La Femme la plus riche du monde ★★☆☆

Marianne Farrère (Isabelle Huppert) a beau être la femme la plus riche du monde, elle s’ennuie dans son hôtel particulier neuilléen. Sa vie est rythmée par les conseils d’administration de la multinationale qu’elle a héritée de son père et par les interviews qu’elle donne à la presse. Un jour, un photographe fantasque Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte) vient prendre quelques clichés d’elle pour une revue à la mode. La milliardaire s’enflamme pour l’artiste excentrique et homosexuel. Ses outrances et sa vie débridée l’amusent. Elle fait de lui son ami et, au grand dam de son entourage, le bénéficiaire de ses libéralités.

Thiery Klifa s’est emparé avec gourmandise de l’affaire Bettencourt-Banier. Liliane Bettencourt, l’héritière vieillissante de L’Oréal, s’était entichée, on s’en souvient, de François-Marie Banier, ce photographe à la réputation sulfureuse. Sa fille, Françoise Bettencourt-Meyers, l’avait attaqué pour abus de faiblesse, reprochant au photographe d’avoir obtenu de sa mère près d’un milliard d’euros de dons en numéraire ou en nature. L’accusation se fonde notamment sur des enregistrements réalisés clandestinement par le majordome de Liliane Bettencourt. L’affaire se conclut par un accord entre les parties en 2010. Mais son volet pénal, que le film n’évoque pas, conduit à la condamnation en 2016 de François-Marie Banier à quatre ans d’emprisonnement avec sursis.

Cette affaire croquignolesque est l’occasion pour Thierry Klifa de dresser un portrait mordant de ces ultra-riches. Il n’a pas mégoté sur les costumes et les décors d’un luxe incroyable et d’une élégance parfaite. La production y a-t-elle englouti l’essentiel de son budget ? C’est probable et c’est pertinent.

L’affaire aurait pu être traitée avec moins de nuances, sur le mode du vaudeville ou bien sur celui de la critique de classe cinglante. Thierry Klifa évite ces deux écueils. Il ne verse pas dans la caricature. Marianne Farrère/Bettencourt n’est pas – ou du moins pas seulement – une milliardaire qui a perdu le sens des réalités ; c’est d’abord une femme qui revit au contact d’un homme qui lui change les idées.  Il faut reconnaître, même si d’aucuns ne la portent pas dans leur cœur, qu’Isabelle Huppert est parfaite dans ce rôle. Laurent Lafitte est également parfait dans le sien ; mais c’est pour lui un pléonasme. L’homosexualité affichée de Fantin/Banier permet d’écarter immédiatement l’hypothèse farfelue d’une romance et, au contraire, de questionner la construction d’un lien amical plus profond encore.

Il faut saluer aussi la qualité des seconds rôles, tous impeccables, à commencer par celui du majordome interprété par Raphaël Personnaz, condamné par ses fonctions à garder un silence respectueux alors que les frasques de Fantin le scandalisent. Mention spéciale à André Marcon qui montre ici, une fois encore, quel acteur établi il est.

La situation des personnages, aussi intéressante qu’elle soit, est vite stabilisée et n’évolue guère. La question autour de laquelle le film se construit – Fantin/Banier était-il un escroc qui a sciemment plumé une veuve fortunée ou bien un artiste fantasque qui a profité des libéralités de sa riche amie sans y voir malice ? – est très rapidement posée et les développements subséquents ne permettent guère, au bout de deux heures, d’y répondre mieux qu’après trente minutes.

La bande-annonce

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