La Tête haute ★★★☆

Bouleversant… mais…

On ne pourra qu’être bouleversé par La tête haute, un film qui décrit avec une justesse exceptionnelle l’adolescence tourmentée de Malony qu’un éducateur (Benoît Magimel) et une juge pour enfants (Catherine Deneuve) cherchent à sauver de sa violence auto-destructrice.
Remarquablement interprété, le film d’Emmanuelle Bercot qui a fait l’ouverture de Cannes en 2015 contient des scènes splendides : la rupture brutale avec son premier éducateur, sa découverte maladroite de la sexualité…

Pourtant, à la réflexion, on peut se demander si la réalisatrice ne rate pas sa cible qui, en trop voulant nous montrer comment la société doit traiter ses éléments les plus fragiles, ne finit pas par nous en désespérer.

Frôlant parfois l’exposé didactique, le film expose les différentes formules expérimentées pour aider Malony : CER, CEF, contrôle judiciaire, établissement pénitentiaire… La réalisatrice cite à deux reprises le prix élevé de ces processus d’accompagnement coûteux. Le pompon est décroché avec une séance de sophrologie proposée aux jeunes en difficulté pour se réconcilier avec leur corps.

Ce n’est pas Malony qui se bat contre la société (comme Rosetta le faisait dans le film des frères Dardenne) mais la société qui se bat coûteusement pour lui. Et elle est bien mal payée en retour tant Malony refuse de saisir la main qui lui est tendue jusqu’à un happy end d’autant plus décevant que la principale qualité du film est son âpreté.

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Une femme douce ★★☆☆

Dans la Russie, de nos jours, une femme décide de se rendre dans la prison où son mari est détenu pour lui remettre en mains propres son colis qui lui a été retourné. Après un long voyage en bus, en train puis en taxi, elle se heurte à une administration déshumanisée et corrompue.

Le nom de l’héroïne de Une femme douce ne sera jamais prononcé. Son anonymat, on l’aura compris, est tout un symbole. Dans la Russie post-soviétique, les individualités sont broyées. Est-ce un trait strictement contemporain ? Pas si sûr. Une femme douce est une adaptation – très libre – d’une nouvelle de Dostoïevski qui avait déjà en son temps inspiré Robert Bresson.

Le réalisateur ukrainien Sergeï Loznitsa instruit le procès à charge d’un pays rude. Son héroïne a beau s’entêter à vouloir délivrer son colis, rien n’y fait. Elle se heurte partout aux mêmes refus, motivés par l’application tatillonne d’un règlement imbécile (dans un bureau de poste, dans une prison), par l’esprit de lucre (au poste de police, dans la mafia) ou tout simplement par la vulgarité humaine (chez une troupe de fêtards abrutis par l’alcool). C’est avec un même insuccès qu’elle se tourne vers une association de défense des droits de l’homme dont la responsable, dans un long monologue bouleversant, lui fait la confession de son impuissance. On se doute que sa quête sera vaine. On attend que l’héroïne, muré dans un silence buté, explose de colère ou se brise de chagrin.

La force du réquisitoire vient précisément de cet effet de répétition. Mais cet effet de répétition constitue aussi la principale faiblesse du film qui s’étire pendant plus de deux longues heures. La monotonie est rompue dans le dernier quart du film qui se clôt par une longue scène d’un tout autre genre. Son onirisme emprunte à Fellini et à Lynch. Elle ne m’a pas convaincu. Surtout que le dernier plan qui la suit immédiatement et par lequel se conclut le film est d’un symbolisme pesant.

Quitte à dénoncer la Russie contemporaine, je recommande d’autres films plus efficaces : L’Idiot! (2015) de Yuri Bykov, Classe à part de Ivan Tverdovsky et, le meilleur d’entre tous, l’extraordinaire Leviathan (2014) d’Andrey Zvyagintsev – dont on attend avec impatience le prochain film le 20 septembre.

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Peggy Guggenheim ★★☆☆

Peggy Guggenheim (1898-1979) fut une grande mécène. Elle fit connaître certains des plus grands artistes du vingtième siècle, tels Pollock ou Rothko. Elle s’est installée à Venise et y a fondé une musée.

Quelle personnalité ébouriffante ! Elle est née dans l’une des familles les plus riches d’Amérique. Mais à sa mort – il périt sur le Titanic après avoir cédé son gilet de sauvetage – la situation financière de son père s’est dégradée. Peggy Guggenheim n’est donc pas immensément riche comme la légende le colporte ; mais elle est suffisamment fortunée pour choisir de mener sa vie comme elle l’entend.

Elle arrive à Paris en 1921. La capitale française est à l’époque en pleine ébullition artistique. C’est dans les milieux littéraires qu’elle évolue d’abord, croisant Gertrude Stein, Ezra Pound, James Joyce. Grâce à Cocteau, elle découvre l’art moderne et le surréalisme. Elle ouvre à Londres en 1938 une galerie d’art qui remporte immédiatement un vif succès.

Elle est à Paris pendant la drôle de guerre. Elle y multiplie les acquisitions à des prix dérisoires. Elle parvient à envoyer sa collection aux États-Unis où elle retourne en 1941 avec Max Ernst, qu’elle épousera sans l’aimer. En 1942, elle ouvre à New York une galerie où elle expose la nouvelle génération d’artistes américains. Puis c’est l’installation à Venise et l’ouverture de son musée en 1952.

Lisa Immordino Vreeland a eu accès à des sources inédites : les enregistrements des discussions entre Peggy Guggenheim et sa biographe. On y entend la voix chevrotante de l’excentrique mécène au crépuscule de sa vie. On y découvre une femme paradoxale : riche mais radine, plutôt laide (elle était affublée d’un nez disgracieux qu’une opération ratée de chirurgie esthétique avait rendu plus laid encore) mais croqueuse d’hommes, sans éducation artistique mais ayant pris soin de s’attacher les conseils des critiques les plus aiguisés.

Platement chronologique, émaillé d’interviews sans originalité, Peggy Guggenheim – La Collectionneuse a le défaut d’être trop sage pour décrire une personnalité qui ne l’était pas.

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On The Milky Road ★★☆☆

Quelque part en Yougoslavie au milieu des années 90. La guerre fait rage. Kosta (Emir Kusturica himself), un peu poète, un peu musicien, traverse chaque jour la ligne de front sur son âne, au péril des balles perdues et des serpents, pour aller livrer le lait. Milena attend pour l’épouser le retour de son frère qui doit se marier avec une réfugiée, mi-Serbe mi-Italienne. Mais l’horreur de la guerre rattrapera les amoureux.

Les oies cacardent, les poules caquettent, les soldats boivent, les gitans chantent, les femmes dansent. Dès la première scène, le doute n’est plus permis : Kusturica est de retour. Il revisite les mêmes situations, les mêmes personnages, les mêmes fantasmes. Depuis Underground (1995), Chat noir chat blanc (1998), La Vie est un miracle (2004), il tourne le même film. La critique, sévère, n’a pas manqué de lui en faire le reproche : « Où en est aujourd’hui le cinéma d’Emir Kusturica ? À un état de folklorisation avancée, si l’on en croit son dernier long-métrage, On the Milky Road, fable poussive sur l’amour en temps de guerre. » (Le Monde) « Tout semble ici si kitsch, fatigué, faux et forcé qu’il semble peu probable que Kusturica nous inflige à nouveau ce genre de mascarade sans révéler, sous le vernis décati de ses atroces visions numériques, l’obscénité idéologique de ce cinéma. » (Les Cahiers du cinéma)

Une telle salve me donne envie de saluer le verre à moitié plein plutôt que de railler l’à moitié vide. Certes, on ne comprend pas grand chose à cette histoire embrouillée. Mais Kusturica ne s’est jamais soucié de raconter des histoires. Certes Monica Bellucci et Emir Kusturica jouent comme des pelles ; mais la direction d’acteurs n’a jamais été le point fort du réalisateur multi-palmé. Son génie n’est pas là. Il est dans des scènes d’un onirisme débridé : une horloge qui tourne à l’envers, des amants qui s’envolent, une masure au bord d’un lac, des moutons qui sautent sur un champ de mines… Sans doute, cet onirisme-là a un goût de déjà-vu. On the Milky Road ne produit plus en 2017 l’effet de tourbillonnant chamboulement qu’avait causé Underground vingt ans plus tôt. Mais faut-il reprocher à un artiste de creuser son sillon ? Reproche-t-on à Bach ses fugues ou à Monet ses nymphéas ?

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Les Proies ★★☆☆

Pendant la guerre de Sécession, un soldat gravement blessé de l’Union est recueilli, le temps de sa convalescence, dans un pensionnat de jeunes filles de la bonne société sudiste. Mais sa présence déstabilisante va en rompre le fragile équilibre.

Récompensé à Cannes par le prix de la mise en scène, le film de Sofia Coppola est l’adaptation d’un roman écrit en 1966 qu’avait déjà adapté en 1971 Don Siegel. Clint Eastwood y jouait le rôle principal.

L’adaptation de Sofia Coppola renverse les perspectives au point d’en trahir l’économie. Les proies – au pluriel –  évoquées par le titre sont les femmes que Clint Eastwood bouleverse, séduit et manipule. Dans le film de Sofia Coppola, c’est Colin Farrell qui devient la proie de la concupiscence jalouse des trois femmes qui occupent seules la tête d’affiche. Une affiche où leurs ressemblances (mêmes robes blanches, mêmes ports altiers) ne cachent pas leurs divergences – le regard face caméra de Kirsten Dunst, celui en coin de Elle Fanning et celui tourné vers le bas de Nicole Kidman.

Chacune à leurs façons, elles ont décidé de mettre la main sur le soldat convalescent. Alicia (Elle Fanning) est la plus délurée, qui l’embrasse le premier. Edwina (Kirsten Dunst) est la plus sincère qui croit en ses promesses de mariage. Martha (Nicole Kidman) est la plus retorse qui sent se ranimer un feu qu’elle croyait éteint.

Sofia Coppola réussit à merveille à filmer ce huis clos haletant. Depuis Virgin Suicides, en passant par Lost in Translation ou Marie-Antoinette, elle n’a pas son pareil pour filmer les femmes et, plus encore, pour filmer les hommes vus par le regard des femmes. Elle y parvient à la perfection en filmant le ballet qui s’organise autour du salon de musique où a été installé le caporal convalescent. Sa toilette, les soins qui lui sont prodigués sont l’occasion de scènes d’une ruisselante sensualité. On est toujours à deux doigts du vaudeville – comme certains rires dans la salle le laissent craindre – sans jamais y tomber.

Le problème du film est dans son scénario qui se réduit à la situation qu’il pose : un soldat blessé exsudant de virilité et une ruche de jeunes femmes contenant difficilement leurs bouffées de désirs. Aux deux tiers du film, un événement vient briser la monotonie du quotidien dans laquelle l’intrigue menaçait de s’enliser. Mais loin de la relancer, ce rebondissement l’enferme dans une logique dont la conclusion, implacable, tombe trop vite.

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Made in France ★☆☆☆

Un journaliste d’investigation décide d’intégrer un groupe de jeunes salafistes. Les choses se corsent quand ils décident de fomenter un attentat.

Made in France est un film maudit. Sa sortie est une première fois repoussée par les attentats de janvier 2015. Elle est fixée au mercredi 18 novembre 2015. Son affiche, dévoilée le 12 novembre, fait polémique. Elle sera prestement retirée du métro au lendemain des attentats du Stade de France et du Bataclan et la sortie du film une seconde fois repoussée. Finalement Made in France ne trouvera jamais le chemin des salles et sortira directement en DVD.

Avec un don presque prophétique, Made in France documente la dérive meurtrière d’un groupe de jeunes. Comme le soutient Olivier Roy, leur nihilisme générationnel et révolutionnaire précède leur djihadisme. Driss est un voyou que ses petits trafics ont conduit en prison ; Sidi un Renoi qui étouffe dans un HLM sans âme ; Christophe un rejeton bon teint d’une famille BCBG. Celui qui mettra le feu aux poudres, c’est Hassan, un camarade de détention de Driss, qui ne parle même pas l’arabe mais qui est allé un mois au Pakistan et en est revenu avec des projets délirants.

Le problème de Made in France est la modicité de ses moyens et l’indigence de son scénario.
Un budget si riquiqui que les rares scènes d’action prennent vite l’allure des pires téléfilms.
Un scénario centré autour d’un journaliste infiltré qui n’est guère crédible.

J’ai beaucoup aimé la conclusion du film qui révèle la mythomanie, les pouvoirs autodestructeurs et, tout bien considéré, l’innocuité de ces Pieds Nickelés nihilistes. Message difficile à entendre au lendemain de l’hécatombe du Bataclan.
Mais je conseille plutôt à ceux qui aimeraient comprendre les ressorts du terrorisme djihadiste né dans les banlieues le remarquable La Désintégration de Philippe Faucon (2011).

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Une vie violente ★☆☆☆

Stéphane est un jeune militant de la cause nationaliste corse qui a dû quitter l’île sous les menaces de mort d’une faction rivale. Il y revient au risque de sa vie à l’occasion de l’enterrement d’un compagnon de lutte.

J’attendais beaucoup du deuxième film de Thierry de Peretti présenté à la Semaine de la Critique de Cannes le printemps dernier. J’avais aimé son premier film, Les Apaches sorti en 2013, qui en racontant l’histoire de quelques adolescents chassant l’ennui de l’été en squattant la riche demeure d’un vacancier donnait une image de la Corse à mille lieues des clichés de carte postale.

Une vie violente affichait plus d’ambition encore : raconter de l’intérieur l’histoire de la lutte nationaliste. Une version corse de Buongiorno notte, le classique de Marco Bellocchio qui documentait à travers les yeux d’une terroriste les années de plomb en Italie, ou de Nos meilleures années, la saga de Marco Tullio Giordana.

Il n’y parvient qu’à moitié. Les luttes intestines du mouvement nationaliste resteront bien opaques au spectateur néophyte. Moi qui connais mal la Corse n’ai pas compris grand-chose aux divergences qui opposaient les nationalistes historiques aux jeunes qui ont contesté ses dérives mafieuses.

À défaut de nous faire comprendre les enjeux du conflit corse, Thierry de Peretti avait l’ambition de réaliser un grand film sur l’engagement militant et ses inévitables compromissions – comme Dostoïevski dans Les Possédés que lit, avec un brin d’ostentation, le héros. Là encore, le pari n’est qu’à moitié réussi. Car on n’est jamais touché par les personnages – trop nombreux  et qui, du coup, peinent à prendre chair – ou par les situations – trop chaotiques et qui, du coup, n’émeuvent jamais. Une seule scène prend à la gorge : l’assassinat de sang froid de deux militants, tués à bout portant puis brûlés vifs dans leur automobile sous les yeux impuissants des journaliers qui travaillent dans les exploitations de la plaine agricole.

Loin de convaincre, les paysages corses, l’accent traînant des personnages, leurs tirades amphigouriques sur la grandeur de la cause nationaliste finissent par produire l’effet inverse de celui escompté : un décor artificiel de carte postale.

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Atomic Blonde ★☆☆☆

Atomic Blonde a construit sa publicité autour d’arguments dont on peut s’étonner qu’ils n’aient pas suscité le légitime déchaînement des organisations féministes : les cuissardes sexy de Charlize Theron, sa perruque blonde platine et son gros pistolet. Le plan marketing était simple sinon simpliste : un Jason Bourne au féminin, un Lucy au pays des Espions

Pour ce faire, Hollywood adapte un « roman graphique » (on disait jadis « bande dessinée ») de Anthony Johnston intitulé « The Coldest City ». Sans barguigner, on le débaptise : Atomic Blonde sera plus vendeur.

Son action se déroule à Berlin dans les jours qui précèdent la chute du Mur. C’est la meilleure idée du film. C’est à peu près la seule. La reconstitution ne prétend pas à la réalité historique. Mais la réalisation n’a pas lésiné sur les moyens. Et le résultat est payant. Le meilleur : la B.O. qui reprend toutes les scies – même les plus démodées – de l’époque : The Cure, Nena, David Bowie, Depeche Mode, George Michael et même l’iconique Der Kommissar de Falco.

Quant au reste, qu’en dire ? Qu’on n’y a pas compris grand-chose. On se demande si les scénaristes ont cherché à nous perdre dans une intrigue trop confuse – ce à quoi ils ont parfaitement réussi – ou s’ils se sont maladroitement essayé à copier les intrigues à double fon de John Le Carré – les couleurs désaturées des scènes d’interrogatoire rappellent la palette graphique de La Taupe.

Manifestement l’essentiel n’est pas là. Revenons à l’argument de vente du film : Charlize Theron. Elle est de tous les plans. Sans doublage comme le prétend le dossier de presse – et comme on peine à la croire – elle abat une sacrée besogne – et beaucoup d’ennemis. Un plan séquence époustouflant d’une bonne dizaine de minutes dans une cage d’escalier berlinois ne suffit toutefois pas à nous réveiller. Car chaque scène semble être la répétition de la précédente : Charlize arrive en robe de soirée et talons aiguilles ; elle rencontre un méchant patibulaire ; elle le défait au terme d’un combat aussi bref que brutal.

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Lumières d’été ★☆☆☆

Akihiro est un réalisateur japonais venu tourner à Hiroshima pour la télévision française un documentaire à l’occasion du soixantième-anniversaire de l’explosion de la bombe atomique. Après l’interview particulièrement éprouvante d’une survivante, il se promène dans la ville et y rencontre une jeune fille au charme surannée. Elle l’entraîne dans une longue errance jusqu’au bord de la mer où leurs pas croisent ceux d’un vieil homme et de son petit fils.

Quelles traces laisse un événement historique aussi dramatique que la première explosion atomique et sa centaine de milliers de victimes ? Nous condamne-t-il à un révérencieux devoir de mémoire ? Nous autorise-t-il à continuer à vivre ? Autant de questions profondes que prend à bras-le-corps le documentariste français Jean-Gabriel Périot. Il aurait pu le faire sous la forme d’un documentaire – à l’instar du chercheur Barthélémy Courmont qui, dans son autobiographie Mémoires d’un champignon (Lemieux Editeur, 2016) raconte le traumatisme qu’il a subi à l’occasion de sa visite dans la ville martyre et l’effet déterminant qu’il eut sur sa carrière universitaire. L’auteur du très réussi Une jeunesse allemande aurait pu installer sa caméra outre-Rhin, à Auschwitz ou à Berlin.

Il choisit l’exotisme radical de l’archipel nippon. Et il a la bonne idée, pour nous faire sentir cette distance radicale, de donner à un acteur japonais parfaitement francophone le premier rôle.

La première séquence du film est particulièrement éprouvante. Elle ne dure pas moins d’une vingtaine de minutes. C’est une longue interview d’une Hibakusha, une survivante de l’apocalypse nucléaire. Quand le réalisateur sort de la salle d’enregistrement et se promène dans le parc ensoleillé construit en plein centre ville sous l’épicentre de l’explosion, le spectateur et lui retrouvent une respiration régulière. Et la longue balade qu’il effectue en galante compagnie constitue une parenthèse enchantée. On pense à Rohmer ou à Ozu. Au Conte d’été du premier pour le raffinement un peu snob des dialogues. Au Dernier caprice du second pour la réunion familiale décrite dans le dernier tiers du film.

On comprend des deux films que compte Lumières d’été – le témoignage poignant de la survivante, la longue balade en bord de mer du documentariste – que leur juxtaposition est précisément son sujet : la vie, toujours, continue. Mais cette juxtaposition aurait gagné à être plus travaillée. Car passée l’émotion suscitée par le témoignage de cette vieille femme courageuse, on se laisse lentement amollir dans une promenade languissante dont on perd de vue le lien qu’elle est censée entretenir avec la première séquence du film.

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Lola pater ★☆☆☆

À la mort de sa mère, le jeune Zino part à la recherche de son père pour régler la succession. Il découvre bientôt que celui-ci a changé de sexe et se dénomme désormais Lola.

À la différence des précédents films de Nadir Moknèche, qui se caractérisaient par leur subtilité et leur sensibilité (Le Harem de Madame Osmane, Viva Ladjérie, Délice Paloma), Lola Pater est lesté de plusieurs défauts rédhibitoires.

Le premier est de reposer sur un faux suspense. Qu’est devenu Farid, le père de Zino ? Le titre du film, son affiche, les interviews donnés par Fanny Ardant ne le cachent pas. Son fils est manifestement le seul à l’ignorer. Sa quête en est d’autant moins intéressante puisqu’on sait sur quoi elle débouchera. On est bien loin du coup de théâtre de The Crying Game.

Le deuxième est précisément l’issue de cette quête. On se doute que Zino découvrira le pot aux roses. On se doute, lorsqu’il s’en rendra compte à la quarantième minute du film, que sa réaction sera violente – si elle ne l’était pas, le film serait terminé. Et on se doute qu’après cette première réaction, en viendra une seconde, plus apaisée. Le scénario de Nadir Moknèche ne dévie pas d’un centimètre de ce tracé prévisible.

Le dernier, et non le moindre, est le choix de Fanny Ardant. Bien sûr il n’est pas ici question de remettre en cause le talent de cette immense actrice. Mais c’est son choix pour interpréter un transsexuel qui pose problème. Quand Fanny joue Lola, c’est Fanny qu’on voit. pas Lola. La célébrité de Fanny Ardant écrase son personnage. Et sa féminité irradiante le prive de l’ambiguïté qu’aurait dû avoir ce transsexuel et qu’avait par exemple le héros/l’héroïne de « Une femme fantastique« .

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