Les mots qu’elles eurent un jour ★★☆☆

En 1962, Yann Le Masson, un documentariste français, compagnon de route du FLN, a filmé une quinzaine d’Algériennes qui venaient d’être libérées de prison après une loi d’amnistie. Elles avaient été arrêtées et condamnées pour leur participation à la lutte pour l’indépendance. Ces images, longtemps égarées, ont été retrouvées, mais leur son a disparu à jamais. Raphaël Pillosio est parti sur les traces des survivantes pour reconstituer ce moment.

Les mots qu’elles eurent un jour est un documentaire sorti dans quelques rares salles parisiennes en juin dernier et vite déprogrammé faute de spectateurs. Il n’en valait pas moins le détour.

C’est un documentaire historique qui prend des airs d’enquête policière. Le genre exégétique est à la mode : qu’on pense au roman à succès d’Anne Berrest La Carte postale ou au film de Zeibou Breitman Le Garçon. Tout part de la découverte d’un document, d’une photo, d’une archive qui excite la curiosité de celui qui le découvre et qui n’a alors de cesse d’en reconstituer la généalogie.

Cinquante ans après les faits, Raphaël Pillosio se heurte à plusieurs obstacles prévisibles : bon nombre de survivantes sont mortes – si j’ose dire ; la mémoire des rares témoins oculaires est vacillante. À force de patience, il parvient néanmoins à identifier la plupart des personnages et à retrouver leurs traces.

Le bilan est amer. L’engagement de ces femmes pour l’indépendance n’a pas été payé de retour. L’égalité à laquelle elles aspiraient leur a été déniée. La plupart ont été sommées par le FLN de rentrer dans le rang et de retourner à l’invisibilité qu’elles n’auraient jamais dû quitter. Celles qui n’ont pas accepté ce sort ont dû prendre le chemin de l’exil.

Dès lors, la démarche de Raphaël Pillosio prend une autre dimension. Il s’agit de redonner la parole à ces femmes deux fois condamnées au silence : par la perte du son de ce documentaire et par la relégation dont elles ont été victimes.

La bande-annonce

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