L’Accident de piano ★★★☆

Après un mystérieux accident de piano, Magali Moreau, une célèbre influenceuse (Adèle Exarchopoulos), accompagnée de son secrétaire (Jérôme Commandeur), se réfugie dans un chalet au cœur des Alpes pour récupérer de ses blessures. Un fan (Karim Leklou) a tôt de fait de la reconnaître et de la harceler. Une journaliste (Sandrine Kiberlain) a vent d’un lourd secret et menace de l’éventer si Magali n’accepte pas une interview exclusive.

Quentin Dupieux est de retour, un an tout rond après Le Deuxième Acte qui avait fait l’ouverture de Cannes et dont le culot transgressif m’avait bluffé, dix-huit mois après Daaaaaalí ! et deux ans après Yannick qui, sans m’enthousiasmer autant, étaient déjà sacrément bluffants.

Quentin Dupieux se heurte désormais à un défi. L’effet de surprise ne joue plus. Pire : son cinéma, basé sur la transgression, semble condamné à une impossible surenchère. Le risque pour lui est de sombrer dans le grand n’importe quoi. On pouvait d’ailleurs craindre avec Mandibules ou Fumer fait tousser que Quentin Dupieux y ait cédé.

Mais Dupieux réussit avec L’Accident de piano à nous surprendre, à nous faire grincer des dents et à nous faire réfléchir.

La surprise, elle vient de l’interpétation déjantée d’Adèle Exarchopoulos. On l’avait, et moi plus souvent qu’à mon tour, rangée au nombre des bimbos de service, trop sexy pour être tout à fait honnête, pas assez intelligente pour assumer des rôles plus exigeants. Ce qu’elle ose ici, dans ce rôle absolument haïssable, est sidérant. Elle a réussi à s’inventer un rictus impayable, mi hyène mi humain.

Les dents grincent devant un film dont le scénario ne recule devant aucune outrance. La misanthropie atteint des sommets. Dupieux use de la liberté que sa célébrité lui a donnée. Il s’autorise des développements qu’aucun producteur ne soutiendrait chez un réalisateur moins connu. À ce titre, pour une fois, Dupieux clôt son propos – il nous avait frustrés avec des films ultra brefs et des fins bâclées – avec des choix scénaristiques chaque fois plus radicaux que les précédents

Et nos cerveaux sont stimulés dans un film moins absurde que les précédents. Dupieux prend depuis Yannick un tour plus politique en interrogeant la question de la célébrité et en dénonçant notre culture superficielle du paraître. Magali, nous dit-on, est devenue mondialement célèbre en tournant des séquences vidéo d’une rare bêtise. Sa célébrité, loin de la responsabiliser, l’a aigrie et a aggravé son égoïsme et sa rancœur. Ses fans, incarnés par Karim Leklou et son petit frère, sont au moins aussi bêtes et aussi veules qu’elle.

Rien n’échappe à cette purge radicale. On rit beaucoup devant L’Accident de piano. On ne rit pas de gaîté de cœur. C’est un rire amer, grinçant. Mais qui a dit que le cinéma devait faire du bien ?

La bande-annonce

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