Anthony (Paul Kircher) a quatorze ans. L’été s’étire interminablement à Haillange (sic), une petite ville de Moselle frappée par la désindustrialisation. Pour échapper à un père alcoolique (Gilles Lellouche) et à une mère désabusée (Ludivine Sagnier), Anthony traîne avec son cousin, tombe amoureux de Stéphanie (Angelina Woreth), pique la vieille moto de son père pour la suivre en soirée, se frite avec Hacine (Sayyid El Alami), un voyou d’une cité HLM.
Les années passent. Anthony grandit….
Leurs Enfants après eux avait eu, à sa sortie en 2018 un succès mérité. Ce gros bouquin de plus de quatre-cents pages, écrit par un jeune auteur quasi-inconnu, avait décroché le prix Goncourt.
Son adaptation par les frères Boukherma (Teddy, L’Année du requin), qu’on n’attendait guère dans ce registre-là, lui est très fidèle. Trop peut-être. Le livre est en effet feuilletonnesque, qui se divise en quatre parties qui se déroulent chacune à deux ans d’écart durant les étés 1992, 1994, 1996 et 1998. Il se serait peut-être mieux prêté à une mini-série en quatre épisodes qu’à un film, quand bien même la durée de celui-ci dépasse largement les deux heures.
Ce premier reproche n’est pas le seul que j’adresse à ce film qui m’a beaucoup moins plu que le livre dont il est tiré.
Je dois d’abord confesser un sentiment très subjectif. Je déteste Paul Kircher – dont je n’arrive pas à m’ôter de la tête qu’il doit sa carrière à sa parenté (il est le fils de Jérôme Kircher et d’Irène Jacob) plus qu’à son talent. Je n’aime pas son air ahuri. Je le trouve très mal choisi pour ce rôle où il est censé camper un prolétaire déclassé alors que tout exsude chez lui la bonne éducation germanopratine.
Autre reproche lui aussi très subjectif : Leurs enfants après eux souffre de la comparaison avec L’Amour ouf sorti sept semaines plus tôt (même époque, même structure du récit, même thématique de l’amour de jeunesse face à l’épreuve du temps qui passe) qui le surpasse selon moi sur tous les plans.
Troisième reproche : Leurs enfants après eux manque désespérément de rythme. On dirait qu’il est resté prisonnier du roman dont il suit scrupuleusement le récit. Mais ce qui marchait à l’écrit marche moins bien à l’écran. Le film dure, s’étire, interminablement.
Quatrième et dernier reproche : le livre tirait tout particulièrement sa valeur du tableau sociologique qu’il dressait d’une certaine France périphérique (le livre de Christophe Guilluy avait été écrit trois ans plus tôt et l’expression faisait florès), engluée dans la désindustrialisation, le chômage, l’alcool et l’ennui. Ses éléments-là ont été largement gommés du film qui se concentre sur le trio de personnages principaux : Anthony, Hacine et Stéphanie. Les frères Boukherma cèdent à leur penchant et signent un film noir voire un western là où le parti de l’hyperréalisme aurait été sans doute plus approprié.
Quelques bémols – ou plutôt quelques dièses – à cette longue liste de reproches. La BOF, pas bof du tout, qui mélange audacieusement des adaptations de Cabrel, de Johnny, de Goldman avec les Pixies et Metallica. Et Gilles Lellouche – derrière la caméra pour L’Amour ouf, devant elle dans Leurs enfants après eux – dans le rôle paroxystique du père alcoolique d’Anthony.