Amants ★★☆☆

Lisa (Stacy Martin) et Simon (Pierre Niney) sont jeunes et fusionnels. Ils forment un couple inséparable que la vie va pourtant séparer. Mais quelques années plus tard, alors que Lisa a refait sa vie avec Léo (Benoît Magimel), les hasards de l’existence vont les réunir à nouveau.

Depuis plus de quarante ans, Nicole Garcia mène dans le cinéma français une carrière originale, devant comme derrière la caméra. Son éclectisme lui vaut d’ailleurs un curieux record : c’est la seule personne à avoir été nominée aux Césars dans six catégories différentes (meilleur film, meilleur premier film, meilleure actrice, meilleure actrice dans un second rôle, meilleur réalisateur et meilleure adaptation) Sa sensualité trouble (ses ébats avec Christophe Malavoy dans Péril en la demeure en ont ému plus d’un.e), son élégance, son intelligence font souvent mouche. Les films qu’elle co-écrit avec son complice Jacques Fieschi ne se reconnaissent pas au premier coup d’oeil. On ne se dit pas « Ah ! voilà un film de Nicole Garcia ! » d’autant qu’elle refuse systématiquement de s’y mettre en scène. Mais ils partagent tous une même élégance vénéneuse un peu surannée.

C’est ce compliment empoisonné qui vient à l’esprit devant Amants : élégant, vénéneux et suranné. Elegant car tourné dans des décors luxueux avec la fine fleur du cinéma français. Vénéneux en raison de son scénario qui louche du côté du polar ou du film noir façon Hollywood des 40ies. Mais un peu suranné aussi tant les personnages qu’il met en scène et les situations dans lesquelles il les place semblent parfois artificielles et guindées.

Amants m’a fait penser à Villa Caprice, le récent film avec Niels Arestrup et Patrick Bruel sur lequel j’ai récemment tiré à boulets rouges. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Amants aurait pu m’inspirer un jugement tout aussi cinglant. Mon indulgence tient à deux motifs. Le premier est la qualité de l’interprétation. Autant Niels Arestrup et Patrick Bruel me donnent l’impression d’acteurs à bout de souffle recrutés sur la seule foi de leur légitimité, autant j’aime la fraîcheur gracile de Stacey Martin et le jeu fiévreux de Pierre Niney – que je classe sans guère de risque de me tromper parmi les tout meilleurs acteurs de sa génération. Le second est la tension du récit qui m’a tenu en suspens jusqu’à sa conclusion – quelles que soient les réserves qu’elle m’ait finalement inspiré.

La bande-annonce

Olga ★☆☆☆

Olga est une jeune gymnaste ukrainienne surdouée. Elle se prépare d’arrache-pied aux prochains championnats d’Europe. Mais la politique va la rattraper.
Sa mère, journaliste engagée dans l’opposition au président Ianoukovytch, craint pour sa sécurité et oblige sa fille à quitter l’Ukraine pour la Suisse, le pays de son père aujourd’hui décédé. Olga intègre l’équipe nationale et y continue sa préparation. Mais la jeune fille est tiraillée entre son ambition et l’attachement à son pays et aux siens.

Le jeune réalisateur Elie Grappe vient du monde de la musique classique. Il avait rencontré pendant l’Euromaïdan, les manifestations pro-européennes qui se sont déroulées à Kiev fin 2013, une jeune violoncelliste ukrainienne, tiraillée entre sa carrière internationale et le destin douloureux de son pays. Il a identifié là une tension susceptible de nourrir un film. Il a choisi de le tourner non pas dans le monde de la musique classique mais dans celui, plus charnel et plus visuel, de la gymnastique de compétition. Il y a quelques mois, un film similaire donnait le premier rôle à une nageuse olympique canadienne, Nadia, Butterfly.

Un dilemme se posait à lui pour le choix de son actrice principale. Devait-il prendre une actrice professionnelle, quitte à la faire doubler pour les exercices aux barres asymétriques, ou une gymnaste aguerrie au risque que son jeu soit moins convaincant ? C’est la seconde option qu’il a retenue. Et ce choix, selon moi, s’avère funeste.

Sans doute la jeune Nadya Budiashkina est-elle très crédible dans le rôle d’une brillante gymnaste. Elle en a la morphologie, la musculature et la technique. Mais sa palette de jeu est trop pauvre pour pouvoir porter sur ses épaules tout le film. Elle n’explore qu’un seul registre : celui de la jeune fille renfrognée, rongée par l’inquiétude pour sa mère qu’elle a le sentiment d’avoir abandonnée derrière elle, obsédée par les entraînements. Elle s’exerce sans relâche, quitte à mettre son corps à l’épreuve. Jamais la moindre joie ne vient l’éclairer.

L’héroïne d’Olga est à ce point revêche que le film en devient déplaisant. Faut-il, me rétorquerez-vous, que les héros et les héroïnes d’un film soient sympathiques ? Sandrine Bonnaire l’était-elle dans Sans toit ni loi ? Emilie Dequenne dans Rosetta ? Non. Et pourtant ces deux films-là sont des chefs d’œuvre.

J’aurais peut-être passé outre la mine renfrognée d’Olga si le scénario du film avait été plus stimulant. Hélas, il n’en est rien. Construit sur l’alternance systématique de scènes en Suisse d’entraînements et de scènes à Kiev, filmées avec un téléphone portable, de combats de rue, il ne prend jamais de hauteur.

La bande-annonce

Suprêmes ☆☆☆☆

Nous sommes à la fin des années 80, dans les cités du 9-3. Le rap vient d’arriver en France. Didier et son ami Bruno, deux graffeurs, écrivent des textes qui expriment leur colère et leur mal-être ; leur ami Franck les met en musique. Un groupe se crée. Il s’appellera Supreme NTM. Didier, Bruno et Franck prennent des noms de scène : ce sera JoeyStarr, Kool Shen et DJ S. Un manager prendra le destin du groupe en main ; un autre les fera signer chez Sony où ils sortiront leur premier album en 1991.

Jeune réalisatrice engagée, qui filme les banlieues depuis Regarde-moi en 2008, Audrey Estrougo s’est lancée un défi de taille : raconter, sans les trahir, les débuts du rap français et de son groupe le plus emblématique. Elle relève le défi haut la main grâce à une reconstitution soignée de l’époque (dont on peine à admettre qu’elle a déjà plus de trente ans alors qu’elle nous semble à nous, vieux quinquagénaires, si proche) et grâce à l’interprétation impeccable de deux jeunes acteurs prodigieux de talent : Théo Christine dans le rôle de JoeyStarr et Sandro Funtek dans celui de Kool Shen. Bizarrement, sur l’affiche, le second me semble ressembler plus à JoeyStarr que le premier. Etait-ce voulu ?

Critiquer ce film est pour moi une gageure. Car je ne connais rien au rap, un style dont le poids de mes préjugés et mes goûts musicaux m’ont toujours tenu éloigné. J’ai beau avoir essayé de l’écouter, je n’en apprécie ni les textes, ni les sons. Je veux bien entendre la rage qui s’y exprime mais je n’arrive pas à la comprendre et encore moins à la cautionner. Je ne suis pas fier de ce manque d’ouverture d’esprit et en fais un constat affligé.

Par conséquent, je suis bien en mal d’exprimer un avis éclairé sur ce film.
J’en ai tout détesté parce que je n’en aime pas le sujet. Mais pour autant, j’imagine volontiers qu’un fan de rap l’appréciera. Et je ne l’en blâmerai pas. C’est sa came. Pas la mienne (sic).

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L’Evénement ★★★★

Au début des années soixante, dans une université de province, Anne (Anamaria Vartolomei) suit des études de lettres pour s’affranchir du milieu populaire dont elle est issue et pour réaliser un rêve : l’écriture. Elle vit l’existence banale des jeunes filles de son âge : la succession des cours, la sororité de ses voisines de Cité U, quelques flirts plus ou moins poussés…
La vie d’Anne bascule lorsqu’elle découvre sa grossesse. Sa réaction est immédiate : elle avortera. Mais comment faire ?

Annie Ernaux – qui fait la couverture de Télérama cette semaine – est décidément à la mode. Après Passion simple l’été dernier, adapté d’un court récit autobiographique publié en 1992, après J’ai aimé vivre là, où le documentariste Régis Sauder la filme à Cergy-Pontoise, où elle s’est installée depuis une quarantaine d’années, voici L’Evénement, adapté d’un récit tout aussi court et tout aussi autobiographique, publié en 2000. L’écrivaine y revenait sur un « événement » fondateur dans sa vie : l’avortement clandestin qu’elle avait subi en 1963 alors qu’elle suivant des études de lettres à Rouen.

L’Evénement est un récit profondément personnel qui raconte, en une centaine de pages à peine, un drame intime. L’écriture d’Annie Ernaux est blanche, dénuée de tout psychologisme. L’auteure raconte, près de quarante ans après les faits, les démarches qu’elle avait entreprises pour mettre en oeuvre son projet : l’indifférence embarrassée du père de l’enfant qui la renvoie à sa propre solitude, l’impossibilité de se confier à ses parents, les visites médicales auprès de docteurs franchement hostiles à l’avortement ou trop peureux pour y être associés, les amis sollicités sans succès et finalement la faiseuse d’anges et la terreur qu’inspire le dénuement de son appartement et les instruments qu’elle utilisera pour fouiller sa chair.

Mais aussi personnel soit-il, L’Evenement est un récit universel. Mieux que de longs discours, il raconte l’angoisse et la honte qu’une grossesse non désirée fait naître dans un temps et dans un lieu où l’interruption volontaire de grossesse n’existe pas – ou n’existe pas encore. Il nous fait ressentir avec une force inédite le traumatisme qu’elle provoque, la peur qu’elle suscite. Peur sociale d’être démasquée et de passer à tout jamais pour une « salope ». Peur physique face aux gestes auxquels il faudra procéder, seule dans sa chambre d’étudiante ou dans l’appartement de la faiseuse d’anges, face à la douleur et face aux risques de complication.

C’est l’ensemble de ces émotions que l’adaptation d’Audrey Diwan (dont le premier film, Mais vous êtes fous, avait laissé augurer le talent) restitue. Elle y parvient grâce à un respect scrupuleux du texte et à un procédé très efficace : suivre à chaque pas l’héroïne, la filmer par-dessus son épaule dans ses allers-retours ou en gros plan très serré pour capter sa fébrilité et son angoisse qui monte. Son film est tendu comme un arc, sec comme une trique. Il ne connaît pas un instant de répit. La tension culmine pendant l’avortement proprement dit. Pas un bruit dans la salle, pourtant comble. Chaque spectateur, homme ou femme, retient sa respiration et partage avec la jeune Anne l’angoisse et la peur qui la submergent.

Le succès de L’Evénement doit beaucoup à son interprète principale. On avait déjà repéré la jeune franco-roumaine Anamaria Vartolomei. On l’avait vue à onze ans à peine interpréter la fille d’Isabelle Huppert (sic) dans My Little Princess, puis tenir des rôles secondaires dans Le Semeur, L’Echange des princesses, Just Kids, La Bonne Épouse… Son talent explose dans L’Evénement. Une star est née.

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Memoria ☆☆☆☆

Jessica (Tilda Swinton) est Anglaise et vit en Colombie à Medellin. Elle est venue quelques jours à Bogota au chevet de sa sœur. Mais son sommeil est soudain troublé par un bruit sourd et violent. Pour lutter contre cet acouphène déstabilisant, Jessica consulte sans succès un médecin. Elle contacte un acousticien dont elle perdra ensuite la trace. Elle croise le chemin d’une archéologue française (Jeanne Balibar) qui lui montre des restes humains retrouvés dans des excavations.
Finalement, Jessica quitte Bogota pour la jungle amazonienne où elle fera une troublante rencontre.

Le neuvième film de Apichatpong Weerasethakul a bien failli remporter la Palme d’or au Festival de Cannes. Il a dû se contenter du prix du jury – qu’il a dû partager avec Le Genou d’Ahed dont j’ai déjà eu l’occasion de dire tout le mal que j’en pensais. Déjà palmé en 2010 pour Oncle Boonmee, le réalisateur thaïlandais a laissé la place à Titane, qui résonne peut-être plus avec l’air du temps.

je n’ai aimé aucun de ces trois films cannois. Voire, je les ai franchement détestés. Mais force m’est de reconnaître l’audace de cette sélection et de ce palmarès, sa radicalité.

Revenons à Apichatpong Weerasethakul – dont, par je ne sais quel masochisme, je me force à réécrire le nom interminable. Il a quitté la Thaïlande – avec des mots très durs pour son régime autocratique – pour tourner aux antipodes avec une star internationale. Pourtant son film ressemble aux précédents. Il baigne dans la même transe languissante, entre veille et sommeil. ll interroge les mêmes thèmes : la vie, la mort, la communication avec l’au-delà…

À condition d’être sacrément stone ou doté d’une sensibilité exceptionnelle, on se pâmera. Tel ne fut hélas pas mon cas. J’en rougis de honte tant je lis ici ou là, sous la plume de critiques ou de proches, des critiques élogieuses.
Contrairement à eux, j’ai trouvé interminables ces deux heures seize. Je n’ai trouvé à cette histoire aucun intérêt ; j’ai même pouffé au plan surréaliste qui est censé en donner la clé. Je n’ai trouvé aucune beauté aux longs plans fixes éclairés d’une lumière blafarde. Je me suis ennuyé ferme devant ce soi-disant chef d’oeuvre auquel je n’ai rien compris. Mon tort est d’avoir voulu le « comprendre » alors que le cinéma de Apichatpong Weerasethakul n’est pas dans ce registre-là.

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Les Magnétiques ★★☆☆

Mai 1981. François Mitterrand vient de remporter les élections présidentielles, soulevant une immense espérance dans le peuple de gauche. Philippe (Timothée Robart) ne communie pas à la liesse générale, obnubilé par sa seule passion : le son. Effacé et timide, Philippe assiste Jérôme son frère aîné (Joseph Olivennes) qui anime une radio pirate.
Mais le service militaire l’appelle. Philippe doit quitter son petit village pour Berlin où ses talents auront tôt fait de lui trouver un poste à la radio britannique. Pour Philippe, l’expérience est unique ; mais il vit mal d’être éloigné de Marianne (Marie Colomb), la fiancée de Jérôme dont il est secrètement amoureux.

Il faut reconnaître à ces Magnétiques une qualité : traiter un sujet original. Original par l’époque où il se déroule : le début des années 80 et les espoirs de changement que l’arrivée de la gauche avait fait naître. Original par l’angle d’approche choisi pour le traiter : non pas tant la musique proprement dite – même si la BOF contient quelques petits bijoux – que le son et la façon de le fabriquer, traiter, de le distordre, avec des moyens techniques sacrément inventifs et pourtant préhistoriques.

Le réalisateur Vincent Maël Cardona montre moins d’originalité en utilisant comme fil rouge de cette histoire le passage à l’âge adulte d’un provincial timide. Ce passage se fera au prix d’un exil : de la province française la plus rétrograde (avec son bistrot miteux, son salon de coiffure démodé et son garage encombré d’épaves) à la capitale. La capitale ici n’est pas Paris comme c’est souvent le cas (qu’il s’agisse des Illusions perdues au XIXème siècle ou de La Belle Saison qui se déroule au début des années 70) ; mais, service militaire et guerre froide obligent, Berlin que le manque de moyens empêche de filmer en plan large.

Même si Marianne (la jeune révélation de la mini-série Laëtitia) est désirable en diable, le personnage le plus intéressant est Jérôme, le frère aîné, interprété avec incandescence par Joseph Olivennes. Jérôme, Philippe et leur père – la mère a disparu sans qu’on sache si elle est partie ou décédée – forment un trio biblique dont on pressent par avance qu’il est voué à un destin tragique.

C’est là le principal défaut du film : un scénario languissant qui semble hésiter sur son cours et qui souffre dans son dernier tiers, une fois refermée la parenthèse berlinoise, d’un cruel trou d’air.

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Nouvelle Donne (2006) ★★★☆

À Oslo, de nos jours, Phillip (Anders Danielsen Lie) et Erik (Espen Klouman-Høiner) sont deux jeunes hommes passionnés d’écriture. Ils ont chacun écrit leur premier roman qu’ils rêvent de publier.

La sortie et le succès de Julie (en 12 chapitres) ont conduit Malavida à ressortir en salles le tout premier film de Joachim Trier, tourné en 2006.

Il frappe par sa maîtrise. Nouvelle donne ne se contente pas de raconter platement l’histoire d’une amitié littéraire. Il entrelace plusieurs niveaux de lecture, multiplie les flashbacks et les flashforwards, explore quelques hypothèses, revient en arrière, repart en avant…. Loin de donner le tournis, Nouvelle Donne nous emporte avec sa folle énergie sans jamais nous perdre.

Je n’avais pas aimé Oslo 31 août, le film qui en 2011 avait révélé Joachim Trier. La faute en était peut-être au Feu follet, le roman de Drieu la Rochelle, et sa noirceur suicidaire.
J’ai au contraire été enthousiasmé par Julie (en 12 chapitres) et sa communicative énergie.

Bien que réalisé avant ces deux films-là, Nouvelle Donne en constitue en quelque sorte l’heureuse synthèse. Comme Oslo 31 août, c’est un film triste, hanté par les pulsions suicidaires qui emportent régulièrement Phillip en hôpital psychiatrique et minent le couple qu’il forme avec la charmante Kari. Mais, comme Julie (en 12 chapitres), c‘est aussi un film gai, plein de vie et d’énergie, débordant de créativité.

Que vous ayez aimé les deux films de Joachim Trier ou que vous ayez aimé l’un des deux seulement, voire que vous ne les ayez vus ni l’un ni l’autre, jetez un oeil à celui-ci, vous ne serez pas déçu.

La bande-annonce

Lui ★☆☆☆

Un compositeur en panne d’inspiration se réfugie dans une maison isolée au sommet d’une falaise d’une île bretonne. En proie à une grande confusion mentale, il voit défiler dans son esprit perturbé sa femme (Virginie Effira) qu’il vient de quitter mais qu’il aime encore, sa maîtresse (Laëtitia Casta) qu’il désire encore mais n’a jamais aimée, son meilleur ami (Mathieu Kassovitz) qu’il suspecte d’avoir couché avec sa femme, ses parents (Nathalie Baye et Patrick Chesnais).

Lui est un drôle de film qui n’a rien de drôle.
Sa bande-annonce est fallacieuse : on imagine en la voyant, un polar schizophrène avec des cadavres dans le placard. Les premières minutes du film sont dans cette veine là : île quasi-déserte, maison isolée, bruits suspects….
Mais Lui bifurque vers autre chose, une auto-analyse cathartique façon Bertrand Blier, avec ses situations absurdes, ses dialogues transgressifs, ses situations cocasses…

Il faut reconnaître à Guillaume Canet un sacré culot pour réaliser et tenir le premier rôle d’un film pareil. Il avait déjà montré une telle audace dans Rock’n roll, une autobiographie déguisée d’une star française hantée par la panique du vieillissement qui m’avait bluffé.

Je n’ai pas retrouvé le même plaisir jubilatoire face à Lui, un film plus sombre, plus sérieux, plus plombant, plus bavard. J’ai eu un peu le sentiment que Canet avait voulu s’épargner une analyse en tournant un film. Pas sûr que le procédé soit efficace et, vu l’insuccès du film qui a déjà disparu des écrans en quatrième semaine d’exploitation, moins coûteux.

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Pig ★☆☆☆

Rob, un vieil homme solitaire (Nicolas Cage) vit au fond des montagnes de l’Oregon. Sa seule compagnie est une truie avec laquelle il déniche des truffes qu’il échange chaque semaine avec les produits de première nécessité que lui apporte Amir, un jeune grossiste fils à papa.
La vie de Rob bascule lorsque sa truie lui est brutalement dérobée. Avec l’aide d’Amir, il décide de partir la retrouver à Portland. Son retour en ville oblige Rob à revenir sur un passé qu’il cherchait à oublier.

Sous prétexte de permettre le come back de Nicolas Cage, qu’on croyait à presque soixante ans définitivement retraité, on pouvait craindre le pire de Pig : un scénario à la John Wick ou à la Nobody mettant en scène un ancien tueur à gages rangé des voitures, obligé par un ultime défi de renouer avec un passé violent.
Il n’en est rien. Ou pas tout à fait. Car, dans sa vie antérieure, Rob était….. Je n’en dirai rien pour ne pas gâcher le suspense ; mais j’ai bien du mal à n’en rien dire si je veux en parler ! Disons que Rob exerçait un métier aussi éloigné de celui de John Wick que possible.

C’est peut-être ce décalage entre ce qu’on escomptait du film et ce qu’il raconte qui constitue la principale qualité et le principal défaut du film. Eût-il suivi la voie déjà toute tracée du dingue de la gâchette venu solder de vieux comptes (après la mort de sa femme/ le viol de sa fille et/ou le kidnapping de son cochon) en dézinguant à tire-larigot, il n’aurait pas présenté grand intérêt. Emprunte-t-il une voix, assez originale, quelque part entre Fight Club, Le Festin de Babette et First Cow (le non-western élégiaque de Kelly Reichardt), il risque d’égarer le spectateur.

Jamais content, me direz-vous ? Vous aurez bien raison !

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Oranges sanguines ★☆☆☆

L’espace d’une nuit, quelque part en France, à Paris ou en province, trois destins s’entrelacent. Un ministre corrompu et volage tente de démentir les accusations de fraude fiscale qui pèsent contre lui. Une jeune adolescente, après une visite chez sa gynécologue, a la ferme intention de perdre sa virginité. Un couple de retraités surendettés passionnés de danse de salon espère remporter le premier prix d’un concours pour se renflouer. Le point commun entre les trois histoires : Alexandre, un avocat qui travaille auprès du ministre, prendra la défense de la jeune adolescente et qui est le fils du couple de danseurs.

Oranges sanguines (un titre absurde dont rien ne permettra de comprendre la signification) est un ovni filmique. Sur la forme comme sur le fond.

Sur la forme, il entrelace trois histoires sans lien apparent entre elles, le lien qui se dessine finalement et que j’ai évoqué dans mon résumé ci-dessus se révélant très ténu sinon artificiel. Oranges sanguines vaut moins pour les histoires qu’il raconte que pour les scènes qu’il filme en longs plans fixes. Les premières sont les plus longues et les plus marquantes. C’est là qu’on voit apparaître les seconds rôles du film. Autour de Patrice Laffont, l’immortel animateur du jeu télévisé Des chiffres et des lettres, le jury d’un concours de danse se déchire. C’est l’occasion pour Vincent Dedienne de se lancer dans un vibrant éloge de la diversité et pour Guilaine Londez (son nom ne vous dira rien peut-être mais regardez sa photo et vous la reconnaîtrez immédiatement) de crier son amour pour l’art. Autre scène marquante aussi hilarante que sidérante : la consultation chez Blanche Gardin, une gynécologue passablement barrée qui, dans le langage le plus cru qui soit, donne à une adolescente des conseils déroutants avant son premier rapport.

Sur le fond, Oranges sanguines est une comédie noire et punk volontiers politique. La corruption des élites y est férocement dénoncée, à travers notamment le personnage d’avocat mielleux et amoral interprété par Denis Podalydès. La critique n’y va pas par quatre chemins. Etait-il absolument nécessaire qu’elle emprunte les voies radicales de la seconde partie du film, lorsque le ministre puis l’adolescente croisent le chemin d’un détraqué sexuel (sorte de Dutroux tout droit sorti de C’est arrivé près de chez vous) ? Deux scènes particulièrement trash vaudront au film une interdiction aux moins de douze ans. La seconde, aussi excessive soit-elle, est inspirée d’un fait divers. Pour autant, et même s’il n’est pas bégueule, partagé entre la stupéfaction et l’éclat de rire, le spectateur ne sait plus sur quel pied danser. Le sentiment qui le domine est celui d’être pris en otage devant une outrance certes bien faite mais dont le seul ressort est la provocation.

La bande-annonce