ce qu’il a mis de lui dans le personnage de Sofiane, Algérien déraciné, sans Dieu ni mère, qui fait à son père le procès de ne pas l’avoir élevé.

Le parcours de Sofiane est certes original. Il n’en reste pas moins convenu, les différentes étapes de sa maturation étant scrupuleusement passées en revue : la découverte d’une vocation, la naissance d’un lien amoureux avec une belle Scandinave rencontrée dans un Lavomatic sans omettre bien sûr la réconciliation avec son père et ses sœurs.

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El Profesor ★★☆☆

Marcelo est un terne assistant de philosophie qui a toujours travaillé dans l’ombre de son mentor. Mais lorsque celui-ci décède brutalement, laissant libre sa chaire à l’université Puan de Buenos Aires, Marcelo est brutalement propulsé sur le devant de la scène. Seul hic : le retour au pays natal d’un collègue expatrié en Allemagne, paré de toutes les qualités que Marcelo n’a pas : il cite Heidegger en allemand dans le texte, a une petite amie influenceuse et un charisme fou qui séduit les étudiants.

El Profesor contient plusieurs niveaux de lecture que présente fort pédagogiquement son affiche.

Le premier, à l’avant-plan, c’est son héros bien sûr et son désarroi. Sa vie terne lui convenait ; mais le voilà obligé de se mettre en avant pour obtenir le poste auquel toute sa carrière le promettait. Le candidat qu’il trouve sur sa route est tout son contraire : un m’as-tu-vu prétentieux – qui se tient sur l’affiche derrière lui en embuscade.

Deux autres sujets se dessinent à l’arrière-plan.
Le premier, à gauche (!), c’est le peuple argentin en colère, qui défile contre le plan d’austérité imposé par le FMI. Puan est un haut lieu de la contestation estudiantine, une sorte de Vincennes ou de Nanterre argentin.
Le second, à droite, c’est la philosophie, le soleil de la connaissance et la figure de Socrate. El Profesor nous réserve, sans plastronner ni ennuyer, quelques belles envolées philosophiques, qui nous donneraient presque l’envie de nous y replonger et de revenir l’étudier sur les bancs de l’université [note pour moi : penser à m’inscrire à l’Université du quatrième âge].

El Profesor souffre d’un rythme un peu mou et d’une intrigue qui se résume tous comptes faits à pas grand-chose. Il n’en reste pas moins une comédie intelligente.

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Hors du temps ★★☆☆

Le réalisateur Olivier Assayas a hérité de ses parents une propriété familiale à Montabé en vallée de Chevreuse. Pendant le confinement, il s’y est installé avec son frère, comme d’autres Français qui avaient le privilège d’être propriétaires d’une résidence secondaire. Il revisite cette parenthèse hors du temps sous une forme fictionnelle en faisant endosser son rôle par Vincent Macaigne et celui de son frère, critique de musique à la radio, par Micha Lescot.

Au début de Hors du temps, on voit des photos d’une campagne printanière et édénique. Ce sont les images de cette propriété familiale et des bois qui l’entourent dont la voix off d’Olivier Assayas nous raconte l’histoire et l’attachement qu’il lui voue. On s’imagine convié à un documentaire proustien, familial et autobiographique ; mais Hors du temps prend bien vite une autre direction.

Il s’agira d’une fiction, jouée par des comédiens connus (aux côtés des deux acteurs masculins, on reconnaît Nora Hamzawi, toujours juste, et la débutante Nine d’Urso, que j’avais confondue avec Clotilde Hesme). J’en ai lu des critiques exécrables. On lui reproche son nombrilisme, son germanopratisme. Sans doute suis-je moi-même trop nombriliste et trop germanopratin pour que cela m’ait dérangé. Certes, j’ai trouvé que Hors du Temps était horriblement mal joué, que ces dialogues trop écrits sonnaient faux, comme du mauvais Rohmer.

Mais Hors du temps m’a ramené quatre ans en arrière, à cette période si particulière que nous avons tous vécue à notre façon et que nous n’oublierons pas de sitôt, dans ce temps suspendu où, bizarrement, nous avons retrouvé une part de liberté dont le traintrain quotidien boulot-métro-dodo nous avait aliéné. Sans doute, les réactions des deux personnages frisent-elles la caricature : Macaigne nourrit sa hantise du virus des informations glanées sur des sites Internet douteux tandis que Lescot peste contre des règles administratives absurdes qui entravent sa liberté. Mais l’honnêteté oblige à dire que nous avons tous, chacun à notre façon, oscillé entre ces deux réactions-là.

J’ai aimé replonger dans cette époque-là, dans ce temps vide qu’on pouvait occuper à son gré, à faire ce qu’on n’avait jamais eu le temps de faire (lire Les Trois Mousquetaires, vider la cave….), dans cette cohabitation obligée, à la fois étouffante et rassurante avec nos proches, dans ces repas amoureusement préparés, généreusement arrosés et lentement partagés. Hors du temps a le mérite de nous faire revivre ces moments-là et de nous interroger : qu’en avez-vous fait ? en quoi vous ont-ils transformé ?

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