À Boulogne-sur-mer à l’automne 1962, une veuve, antiquaire de profession, Hélène Aughain (Delphine Seyrig), la quarantaine, s’apprête à retrouver Alphonse Noyard (Jean-Pierre Kérien), un homme qu’elle a failli épouser vingt ans plus tôt. L’homme, élégant et séducteur, arrive à la gare de Boulogne avec Françoise (Nita Klein) une actrice débutante qu’il présente comme sa nièce. Il prétend avoir tenu un établissement en Algérie. Hélène partage son appartement avec son beau-fils, Bernard Aughain (Jean-Baptiste Thierée) qui vient d’achever son service militaire en Algérie et en est revenu avec des pulsions suicidaires.
Adolescent, j’ai été follement amoureux d’une jeune fille. Elle s’appelait Muriel. Depuis quarante ans, le film d’Alain Resnais me faisait de l’œil. Mais je n’avais jamais eu l’occasion de le voir. Une rétrospective organisée par le Reflet Médicis en l’honneur de Delphine Seyrig m’en a enfin donné l’occasion.
Muriel est le troisième film d’Alain Resnais, après Hiroshima mon amour et L’Année dernière à Marienbad. Le scénario du premier était signé par Marguerite Duras ; celui du deuxième par Alain Robbe-Grillet. Difficile de se placer sous des auspices moins prestigieuses et moins intimidantes – même si ces deux écrivains n’étaient pas les monstres sacrés qu’ils sont depuis devenus.
Toute l’œuvre de Resnais est dans ces premiers films, qui resteront aux yeux de la postérité les plus célèbres. Il tourne le dos au naturalisme, à l’intrigue, à la linéarité – même si Muriel est plus linéaire que La vie est un roman par exemple où des personnages de différentes époques se croisent au risque de n’y rien comprendre. Son montage est elliptique renvoyant de la réalité une « vision quasi cubiste » (l’expression, particulièrement intelligente, est de Michel Marie). Ses personnages, à la différence des personnages des films et des romans qui dominaient jusqu’alors, ne se résument pas à un trait de caractère. Ils sont libres, imprévisibles, parfois incohérents. Leurs « histoires » si tant est qu’on puisse utiliser ce mot n’ont aucun « sens » et dépendent autant du libre arbitre que du déterminisme social et historique.
Je suis ravi d’être allé voir Muriel. Pour tourner la page de mes amours adolescentes. Et pour finir de découvrir l’œuvre passionnante d’un des plus grands cinéastes français. Pour autant, j’ai vécu la même incompréhension que devant Hiroshima mon amour ou L’Année dernière… Le cinéma de Resnais est décidément beaucoup trop intellectuel pour moi. Loin de m’emporter, il m’ennuie.
Jacques Lourcelles disait de Resnais dans son Dictionnaire du cinéma, mon livre de chevet, qu’il était « l’intellectuel le plus ennuyeux qui ait paru dans son siècle ». La critique est outrée… mais elle n’est pas dénuée de fondement.