Little Jaffna ★★☆☆

Michael (Lawrence Valin) est d’origine tamoule. Il est arrivé en France à l’âge de quatre ans et y a été élevé par sa grand-mère. Devenu policier, il est chargé par la DGSI d’une mission périlleuse : infiltrer les Killi’z, une bande mafieuse tenue d’une main de fer par son parrain, Aya, qui prélève « l’impôt révolutionnaire » à Little Jaffna, le quartier tamoul de Paris, et en reverse le fruit à l’Eelam Tamoul, mouvement de guérilla qui se bat pour l’indépendance au nord du Sri Lanka.

Little Jaffna est un film original qui cumule deux qualités rares.

Son sujet : il nous plonge dans une communauté méconnue, celle des immigrés tamouls à Paris, forte de plusieurs dizaines de milliers de membres, concentrée dans le quartier de la Chapelle, à la frontière des 10ème et 18ème arrondissements. Je ne crois pas que le cinéma s’y soit déjà intéressé – alors qu’on ne compte plus les films sur les autres communautés émigrées à Paris, maghrébine (Barbès, Little Algérie), vietnamienne (Dans la cuisine des Nguyen), chinoise (Les Fleurs amères) subsaharienne (L’Histoire de Souleymane), portugaise (La Cage dorée), etc. Le héros de Dheepan, Palme d’or 2016, est certes tamoul et porte le traumatisme de son passé violent ; mais le film de Jacques Audiard évoquait un homme seul, coupé de sa communauté.

Lawrence Valin au contraire adopte un parti quasi documentaire, nous plongeant dans le bruit et les odeurs de ce quartier haut en couleurs. Il filme les fêtes populaires où les Ganesh portés à dos d’hommes paradent dans les rues et les tablées joyeuses où les convives plongent les mains (utiliser une fourchette est une manifestation honnie d’acculturation) dans le plat commun.

L’autre qualité de Little Jaffna est sa forme. Lawrence Valin a le culot de réaliser un film de gangsters et de se frotter à des maîtres indépassables. On pense aux Infiltrés ou à Mean Streets de Martin Scorsese, à La nuit nous appartient de James Gray au film hongkongais Infernal Affairs, au diptyque indien Les Gangs de Wasseypur… Mesuré à cette aune, Little Jaffna peut sembler bien pâlot. Ce n’en est pas moins un premier film tendu, audacieux et réussi.

La bande-annonce

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