En 1974, Robert Wyatt, qui vient d’entamer une carrière solo après avoir quitté le groupe Soft Machine, sort l’album Rock Bottom. L’année précédente, Wyatt, en état d’ébriété, était tombé du quatrième étage d’un immeuble londonien où se déroulait une soirée sous substances. La chute l’avait laissé paraplégique. Il avait déjà entamé la composition de Rock Bottom qu’il a achevé durant sa longue convalescence avec le soutien d’Alfreda Benge, une poétesse et une illustratrice, qui dessinera la couverture de la pochette. Robert et « Alfie » se marient le jour de la sortie de l’album.
Rock Bottom est « l’un des chefs-d’œuvre les plus originaux de l’histoire du rock » (Alain Dister). C’est un album de rock progressif à l’intersection du jazz et du rock. À l’occasion de son cinquantième anniversaire, la réalisatrice espagnole Maria Trénor lui donne une seconde jeunesse en prenant quelques libertés avec les faits. Elle fait tomber Wyatt d’un brownstone new yorkais et imagine que Bob et Alfie ont vécu ensemble à Majorque, aux Baléares – alors qu’ils ont ébauché les chansons de Rock Bottom à Venise où Alfie travaillait sur le film de Nicolas Roeg Don’t Look Now.
Maria Trenor utilise la rotoscopie qui consiste à filmer d’abord les acteurs en prises de vues réelles pour ensuite dessiner les contours des silhouettes, image après image. Elle nous entraîne dans une folle immersion psychédélique, zébrée d’éclairs surréalistes, censée retranscrire l’état de transe dans lequel la drogue puis les médicaments ont plongé Wyatt durant tout son processus créatif. L’effet est hypnotisant. Rock Bottom fait partie de ces films qu’on peut, qu’on doit regarder dans un état second, sans s’attacher à leur linéarité, en se laissant submerger par ses images et par un son envoûtant.
Ce n’est certainement pas ma came…. mais ça n’en est pas moins pour autant de la très bonne came.