Red Rocket ★★★☆

Mikey Saber a quitté la petite ville de Texas City, au bord du golfe du Mexique, pour aller tenter sa chance à Hollywood. Après une vingtaine d’années dans le porno, il y revient un beau jour d’été, la gueule salement amochée et la queue entre les jambes. Il demande à Lexie, sa femme, de l’héberger. Malgré les réticences de Lil, sa belle-mère, elle l’accepte pour quelques jours qui deviendront vite quelques semaines.
Faute de trouver un emploi stable chez des employeurs auquel son CV original n’inspire guère confiance, Mikey redevient dealer pour le compte de Leondria qui contrôle le trafic  de cannabis dans le quartier. Dans un magasin de donuts, il se lie avec la vendeuse, Strawberry, une ravissante adolescente de dix-sept ans seulement, qu’il essaie de convaincre de partir avec lui en Californie.

Red Rocket est un film déconcertant. Son affiche niaiseuse et sa bande-annonce augurent une énième comédie américaine façon American Pie. Les précédents films de Sean Baker, Tangerine (2015) et The Florida Project (2017), sont plutôt des drames sociaux, quasi-documentaires à la rencontre des couches les plus défavorisées de la population américaine comme les films de l’autre côté de l’Atlantique de Ken Loach ou de Robert Guédiguian.

Mais Red Rocket est beaucoup plus ambigu que cela. Son objet se dessine progressivement. Il s’agit de faire le portrait d’un suitcase pimp, expression américaine intraduisible. Le suitcase pimp, le « proxénète de plateau », est un parasite du X, qui vit au crochet de sa compagne, elle-même actrice, à laquelle il fait office d’agent et dont il empoche les confortables revenus.

Mikey Saber est lui-même acteur X (le rôle est interprété par Simon Rex qui commença sa carrière au cinéma… dans le porno gay). Il n’en est d’ailleurs pas peu fier. Mais on comprend vite qu’il a abusé de sa femme, qui l’avait candidement accompagné en Californie et y avait tourné avec lui quelques films X avant d’en revenir rapidement. Il entend faire de même avec la jeune Strawberry, interprété par la ravissante Suzanna Son, une sorte de Lolita, aussi fraîche, jeune et désirable que l’était Sue Lyon dans le rôle de l’héroïne du livre de Nabokov adapté par Kubrick.

L’histoire de Mikey est censée se dérouler en 2016, pendant la campagne électorale qui verra, on le sait, la victoire de Donald Trump. Rien n’en est exprimé dans le film proprement dit ; mais la télévision, allumée en permanence, laisse entendre quelques-uns des slogans les plus populistes du candidat républicain, comme si la séduction qu’exerçait devant nous Mikey Saber et la subornation dont il est sur le point de se rendre coupable faisaient écho avec celles du futur président américain.

Toute l’ambiguité et toute l’efficacité du film sont qu’il est entièrement tourné du point de vue de Mikey, qui immanquablement gagne notre sympathie. Du début à la fin, on prend parti pour lui, on compatit à ses déboires, on se réjouit de le voir remonter la pente et on se lamente quand il la dégringole.

Red Rocket se termine par deux scènes marquantes sur la signification desquelles on peut s’interroger. Signent-elles la défaite de notre sympathique héros ? ou la victoire de ce parasite haïssable ?

La bande-annonce

Arthur Rambo ★☆☆☆

Karim D. est un jeune écrivain bourré de talent dont le premier livre autobiographique est chaleureusement accueilli par la critique. Mais alors que Karim célèbre son entrée dans la République des Lettres, d’anciens tweets, haineux, antisémites, misogynes, publiés sous pseudonyme plusieurs années plus tôt, ressurgissent et mettent à mal sa réputation.

Laurent Cantet s’est directement inspiré de l’affaire Mehdi Meklat qui avait éclaté en 2017. Ce jeune artiste plein de talent écrivait depuis son plus jeune âge des billets, des articles pour la radio et Internet. Au Bondy Blog, dont il devint l’un des piliers, il donnait une voix aux jeunes des banlieues, immigrés de la deuxième génération. En pleine promotion de son livre, Minute, une polémique a éclaté au sujet de tweets odieux qu’il avait publiés entre 2011 et 2015 sous le pseudonyme de « Marcelin Deschamps ». Mehdi Meklat s’est excusé et s’est expliqué de ses tweets, plaidant à la fois l’existence d’un « double maléfique » et le « droit à la provocation »

J’adore Laurent Cantet dont j’ai aimé tous les films depuis Ressources humaines (qui a révélé Jalil Lespert) jusqu’à L’Atelier (tourné à une encablure de Sanary-sur-mer) en passant par L’Emploi du temps, son adaptation de l’affaire Romand, et bien sûr sa Palme d’or Entre les murs qui l’a fait entrer en 2008 dans la cour des Grands. Je trouve que ce réalisateur a le don de tourner des films ancrés dans une réalité très contemporaine, de raconter une histoire, de diriger des acteurs souvent novices, en un mot de faire du cinéma.

Pour autant, j’ai trouvé que Arthur Rambo, dont j’attendais beaucoup, n’était pas au diapason de ses précédents films.
Pour deux raisons .

La première est mineure : j’ai trouvé le jeu des acteurs très médiocre et au premier chef celui du personnage principal interprété par Rabah Naït Oufella que la caméra ne quitte pas d’une semelle pendant les vingt-quatre heures que dure l’intrigue.

La seconde est plus substantielle. Elle concerne le sujet même du film. D’abord ce qu’il n’est pas : l’histoire d’un homme dont la trajectoire ascendante est brutalement interrompue par la révélation d’une page peu glorieuse de son passé. Depuis que j’ai vu Le Procès de Welles, inspiré de Kafka, le thème de la culpabilité, de l’épée de Damoclès qu’elle fait peser sur nos existences tranquilles, me fascine et me hante. J’aimerais que le cinéma s’empare de personnages tels que Griveaux, Benalla, Cahuzac ou Thévenoud dont les brillantes trajectoires ont été brutalement interrompues et qui, du jour au lendemain, sont devenus des parias honnis. Comment vivent-ils ces moments-là ? Comment y survivent-ils ensuite ? Tel n’est pas le sujet de Arthur Rambo, même s’il se focalise sur les heures qui précèdent et qui suivent le brusque revirement de fortune de son héros, décapité en pleine gloire.
Comme son titre l’indique, comme son affiche le montre, Arthur Rambo se focalise sur une autre facette du personnage : sa schizophrénie. Laurent Cantet s’est demandé comment l’écrivain si sensible d’un livre à succès sur le parcours d’un immigré de banlieue pouvait « en même temps » être l’auteur de tweets si ignobles. Il est vrai que la question avait soulevé un vif débat en 2017. Deux camps s’opposaient : ceux qui ne trouvaient à Mehdi Meklat aucune excuse et ceux qui lui en trouvaient.

La réponse – mais elle n’engage que moi – est simple. Claude Askolovitch l’avait à l’époque formulée à peu près en ces termes : ces tweets haïssables étaient des blagues pas drôles d’un gamin sans surmoi. Le problème est que cette réponse là, celle même dont je m’étais convaincu dès le début du film et dont je n’ai pas changé, le vide de tout intérêt.

La bande-annonce

Introduction ☆☆☆☆

Introduction, si on l’a bien compris, raconte trois épisodes de la vie de Youngho, un grand dadais d’une vingtaine d’années. Le premier le voit à la rencontre de son père, dans son cabinet médical, où celui-ci reçoit pour une séance d’acupuncture un acteur célèbre qui va  convaincre Youngho de tenter sa chance au cinéma. Le deuxième le croise en Allemagne où il a suivi Juwon, sa fiancée. Le dernier le retrouve dans une station balnéaire coréenne où sa mère déjeune en compagnie de l’acteur du premier tableau.

Avec je-ne-sais-quel masochisme, je vais voir tous les films de Hong Sangsoo. Malheureusement pour moi, le maître coréen est prolixe : Introduction est son seizième film  en dix ans à peine. Et à chaque fois, je vis les mêmes expériences : celle, frustrante, de ne rien comprendre à un cinéma qui me passe au-dessus de la tête, celle, rageante, de m’être encore une fois fait rouler dans la farine par un réalisateur dont le minimalisme attire selon moi des louanges imméritées.

Tous les films de Hong Sangsoo se ressemblent. Celui-ci reprend les mêmes personnages, les mêmes situations, les mêmes procédés que les précédents dont j’ai déjà eu moult fois l’occasion de dire tout le mal que j’en pensais : La femme qui s’est enfuie, Hotel by the River, Grass, La Caméra de Claire, Seule sur la plage la nuit, Le Jour d’après, Yourself and Yours, etc.

Comme dans tous les films de Hong Sangsoo, on retrouve des acteurs qui déambulent dans une ville ou sur les bords d’une plage en dissertant sur le sens de la vie. Comme dans tous ses précédents films, on voit en étouffant un bâillement des scènes interminables, d’une dizaine de minutes chacune, filmées dans un noir et blanc laiteux à grands coups de zoom avant ou arrière. Elles se succèdent brutalement sans qu’on comprenne les liens qui les unissent ni même leur chronologie. J’apprends, en lisant les commentaires sous Introduction, qu’il contient une scène onirique. J’avoue humblement ne pas savoir de laquelle il s’agit.

Les critiques pâmés invoquent les mânes de Rohmer là où je ne vois que prétention, pose, vide et ennui. Je n’ai trouvé dans ce film qu’une seule qualité : sa brièveté (soixante-six minutes à peine), aveu tacite peut-être que le réalisateur n’avait rien d’autre à raconter. Le titre, passablement incompréhensible, du dernier film de Hong Sangsoo annonce hélas qu’il y en aura d’autres. Irai-je les voir encore ?

La bande-annonce

Les Jeunes Amants ★★☆☆

Pierre (Melvil Poupaud) a quarante-cinq ans. Il est chirurgien à Lyon, marié et père de famille. Quinze ans après l’avoir croisée durant une nuit de garde, il retrouve Shauna (Fanny Ardant), une architecte à la retraite qui fut la meilleure amie de la mère de Georges (Sharif Andoura), le meilleur ami de Pierre. Entre Pierre et Shauna, malgré l’écart d’âge, c’est le coup de foudre.

Sur une idée originale de Solveig Anspach, décédée en 2015, Carine Tardieu, qui avait déjà signé  trois films plein de délicatesse (La Tête de Maman, Du vent dans les mollets et Ôtez-moi d’un doute qui m’avait conquis), explore un sujet quasiment inédit et bien dans l’air du temps : la liaison adultère d’un homme dans la force de l’âge avec une femme de vingt-cinq ans son aînée.

On imagine mal qui mieux que Melvil Poupaud et Fanny Ardant auraient pu interpréter de tels rôles. Lui, séduisant en diable, la barbe poivre et sel, voit ses certitudes se fracturer devant la passion qui l’emporte. Elle, dont l’âge n’enlève rien au charme magnétique, a toujours cette voix renversante à laquelle aucun être normalement constitué ne saurait résister.
Ils sont appuyés par des seconds rôles impeccables : Sharif Andoura déjà cité, Florence Loiret-Caille qui démontre que son talent ne se réduit pas au seul rôle de Marie-Jeanne dans Le Bureau des légendes et surtout Cécile de France dans un rôle à contre-emploi qu’elle interprète avec un masochisme bouleversant.

Les Jeunes Amants a peut-être le défaut de verser dans la tragédie, de prendre un peu trop au sérieux une histoire qui aurait pu être racontée avec plus de légèreté. Il a un autre défaut : ses vingt dernières minutes qui semblent tourner en rond autour d’une conclusion qu’il n’arrive pas à trouver et qui finalement s’avère médiocrement convaincante. Pour autant, il n’en reste pas moins un mélodrame poignant, propre à séduire tous les spectateurs, homme ou femme, jeune ou moins jeune.

La bande-annonce

Irradiés ★☆☆☆

Survivant des camps de l’Angkar, le réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh a passé sa vie à documenter les massacres qui ont coûté la vie à toute sa famille et à plusieurs millions de ses compatriotes.
Après une résidence au Japon, il consacre son dernier documentaire, qui relève autant du cinéma que de l’installation, aux séquelles des guerres, atomiques ou conventionnelles, qui ont ensanglanté le vingtième siècle, de Verdun à Auschwitz, de Hiroshima à Srebrenica, et qui ont laissé leurs marques dans la chair des hommes.

Irradiés est une longue encyclopédie du mal. Les images qu’il montre sont dures, parfois insoutenables : cadavres décharnés retirés des chambres à gaz nazies, survivants irradiés des explosions nucléaires d’Hiroshima ou de Nagasaki, photographies anonymes des détenus de S21, la prison de Phnom Penh… D’ailleurs le film est interdit aux moins de douze ans en France. Quelques spectateurs, visiblement choqués, ont quitté la salle en cours de séance.

Pour présenter ces documents, Rithy Panh découpe l’écran en trois bandes verticales et projette dans chacune des images similaires ou différentes. Quel effet veut-il ainsi créer ? Une mise en abyme ? Un vertige ?

Irradiés ne peut qu’inspirer une admiration révérencieuse. Les faits qui y sont relatés sont si terribles qu’on ne peut, comme face à Nuit et brouillard de Resnais, que se taire. On serait bien mesquin de lui reprocher son texte emphatique, lu par André Wilms et par Rebecca Marder (dont c’est le second film à l’affiche cette semaine !), ou ses acteurs de nô qui errent dans des ruines post-apocalyptiques, seules scènes de fiction, bien incongrues. On n’osera pas avouer qu’on s’est vite ennuyé de ces images  d’archives déchirantes, sans début ni fin, sans indications d’origine, répétées ad nauseam… mais on n’en pense pas moins.

La bande-annonce

Nos âmes d’enfants ★☆☆☆

Johnny (Joaquin Phoenix), la quarantaine bien entamée, est un animateur radio new yorkais lancé dans une enquête au long cours : avec ses deux assistants, il sillonne les États-Unis micro au poing pour interroger les enfants sur leur vision de leur avenir, leurs rêves et leurs peurs.
Johnny a un neveu, Jesse (Woody Norman), que sa mère, Viv, la sœur de Johnny, élève seul à Los Angeles depuis qu’elle s’est séparée de son père dont la santé mentale est fragile. À cause de la distance entre les deux Côtes, à cause aussi du décès de leur mère, un an plus tôt, Johnny et Viv se sont éloignés l’un de l’autre. Mais cela n’empêche pas Viv de demander à son frère de s’occuper de Jesse pendant quelques jours, le temps pour elle de rendre visite à son ex-mari à Oakland.

Nos âmes d’enfants m’a encore plongé dans un épisode schizophrène dont je suis décidément de plus en plus fréquemment victime.

Comme son titre le laissait augurer, ce film américain au noir et blanc onctueux est une exaltation sensible de la richesse de l’enfance et du profit que nous, vieux adultes racornis, devrions tirer à demeurer toujours à son écoute. Le jeune Woody Norman y joue un garçonnet attendrissant sourdement tiraillé par le départ de son père. Son oncle vient s’occuper de lui et l’entraîne dans un voyage au travers des États-Unis, à New York et à La Nouvelle-Orléans. Mais des deux voyageurs, comme de bien entendu, c’est autant l’oncle que le neveu que ce voyage fera réfléchir et grandir.

Voilà pour les bons sentiments
Passons aux plus aigres.

Nos âmes d’enfants, dont le titre gnangnan aurait dû m’alerter, déborde de mièvrerie. Il prospère autour d’une idée qui pue le politiquement correct et qu’il est aujourd’hui criminel de remettre en cause : la dévotion à l’Enfant-Roi qu’il faut protéger d’un monde agressif et dont il faut exalter les qualités et faire bourgeonner les talents. L’insupportable Woody Norman y joue un mioche soi-disant HPI, plus probablement mal élevé à force de caprices que sa mère n’a pas su lui passer, qu’on a plus envie d’envoyer se coucher que de continuer à écouter pendant les presque deux heures que dure ce film interminable.

La bande-annonce

Une jeune fille qui va bien ★★★☆

Irène (Rebecca Marder) a dix-neuf ans à Paris en 1942. Elle a une passion, le théâtre, et un rêve, réussir le concours d’entrée au Conservatoire qu’elle prépare avec ses camarades. L’amour de son père (André Marcon), de sa grand-mère (Françoise Widhoff) et de son frère aîné (Anthony Bajon) fait écran avec le monde.

Quelques mois après sa fille, comme si décidément la fièvre de la realisation s’était emparée de la famille Kiberlain-Lindon, Sandrine Kiberlain passe derrière la caméra pour signer son premier film. Il s’agit d’un drame historique au sujet plombant, qui louche du côté d’Anne Frank ou d’Irène Nemirovsky (à laquelle l’héroïne emprunte son prénom), le coming-of-age d’une jeune Juive pendant l’Occupation, mais traitée sur un mode très paradoxal.

En effet, comme d’ailleurs son titre l’annonce, tout va bien pour Irène. Rien ne la soucie dans cette ville où ne circule aucun soldat ennemi. Rien ne résiste à son charme rayonnant, à sa joie de vivre, à son appétit. La jeune fille est si entièrement happée par sa passion qu’elle est sourde et aveugle au monde qui l’entoure et aux menaces qui y rodent.

Est-ce par manque de moyens ou en raison des contraintes sanitaires ? Est-ce au contraire voulu ? On ne verra aucune des scènes de rue dont nous gratifient normalement les films censés se dérouler à cette époque : ces scènes décidément de plus en plus kitsch où circulent deux ou trois traction-avant, où les panneaux routiers indiquent en lettres gothiques la direction de la Kommandantur et où quelques passants déambulent, la coiffure savamment permanentée ou le pantalon tirebouchonné à la mode zazou.

À tel point que Une jeune fille qui va bien pourrait parfois donner l’impression d’être intemporel, hors sol. Comme s’il s’agissait à modulo 2π du même film que celui tourné par Suzanne Lindon, qui décrivait, lui aussi, les émois d’une jeune fille en fleurs, passionnée de théâtre et découvrant l’amour.

Pour incarner Irène, Sandrine Kiberlain a résisté à la tentation de faire tourner sa fille et lui a préféré Rebecca Marder (qui tenait dans Seize printemps un petit rôle). Le choix est heureux. La jeune sociétaire de la Comédie-Française est rayonnante. Elle irradie le film de sa grâce.

Les deux fils de l’intrigue – le drame historique d’un antisémitisme qui déploie lentement ses règles absurdes et asphyxiantes et la coming-of-age story – tardent à se nouer. Ils le font in extremis avec une violence rare qu’on n’oubliera pas de sitôt. Cette scène ultime, dont j’ai déjà trop dit, leste le film, auquel on était sur le point de reprocher sa frivolité, d’un poids qui lui donne toute sa force.

La bande-annonce

L’Ennemi ★☆☆☆

Louis Durieux (Jérémie Rénier) est un homme politique wallon promis à un brillant avenir. Il entretient une relation passionnelle avec sa femme, Maeva Cordier (Amma Jodorowsky) une journaliste politique. Une nuit, dans un palace d’Ostende, après une soirée très arrosée et une énième dispute bruyante dont attestent les caméras de surveillance, Maeva décède. Crime ou suicide ?

Inspiré d’un fait divers qui avait défrayé la chronique outre-Quiévrain en 2013, la mort mystérieuse de l’épouse d’un homme politique belge dans un hôtel d’Ostende, L’Ennemi est l’œuvre de Stephan Streker qui avait signé en 2017 Noces, un film marquant sur le mariage forcé d’une jeune Belgo-Pakistanaise.

En regardant son affiche, qui fait la part égale entre ses deux personnages principaux, on pourrait croire que L’Ennemi est l’histoire d’un couple uni par une passion destructrice.

Autre direction dans laquelle nous emmène cette fois-ci la bande-annonce : L’Ennemi semble raconter une disparition mystérieuse que les souvenirs épars et contradictoires de ses protagonistes peinent à élucider.

Il s’avère en fait que le principal sujet du film est ailleurs. L’Ennemi est le portrait d’un homme à la recherche de lui-même, incapable de se souvenir des événements qui ont précédé la mort de sa femme. Une longue incarcération aux côtés d’un prisonnier lui aussi bien opaque (Félix Maritaud, brûlante révélation de Sauvage), le soutien indéfectible de son avocate (Emmanuelle Bercot décidément aussi juste devant que derrière la caméra) et les retrouvailles avec le fils desormais poussé en graine qu’il a eu d’un premier lit (Zacharie Chasseriaud) l’y aideront peut-être.

Malgré l’interprétation habitée de Jérémie Rénier, L’Ennemi hésite entre trop de sujets pour convaincre tout à fait.

La bande-annonce

Un monde ★★★☆

Nora a sept ans. Le jour de la rentrée des classes, elle sanglote dans les bras de son frère Abel, de deux ou trois ans son aîné. Son père (Karim Leklou) essaie en vain de la rasséréner.
La rentrée de Nora ne se passe pas si mal. En revanche, Abel devient la tête de Turc de ses camarades. Nora est le témoin de ces vexations quotidiennes qu’Abel lui ordonne de taire.

Un monde embrasse un parti radical : filmer à hauteur d’enfant l’immersion traumatisante d’une fillette dans son école primaire. Dès le premier plan, la caméra se place à un mètre du sol, à côté de Nora, et ne la quittera plus. On verra ce qu’elle verra ; on entendra (ce tohu-bohu stridant des cours de récréation) ce qu’elle entendra ; on ressentira ce qu’elle ressentira.

Ce parti pris pourrait constituer une posture. Il se révèle diaboliquement efficace. Et il réussit le miracle de faire remonter des souvenirs enfouis de notre plus tendre enfance, de cette école maternelle qu’on pensait oubliée où nous avons tous vécu des expériences fondatrices, aussi enivrantes que traumatisantes.

Ce parti pourrait être lassant. Un monde évite cet écueil par sa brièveté. Il dure soixante quinze minutes à peine, une durée qui le rapproche du moyen métrage. S’il avait duré plus longtemps, on aurait frisé l’asphyxie.

Seul reproche peut-être : un scénario un peu faiblard. Eût-il été plus dramatique (en voyant la bande annonce, j’avais, à tort, imaginé une agression sexuelle), il aurait peut-être encouru le reproche de l’excès. Mais l’histoire qu’il raconte manque un peu de densité et de rebondissement pour justifier l’intérêt d’un film qui vaut avant tout par sa mise en scène.

La bande-annonce

Adieu Paris ☆☆☆☆

Une bande de huit vieux copains, stars de la chanson, du cinéma, du théâtre, du monde de l’art, se retrouve chaque année pour un déjeuner à La Closerie des lilas.

Aimez-vous Édouard Baer, son humour décapant, son charme désopilant, son dandysme mélancolique ? Si oui, courez voir Adieu Paris ! Vous allez adorer ! D’ailleurs la salle comble où j’ai vu Adieu Paris en avant-première lundi soir était tout entière acquise à sa cause. Édouard Baer en personne y présentait son dernier film, entouré de la quasi-totalité de ses acteurs (Pierre Arditi et Gérard Depardieu manquaient quand même à l’appel). En roues libres, avec Benoît Poelvoorde, il a sorti quelques vannes. Certaines, pleines de répartie, étaient drôles, d’autres moins.

Tel est le problème d’Adieu Paris, qui n’est rien d’autre qu’un long tunnel de situations et de bons mots, plus ou moins réussis, plus ou moins drôles.
Son sujet laisse perplexe. Huit anciennes gloires y sont réunies : on reconnaît (ou pas) Pierre Arditi, Daniel Prévost, Bernard Le Coq, Bernard Murat et, bizarrement, François Damiens dont on se demande ce qu’il est venu faire dans ce cénacle de vieux septuagénaires. Jouent-ils leurs vrais personnages sous leur vrai nom ? Non. Bernard Le Coq est une star déchue de la chanson, François Damiens une valeur montante de l’art conceptuel. Quant à Benoît Poelvoorde, qui joue un comédien de stand-up prénommé Benoît, il joue sans succès l’incruste au comptoir du bar adjacent.

Édouard Baer – qui arrive avec trois quarts d’heure de retard et s’abstiendra finalement de passer à table – a-t-il voulu signer un film nostalgique sur le temps qui passe, sur la célébrité qui se fane, sur la mort qui vient ? A-t-il voulu croquer avec causticité les derniers feux de stars vieillissantes empêtrées dans leurs petits défauts, dans leurs petites mesquineries ?

Rien n’est drôle dans ce film paresseux. Rien n’est touchant sinon peut-être le personnage de Jackie Berroyer frappé par un Alzheimer qui n’a pas encore dit son nom mais qui montre déjà, dans les absences de son personnage, son macabre visage.

La bande-annonce