Michel-Ange ★☆☆☆

En 1512, Michel-Ange achève enfin la peinture du plafond de la chapelle Sixtine à laquelle il aura consacré quatre années de sa vie. Le pape Jules II, son mécène, lui a parallèlement demandé de réaliser son tombeau. Mais le pontife, membre de la puissante famille des Della Rovere, meurt l’année suivante avant l’achèvement de cette commande dont Michel-Ange ne pourra livrer que la sculpture du Moïse. Léon X, un Médicis, lui succède, qui exige de Michel-Ange qu’il se consacre à la façade de la basilique San Lorenzo à Florence. Le génial artiste, déchiré entre ses deux familles, part à Carrare à la recherche du meilleur marbre.

Le réalisateur russe Andreï Konchalovsky a quatre-vingt-ans passés. Il a connu tous les régimes, tous les cinémas, s’est marié cinq fois (sa dernière épouse, de trente-six ans sa cadette, fait un caméo dans Michel-Ange) et a eu six enfants. Cet ogre avait co-écrit il y a plus de cinquante ans le scénario d’Andreï Roublev avec Tarkovski. Il s’intéresse à nouveau à un artiste et à ses relations avec le pouvoir.

Le portrait qu’il dresse du sculpteur de Moïse et du peintre de la Chapelle Sixtine est contrasté. Bien entendu, l’homme voue sa vie à son art au point de tout lui sacrifier. Il n’a aucune vie privée – Konchalovsky n’évoque pas l’homosexualité aujourd’hui bien documentée de l’artiste. Mais, à rebours d’une présentation manichéenne qui l’opposerait, dans la pureté de sa création, au machiavélisme de ses mécènes, sa rouerie sinon sa duplicité ne sont pas cachées. S’il est certes la victime de l’affrontement à mort des Della Rovere et des Médicis, il sait lui aussi jouer de cette rivalité et se vendre au plus offrant en trahissant sans vergogne sa parole et en cachant une incroyable avarice derrière des protestations pas toujours convaincantes de frugalité.

Cette duplicité même rend le personnage peu attachant. Et elle le rend aussi paradoxalement assez pauvre. Car, une fois qu’on a compris que Michel-Ange, tel que le décrit Konchalovsky, était à la fois génial et cupide, les scènes censées se dérouler à Rome, à Florence et à Carrare deviennent vite répétitives sans éclairer l’exaltation créatrice du héros ni la puissance de ses réalisations.

La bande-annonce

Miss ★☆☆☆

Alexandre se cherche. La mort de ses parents pendant son enfance l’a laissé sans boussole. Sans travail, sans argent, il ne peut guère que s’appuyer sur l’amitié chaleureuse de ses colocataires : Lola, un vieux travelo philosophe (Thibault de Montalembert méconnaissable), Yolande (Isabelle Nanty), sa proprio soixante-huitarde…
Alexandre a depuis toujours un rêve : devenir Miss France. Seul problème : Alexandre est un homme.

Ruben Alves, le réalisateur franco-portugais de La Cage dorée, le succès surprise de 2013, a raté le coche. Il avait l’ambition de réussir un film grand public. Sans doute l’affiche manque-t-elle de stars pour attirer le chaland : un Jean-Pierre Rouve comme dans Les Tuche, un Omar Sy comme dans Intouchables, un Christian Clavier comme dans Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ?

Mais Miss peut compter sur une étonnante révélation : Alexandre Wetter, le mannequin androgyne qui vient de défiler pour Jean-Paul Gaultier, bon acteur et d’un charme fou. Son seul défaut : il est presque trop féminin, trop sexy, nimbé d’une féminité éclatante qui gomme le trouble que le thème de Miss aurait pu maintenir tout le long du film avec une héroïne plus masculine.

Le film aborde des sujets riches. La transidentité qui, décidément, est devenue un thème à la mode au cinéma depuis Laurence Anyways, Girl, Lola vers la mer … Le concours des Miss France, ses paillettes qui font rêver et ses stéréotypes qui font vomir : Little Miss Sunshine ou le méconnu film géorgien Keep Smiling sorti en 2013…

Hélas, il ne fait que les caresser.
Prisonnier d’un scénario trop politiquement correct, ponctué de rebondissements attendus et sans saveur, Miss s’englue bien vite dans la bien-pensance.

La bande-annonce

Adieu les cons ★★★★

Suze Trapet (Virginie Effira), la petite quarantaine, apprend qu’elle n’en a plus que pour quelques mois à vivre. Son dernier désir : retrouver le fils dont elle a accouché sous X quand elle avait quinze ans à peine. Un farfelu concours de circonstances la met en contact avec un informaticien dépressif (Albert Dupontel) et avec un archiviste aveugle (Nicolas Marié). L’improbable trio, poursuivi par la police, réussira-t-il à retrouver le fils de Suze ?

J’ai toujours adoré Albert Dupontel. Je me souviens de son premier film, Bernie en 1996 comme d’un Ovni dans le paysage cinématographique bien sage de l’époque. Une énergie folle s’en dégageait, un humour dévastateur, un regard volontiers provocateur sur les maux de nos sociétés. Cette marque de fabrique se retrouvait dans ses films suivants : Le Créateur en 1998, Enfermés dehors en 2005, Neuf mois ferme en 2009 avec Sandrine Kibertlain qui m’avait fait hurler de rire.

Dupontel a connu la consécration en 2017 avec l’adaptation de Au revoir là-haut, le Goncourt de Pierre Lemaître. Le réalisateur avait de l’or en main. Le film fut un immense succès critique et public, raflant cinq Césars dont celui du meilleur réalisateur.

Mais Au revoir là-haut est peut-être le moins dupontélien des films de Dupontel. Adieu les cons lui ressemble plus. Il retrouve la galopante énergie de Bernie et sait nous raconter une histoire qui nous arrache des larmes sans verser dans la mièvrerie.

Pourtant cette histoire, à y regarder de près, n’a ni queue ni tête. Elle est construite autour d’une accumulation de coïncidences toutes aussi peu crédibles les unes que les autres.

Ces incohérences n’enlèvent pourtant rien au plaisir qu’on prend à suivre les personnages. Il faut dire que le trio d’acteurs est incroyable. Virginie Effira n’a jamais été aussi jolie ni aussi émouvante. Albert Dupontel donnerait presqu’envie de tomber dépressif et de se mettre à l’encodage. Quant à Nicolas Marié, il introduit avec son personnage d’aveugle clairvoyant, habillé comme le Joker de Batman, la touche de folie qui achève de faire basculer le film dans la pure BD.

Ajoutons des décors entièrement artificiels qui tournent le dos au naturalisme et donnent à Adieu les Cons un parfum de Brazil, la référence revendiquée de Dupontel. Le cocktail est parfait.

La bande-annonce

L’Ordre moral ★☆☆☆

Maria Adelaïde Coelho da Cunha est une femme qui aspire à la liberté dans une société qui la lui refuse. Riche héritière d’un journal lisboète, elle est mariée à un homme qui la trompe éhontément. Elle s’évade en montant, avec quelques amies, des pièces de théâtre qu’elle joue en petit comité faute d’avoir embrassé la carrière de comédienne que son statut, dans le Portugal du début du vingtième siècle, lui interdit. Mais, quand les infidélités de son volage époux achèvent de l’humilier, elle s’enfuit avec son chauffeur.

Mario Barroso est né en 1947. Venu sur le tard à la réalisation, il fut notamment le chef opérateur de Manoel de Oliveira et de João César Monteiro. L’Ordre moral est un film très académique qui rappelle les œuvres en costume de ces deux grands maîtres du cinéma portugais. On y reconnaît d’ailleurs, dans le rôle du mari de l’héroïne, Marcello Urgeghe, qui est familier de ce cinéma-là (Les Lignes de Wellington, Les Mystères de Lisbonne…)

L’Ordre moral est porté par Maria de Medeiros. La brunette piquante qui tourna si longtemps en France et aux États-Unis (Henry et June, Pulp Fiction…) a pris de l’âge. Elle est devenue une diva, une figure tutélaire du cinéma et du théâtre portugais.

Le rôle qu’elle interprète ici est édifiant. Trop peut-être. Comment ne pas être séduit par l’intelligence et par le talent de Marie Adelaide ? Comment ne pas être révolté par le sort que lui réserve une société patriarcale qui la dépossèdera de ses biens, qui la fera interner pour mieux la bâillonner ? On se sent pris au piège d’une empathie obligée pour ce personnage qui semble résumer, jusqu’à la caricature, des siècles d’oppression masculiniste.

La bande-annonce

Autonomes ★☆☆☆

Peut-on être « autonome » aujourd’hui ? François Bégaudeau est allé filmer en Mayenne des individus ou des groupes marginaux et conscients de l’être : un couple d’éleveurs d’agneaux, des sourciers, un magnétiseur qui dilate le cul des vaches, une bande de potes qui a créé une ferme bio, une ancienne banquière qui dirige un café associatif, un chaman qui rassemble ses disciples dans une hutte à sudation, des moniales qui produisent des cierges artisanaux….

Le meilleur du film est son dossier de presse. François Bégaudeau, touche-à-touche ébouriffant, joueur de foot reconverti à l’écriture, aussi à l’aise devant que derrière la caméra, propulsé en 2008 par le succès critique et public de Entre les murs, y explique sa démarche.

Il est allé filmer des marginaux en Mayenne, dans une terre de marche, à la frontière de la Bretagne (Aurélien Bellanger avait choisi pour les mêmes motifs ce département pour cadre de son roman L’Aménagement du territoire).

Il ne s’intéresse pas aux « bourrus », ces bourgeois ruraux (le néologisme est censé faire écho aux « bobos »), qui ont fait le choix de quitter la ville pour la campagne. Les personnes qu’il croise ont opté pour ce choix de vie radical et autosuffisant sous la contrainte. Ils ne pouvaient plus vivre en ville. Ils ne le pouvaient plus matériellement à cause du prix exorbitant des loyers. Ils ne le pouvaient plus physiquement, épuisés par le stress, la pollution, la fatigue. Pour eux, s’installer à la campagne était une question de survie.

Mais survivre à la campagne n’est pas simple. Avec beaucoup d’intelligence, avec beaucoup de modestie, ces néo-ruraux inventent un nouveau mode de vie auto-suffisant, respectueux du biotope, solidaire, sinon solitaire. Chacun insiste d’ailleurs sur la nécessité des interactions sociales, utiles à la fois à la survie physique (faire du troc avec ses voisins permet d’obtenir les denrées qu’on ne produit pas) et mentale.

Autonomes s’inscrit dans la veine de toute une série de documentaires français et étrangers qui interroge les possibilités d’une alternative à nos modes de vie jugés écocides : 2040 de Damon Gameau, Demain de Cyril Dion, Tout s’accélère de Gilles Vernet…

Un seul caractère fait exception. C’est Camille, un homme des bois à la longue barbe rousse, qui pose des collets, vole des œufs et tire des faisans avec sa vieille pétoire. C’est seulement à la toute fin du générique qu’on découvre que ce personnage, interprété par l’acteur Alexandre Constant, est fictionnel. On se sent un peu floué par la supercherie et on mégote du coup son soutien à une démarche qui jusque là nous avait convaincus.

La bande-annonce

Drunk ★★★☆

Quatre enseignants danois décident de combattre leur crise de la quarantaine en s’alcoolisant. Dans un premier temps, le résultat est efficace : les inhibitions sautent, la vie devient plus gaie. mais à la longue, l’alcoolisation devient dangereuse.

La bande-annonce de Drunk m’a mis l’eau à la bouche. Quel plaisir de retrouver Thomas Vinterberg, le réalisateur de l’inoubliable Festen, dont l’aura a été injustement éclipsée par celle, un peu de trop envahissante de son iconoclaste compatriote Lars Von Trier ! Et quel plaisir de le retrouver, au moment même où le couvre-feu nous tombe dessus, dans un film qui se présente comme une ode joyeuse à la fête !

Mais le problème est que le pitch de Drunk fait long feu. Comme promis dans la bande-annonce et dans mon résumé, il comprend une thèse, une antithèse…. avant l’inévitable synthèse.
La thèse : l’alcool rend gai. C’est l’occasion de quelques scènes souvent drôles où les inhibitions dans lesquelles ces quatre quarantenaires étaient englués disparaissent. Le professeur d’histoire devient soudain populaire en évoquant l’ivrognerie de Churchill – et la sobriété de Hitler. L’époux bonnet-de-nuit redevient un amant fougueux. C’est encore l’occasion de quelques scènes pas moins drôles que les précédentes où l’on voit ces quatre même quadragénaires, complètement pafs, violer allègrement les règles de la décence publique qu’ils avaient jusqu’alors bourgeoisement respectées.
L’antithèse : l’alcool rend triste. Mais bien vite (trop vite ?), l’accoutumance produit des effets délétères. L’éthylisme des quatre professeurs ne peut plus être caché, ni dans leurs familles, ni à leur travail. L’un d’eux dépassera même les limites.
Enfin viendra l’inévitable synthèse, dans une scène finale, sagement transgressive – si l’on m’autorise l’oxymore – dont on redoute un instant que n’y soient ajoutés en surimpression les mots « Consommer avec modération ».

Cette organisation ternaire évite certes à Vinterberg les deux critiques symétriques de l’incitation à l’ivrognerie ou du moralisme prohibitionniste. Mais elle ne le sauve pas pour autant d’une certaine facilité d’écriture qui prive le film du sel qu’on espérait y trouver.

Pourquoi alors lui donner trois étoiles ? Parce que Drunk est néanmoins le meilleur film du moment, dans une programmation bien pauvre qui ne brille pas par sa qualité. Parce que Madds Mikelsen devient de plus en plus sexy en vieillissant. Et parce que je n’arrive pas à m’enlever de la tête la musique incroyablement joyeuse de la bande-annonce. (What A Life de Scarlet Pleasure)

La bande-annonce

Maternal ★★☆☆

Paola, une jeune moniale italienne, arrive dans la banlieue de Buenos Aires pour travailler dans un foyer religieux qui accueille des adolescentes et leurs bébés. Parmi celles ci, Luciana et Fatima présentent deux profils bien différents. Luciana, volontiers rebelle, est dans le conflit permanent avec les bonnes sœurs. Fatima au contraire, plus introvertie, accepte sans s’en plaindre les règles du foyer.
Quand Luciana disparaît, laissant derrière elle sa petite fille de quatre ans, sœur Paola assure la garde de l’enfant et développe des sentiments très forts qui entrent en conflit avec sa vocation religieuse.

Maternal est le titre anglais choisi par les distributeurs français d’un film italien tourné en Argentine dont le titre espagnol original, « Hogar », désigne le foyer entre les quatre murs duquel ses personnages sont cloîtrés. Son action se déroule dans un pays dont on sait, si on a vu l’été dernier le documentaire Femmes d’Argentine, qu’il n’autorise pas l’IVG et où, par conséquent, les filles-mères sont nombreuses, dans une situations sociale souvent fragile.

La jeune réalisatrice italienne avait enseigné dans de telles institutions. Son expérience lui a inspiré ce film qui flirte parfois avec le documentaire. Deux univers y sont confrontés : d’un côté celui des religieuses, toutes très âgées à l’exception de Paola, toutes d’une angélique patience dont on ne sait si elle résulte de leur immense bonté intérieure ou de leur lassitude éprouvée face à l’ingratitude du monde. De l’autre côté, des adolescentes chahuteuses propulsées trop tôt dans un rôle de mère qu’elles ne sont guère capables d’assumer.

Maternal interroge la maternité, comment des jeunes femmes tombées enceintes sans l’avoir voulu parviennent à l’accepter, comment des religieuses doivent y renoncer après leurs vœux. Le film, tout en silence et en non-dits, ne verse jamais dans le manichéisme ni dans le moralisme. Il réussit à nous toucher ; mais sa pudeur peut-être excessive bride l’émotion qu’on aurait aimé laisser couler plus intensément.

La bande-annonce

Les héros ne meurent jamais ★☆☆☆

Après qu’un clochard parisien croit reconnaître en lui un soldat serbe mort le 21 août 1983, Joachim (Jonathan Couzinié), né précisément ce jour-là, persuadé d’en être la réincarnation part en Bosnie sur les traces du défunt. Dans son combi VW l’accompagnent une amie réalisatrice (Adèle Haenel), décidée à faire de cette histoire un documentaire, une preneuse de son Atonia Buresi) et un cadreur.

Les héros ne meurent jamais est un drôle de film à défaut d’être un film toujours très drôle. Il repose sur une base particulièrement saugrenue à la limite du fantastique : qui pourrait porter foi à cette histoire de réincarnation ? Mais il prend vite un tour plus réaliste. Il s’agit d’abord de filmer la joyeuse équipée de quatre Français en Bosnie – sur le même ton que celui du globe-trotteur Antoine de Maximy perdu en Roumanie dans J’irai mourir dans les Carpates. Mais le film, flirtant avec le documentaire, capte aussi les déchirements d’une nation qui peine à cicatriser ses blessures. Enfin, se recentrant sur son personnage principal, il fait le portrait d’un homme perdu, obsédé par une impossible quête.

Ces quatre focales sont un peu trop nombreuses pour ne pas brouiller la vision et surcharger la barque. C’est dommage. Car ce film était spontanément sympathique à l’image de ses deux acteurs principaux : Jonathan Couzinié, beau comme un ange, et Adèle Haenel qui a décidément, devant la caméra ou à la cérémonie des Césars, un sacré abattage.

La bande-annonce

La Première Marche ★★☆☆

Quatre étudiants, Youssef, Yacine, Annabelle et Luca, membres de l’association Saint-Denis ville au cœur, ont décidé d’organiser en juin 2019 la première marche des fiertés en banlieue. Les deux co-réalisateurs les ont suivis dans la préparation de cet événement.

Voilà un documentaire sympathique avec un titre intelligent.
La « première marche » est d’abord la première Gay Pride en banlieue, dans un environnement pas franchement favorable. C’est pour lutter contre l’homophobie, mais aussi pour détruire les préjugés tenaces qui font des banlieues défavorisées un terreau de l’homophobie que cette marche a été organisée.
Mais la « première marche » désigne allégoriquement l’entrée en militantisme de ces quatre jeunes gens, dont les deux jeunes co-réalisateurs – dont c’est aussi le premier long métrage – filment non sans empathie les interrogations et les maladresses.

Des maladresses, ces quatre jeunes gender fluid en commettent, qui bafouillent durant les interviews et qui lestent leurs propos trop bavards de références pachydermiques et pas toujours bien digérées à la sociologie bourdieusienne, au post-colonialisme de Spyvak ou aux théories queer de Judith Butler. Mais ils sont tellement sympathiques, tellement enthousiastes qu’on leur pardonne les yeux fermés leurs erreurs de jeunesse.

Le plus charismatique des quatre est Youssef, homosexuel revendiqué d’origine marocaine façon La Cage aux folles. Il a retenu l’attention des deux réalisateurs au point de faire bifurquer le documentaire qui est sur le point d’abandonner son sujet pour lui consacrer un portrait. il faut dire que le personnage est solaire avec ses mimiques volontairement outrées et son enthousiasme incandescent.

D’une durée d’une heure quatre seulement, qui le fait flirter avec les formats TV, d’une diffusion confidentielle (deux écrans en région parisienne), La Première Marche se condamne à l’invisibilité. Dommage…

La bande-annonce

Kajillionaire ★★☆☆

Old Dolio (Evan Rachel Wood) a vingt-six ans. Renfermée sur elle-même, cachée derrière ses immenses cheveux blonds, perdue dans un survêtement trop grand pour elle, Old Dolio est la fille unique d’un couple de vieux marginaux qu’elle n’a jamais quittés. Le trio vit à Los Angeles misérablement, dans un local insalubre dont il peine à régler le loyer, de menus larcins, d’arnaques minables, d’économies de bouts de chandelle. Cet équilibre précaire va céder avec l’apparition de Mélanie (Gina Rodriguez), une jeune et jolie Portoricaine.

Artiste touche-à-tout, Miranda July s’était fait connaître en 2005 par un premier film ébouriffant, Moi, toi et tous les autres, immédiatement récompensé à Cannes par la Caméra d’or et par le Grand Prix de la semaine de la critique. Depuis, plus rien, sinon un deuxième long en 2011 passé inaperçu.

L’annonce de son troisième film avait de quoi faire saliver d’autant que la bande-annonce était particulièrement excitante. On y retrouvait Evan Rachel Wood, l’une des actrices les plus prometteuses et les plus jolies de Hollywood, méconnaissable dans un rôle de quasi-autiste. On reconnaissait Richard Jenkins – que je confonds systématiquement avec Bill Murray – et Debra Winger – l’une des stars montantes des années quatre-vingts qui disparut à quarante ans de l’écran pour n’y revenir que très sporadiquement. Et surtout, on était intrigué par cette histoire d’arnaqueurs foutraquement dysfonctionnels.

Dans quelle direction le film nous entraînerait-il ? Une fable surréaliste sur l’incommunicabilité de nos sociétés contemporaines ? Une arnaque méticuleusement huilée orchestrée par un trio rompu à ce genre de pratiques ? Un drame familial ?

On comprendra progressivement que Kajillionaire (un anglicisme tintinnabulant désignant des multi-milliardaires dont je n’ai toujours pas saisi le rapport avec le sujet du film) est un récit d’émancipation. Il raconte comment, au contact de Mélanie, Old Dolio réussit à se séparer de ses parents, à rompre une relation toxique et à trouver sa propre voie.

En résumant le film ainsi, j’en éclaire le sens. J’en réduit aussi peut-être la valeur. Non qu’il s’agisse d’un spoiler à proprement parler. Mais, une fois que le film est sur ses rails, il perd une grande partie de son intérêt. Certes, il aura mis une bonne demie heure pour y parvenir. Pendant tout ce premier tiers, avant l’apparition du personnage de Mélanie, on se familiarise lentement avec ce trio particulièrement déconcertant. C’est la meilleure partie du film qui remplit les promesses de sa bande annonce.

Mais l’apparition de Mélanie, un personnage presque normal, plein de vie et de sensualité, en modifie le ton et le sens. Le film perd le côté un peu branque que lui donnait son trio de marginaux. Il prend une direction qui ne réserve guère de surprise, même si la scène finale, reconnaissons-le, est particulièrement réussie.

Du coup, je suis sorti de la salle partagé. D’un côté séduit par ce trio original, à mille lieux de l’image idyllique que Hollywood renvoie usuellement de la famille nucléaire. De l’autre pas vraiment convaincu par la façon trop prévisible dont son héroïne saura s’affranchir de l’emprise toxique de ses parents.

La bande-annonce