Personne n’y comprend rien ★★☆☆

Le lundi 6 janvier s’ouvrait devant le tribunal judiciaire de Paris le procès du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Le surlendemain sortait en salles ce documentaire. Son titre lance un pari : rendre intelligibles des faits matériellement établis dont la stratégie de défense du principal accusé consiste à affirmer qu’on n’y comprend rien.

Le pari est réussi. Grâce à une narration très pédagogique, on comprend le pacte faustien qui se met en place à partir de 2005 entre le ministre de l’intérieur de Jacques Chirac, bientôt candidat à sa succession, et le Guide libyen. Nicolas Sarkozy et son entourage chercheront à profiter de sa proverbiale prodigalité. En échange ils lui font miroiter l’amnistie d’Abdallah Senoussi, le beau-frère de Kadhafi, principal accusé de l’attentat contre le DC-10 d’UTA abattu par un missile libyen en 1989. Et une fois installé à l’Elysée, Nicolas Sarkozy réhabilitera le dictateur en l’invitant en grande pompe à Paris. Cela n’empêchera pas la France de Sarkozy de lâcher son encombrant créditeur, de prendre parti après les Printemps arabes pour l’opposition libyenne, d’accélérer la chute du dictateur et de provoquer sa mort en octobre 2011.

Le documentaire dresse un réquisitoire implacable. L’enquête menée par Fabrice Arfi et Karl Laske ne laisse guère la place au doute. La défense déployée par Nicolas Sarkozy convainc moins qu’elle ne prête à rire, souvent tournée en ridicule par un montage qui ne la ménage pas.

Le documentaire, comme le débat passionnant qui l’a suivi hier soir à l’Espace Saint-Michel, laisse toutefois un malaise. Sans doute démontre-t-il le rôle vital des médias dans nos démocraties. Il démontre aussi, si besoin en était, par son existence même, que la France est loin d’avoir glissé dans la dictature.

SI malaise il y a, c’est sur le rôle de la Justice. Mediapart est un média pas un juge. Il mène une enquête et a le mérite de révéler au public des faits graves qui sans lui seraient restés méconnus.. Mais Mediapart préjuge pour nous une affaire qu’il appartient à la Justice, et à elle seule, de trancher. La Justice le fera en respectant les droits de la défense et la présomption d’innocence. Rien de tel chez Médiapart. Certes, un carton au début du film, un autre à la fin rappellent ce principe cardinal de notre État de droit. Mais on sent un peu trop la pression des avocats soucieux de se prémunir contre toute poursuite judiciaire derrière cette mention prudente. Un juge d’instruction instruit à charge et à décharge. On ne sent guère chez Mediapart le souci d’une telle impartialité.

La bande-annonce

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