Les sursauts politiques qui agitent le Soudan sont largement passés inaperçus. Il faut reconnaître que la situation y est passablement compliquée. Pendant près de trente ans, de 1989 à 2019, le pouvoir y a été exercé d’une main de fer par un militaire, le colonel Omar el-Bechir – poursuivi devant la Cour pénale internationale pour les exactions qu’il a ordonnées au Darfour. En avril 2019, il est renversé par une insurrection populaire. Mais les militaires reprennent vite le contrôle de la situation. Ils laissent la place congrue aux civils dans le gouvernement qu’ils forment et, dix-huit mois plus tard, en octobre 2021, le renversent, emprisonnent ses dirigeants, déclarent l’état d’urgence et bâillonnent toute expression publique de discorde.
La documentariste française Hind Meddeb forte des liens d’amitiés qu’elle a noués à Paris avec des membres de la diaspora s’est rendue plusieurs fois au Soudan. Les images qu’elle en a ramenées témoignent pour l’Histoire. Elles sont aussi tristement banales. On y voit ce qu’on a déjà vu hélas ci souvent : des citoyens dressés face à des soldats en armes qui répriment durement leur révolte. La part belle est donnée par la réalisatrice aux chants et aux poèmes déclamés par les jeunes Soudanais, au point de donner l’illusion que cette révolution était autant sinon plus poétique que politique.
Elle s’attache à six d’entre eux, dont on apprendra grâce à un dernier carton ce qu’ils sont devenus depuis la fin du tournage. Leur destin individuel est bien triste et semble montrer qu’hors de l’exil il n’y ait pas d’avenir pour la jeunesse soudanaise dans son propre pays.
Certes ce qui se passe au Soudan est terrible. Certes, l’ignorance de ces événements se nourrit à la fois de la censure du régime et de l’indifférence du monde. Certes encore un documentaire comme celui-ci fait oeuvre utile en éveillant nos consciences. Mais hélas un bon sujet et de bons sentiments ne suffisent pas à faire un bon film. Il manque à ce documentaire un point de vue pour lui donner de l’épaisseur.