L’Espion qui venait du froid (1965) ★★☆☆

À l’initiative de sa hiérarchie, Leamas (Richard Burton), un agent britannique rappelé de Berlin après la mort d’un de ses agents, feint d’être retiré du service et s’enfonce dans l’alcool et la misère pour laisser penser qu’il pourrait faire défection. Tamponné par les services est-allemands, Leamas est longuement interrogé dans une ferme isolée par Fiedler (Oskar Werner). Le but de Leamas est de faire tomber Mundt, l’un des chefs du contre-espionnage est-allemand. Mais l’irruption imprévue de Nan Perry (Claire Bloom), la bibliothécaire communiste que Leamas avait fréquentée à Londres, risque de compromettre sa tâche.

J’avais lu très jeune L’Espion qui venait du froid dans une vieille édition Folio cornée et me souviens encore de mon engouement à cette lecture. J’y découvrais une intrigue délicieusement compliquée avec des retournements inattendus, où ce qu’on tenait pour vrai à une page se révélait fallacieux à la suivante. À l’époque, ce genre de scénario m’était quasiment étranger et je le découvrais avec l’enthousiasme du néophyte. Je n’avais encore jamais lu John Le Carré dont, pendant les vingt années suivantes, je devins un lecteur fidèle, sans jamais retrouver dans ses livres, sinon peut-être dans Le Tailleur de Panama, le plaisir original pris à la lecture de L’Espion

Je n’avais jamais vu l’adaptation au cinéma du roman de Le Carré. Sa programmation à la Filmothèque du Quartier Latin m’en a enfin donné l’occasion. L’Espion qui venait du froid n’est pas tout à fait un film culte ; mais il n’est pas loin de l’être. Cet anti-James Bond (il est réalisé alors que Sean Connery donne au personnage de Ian Fleming une célébrité mondiale avec les trois premiers films produits par Albert Broccoli en 1962, 1963 et 1964), tourné dans un noir et blanc sinistre, avec un Richard Burton au sommet de son art, fait du métier d’espion un tableau lugubre. Le monologue de Leams y est repris au mot près : What the hell do you think spies are? Moral philosophers measuring everything they do against the word of God or Karl Marx? They’re not. They’re just a bunch of seedy squalid bastards like me, little men, drunkards, queers, henpecked husbands, civil servants playing « Cowboys and Indians » to brighten their rotten little lives.

Je dois avouer une petite déception. Elle est double.
J’avais le souvenir d’une intrigue très sophistiquée. Elle ne l’est en fait pas tant que cela. J’ai l’impression que les scénarios de thriller, notamment américains, sont devenus pour certains tellement sophistiqués, que notre goût de spectateur s’est développé et que ce qui nous apparaissait hier compliqué ne l’est plus.
Second défaut : j’ai trouvé la mise en scène pesante et le temps bien long. C’est d’ailleurs un défaut que j’oserais respectueusement relever contre les romans de John Le Carré : ils sont systématiquement trop longs, trop touffus, trop lents, préférant à l’action la peinture des tourments d’une âme humaine dont on a compris qu’elle est noire et faillible.

La bande-annonce

De sang-froid (1967) ★★★☆

En 1959, deux jeunes prisonniers en liberté conditionnelle assassinent de sang-froid un paisible fermier du Kansas, sa femme et ses deux enfants. Le quadruple meurtre défraie la chronique et glace l’Amérique. Six ans plus tard, après une longue procédure, les deux meurtriers sont exécutés.
De ce fait divers, Truman Capote fit dès 1966 un roman qui créa un genre voué à une riche postérité : l’enquête journalistique où s’entrelacent la narration des faits et celle de la façon dont le romancier-journaliste les découvre.
L’année suivante, Richard Brooks en fit un film.

Il est récemment repassé au Grand Action à Paris dans le cadre du festival organisé à l’occasion des soixante-dix ans de la revue Positif. Le débat qui l’a suivi a été l’occasion de replacer ce film dans l’oeuvre foisonnante de Richard Brooks et dans le cinéma de l’époque.

Ce qui frappe quand on regarde De sang-froid cinquante ans plus tard, c’est sa modernité. Son premier tiers est construit en plans alternés de l’errance des deux taulards sur les routes du Midwest et de la vie sans histoire de la paisible famille qu’ils vont sauvagement assassiner. Les deux fils du récit se renouent par le son : c’est la même sirène de locomotive qu’on entend derrière la voiture des deux meurtriers tapie dans l’obscurité d’un sous-bois et lorsque Nancy Clutter éteint sa lampe de chevet, sa prière faite.
Il est filmé dans un noir et blanc intemporel à une époque où la Technicolor avait tout envahi.
La musique de Quincy Jones y est omniprésente et d’une étonnante complexité. On pense aux notes de jazz de Miles Davis pour Ascenseur pour l’échafaud (filmé près de dix ans plus tôt).

J’ai lu sous la plume de Pierre Murat dans Télérama que De sang-froid n’était « rien qu’un plaidoyer extrêmement généreux contre la peine de mort ». La critique est un peu courte. Elle est surtout bien sévère. Certes, la scène de l’exécution des deux assassins est glaçante. Mais elle ne constitue pas le cœur du film. Ce cœur, c’est la scène du quadruple homicide. On le suit minute après minute, en en connaissant par avance le funeste dénouement, en se demandant comment diable ce banal cambriolage a pu déraper dans un si effroyable massacre. C’était la question que s’était posée Truman Capote, sur laquelle il avait buté. Richard Brooks tente de mettre la réponse en image. Je vous la laisse la (re)découvrir

La bande-annonce

Le Désert rouge (1964) ★☆☆☆

Giuliana (Monica Vitti) est malheureuse. Elle est mariée à Ugo, un ingénieur qui travaille dans une immense zone industrielle littorale de l’Italie du nord. Elle est la mère d’un petit garçon prénommé Valerio. Elle fait la rencontre de Corrado Zeller (Richard Harris), un collègue de son mari venu dans la région pour recruter des ouvriers afin de partir travailler en Patagonie. Giuliana l’accompagne dans ses démarches, lui confie que l’accident de voiture dont elle a été victime était en fait une tentative de suicide, finit par se donner à lui dans une ultime tentative de retrouver goût à la vie… et se retrouve à la fin du film au même point qu’au début.

Avant Le Désert Rouge, Michelangelo Antonioni vient de signer trois films d’anthologie : L’Avventura (1960, prix du Jury à Cannes), La Nuit (1961, Ours d’or à Berlin), L’Eclipse (1962, prix spécial du jury à Cannes). Monica Vitti y tenait déjà le rôle principal comme elle interprète celui du Désert rouge, Lion d’or à Venise. Elle y est méconnaissable sur son affiche (j’avais longtemps cru qu’il s’agissait de Marlène Jobert en voyant défiler le générique de Carlotta dont je parviens enfin, après une bonne vingtaine d’années, à identifier toutes les références). Avec « ses yeux de lit défait », elle joue encore le rôle d’une femme perdue et angoissée

C’est le premier film en couleurs d’Antonioni qui délaisse les noirs et blancs austères et somptueux qui constituaient jusqu’alors sa marque de fabrique. La légende veut qu’il ait fait repeindre des arbres en blanc, une rue en gris, des pans de murs entiers en rouge ou en bleu pour obtenir la palette de couleurs qu’il souhaitait.
Écologiste avant l’heure, il s’y montre d’une rare prescience en filmant une terre nue, polluée, rongée par les rejets industriels.

Il est de bon ton de tenir Antonioni comme un immense réalisateur et de considérer ses films comme des chefs d’oeuvre. C’est peut-être vrai. Antonioni est le cinéaste de la modernité, de la solitude, de l’incommunicabilité, du désarroi qui ronge les classes sociales enrichies par les Trente Glorieuses, de la difficulté des rapports homme-femme.
Mais Antonioni est aussi le cinéaste revendiqué de l’ennui (comme Moravia qui en fit le titre d’un livre pas ennuyeux du tout). Le problème avec Antonioni est que son cinéma distille sciemment l’ennui. J’ai conscience du sacrilège que je commets en avouant m’être considérablement rasé devant le Désert rouge, comme je m’étais déjà rasé devant L’Avventura, La Nuit ou L’Eclipse. La lecture de l’immense Jacques Lourcelles m’a désinhibé dont le Dictionnaire du cinéma n’a pas de mots assez durs pour Antonioni : « componction », « dialogues de photos-romans », « gravité solennelle », « glaciation de l’impuissance »…

Monica Vitti a beau être « belle comme un papillon de jour, mystérieuse comme un papillon de nuit », sa beauté hiératique qui s’agite nerveusement en talons mi-hauts sur les rives boueuses du delta du Pô finit par lasser. Et la succession de longs plans fixes, aussi léchés soient-ils, a eu sur moi pour effet final de me plonger dans une somnolence que seul le générique de fin, après deux heures bien sonnées, a réussi à interrompre.

La bande-annonce

J’ai le droit de vivre (1937) ★★★☆

Déjà condamné à trois reprises pour de menus larcins, Eddie Taylor (Henry Fonda) sort de prison désormais bien décidé à rester dans le droit chemin. Son épouse aimante (Sylvia Sidney) va l’y aider. Mais la société refuse à Eddie une seconde chance : les propriétaires de l’hôtel où le couple passe sa lune de miel le mettent à la porte après avoir reconnu Eddie, le patron de l’entreprise où Eddie a réussi à trouver un poste de livreur le licencie sans motif. Plus grave : lorsqu’un braquage tourne mal, tous les soupçons se portent sur Eddie qui risque la chaise électrique s’il est reconnu coupable.

En 1937, Fritz Lang fuit l’Allemagne nazie et arrive aux Etats-Unis, après une courte escale en France. J’ai le droit de vivre (dont je me demande si le titre original, You Only Live Once, a directement inspiré les producteurs de James Bond) est le deuxième film qu’il y tourne. Dix ans avant que le genre acquiert ses lettres de noblesse, c’est l’un des tout premiers films noirs dont il contient déjà tous les ingrédients : l’usage envoûtant du noir et blanc pour des scènes presqu’exclusivement nocturnes, la figure du héros maudit, le couple en cavale, la force inéluctable du destin…

Le scénario est inspiré de la fuite de Bonnie et Clyde qui avait défrayé la chronique quelques années plus tôt. Il est mené à un train d’enfer au point qu’on se demande, au bout d’une heure à peine, si le film ne touche pas déjà à sa fin. Sa dernière demi-heure est moins convaincante.

J’ai le droit de vivre donne à Henry Fonda un de ses premiers grands rôles. Il y incarne déjà la figure héroïque de l’Américain vertueux et courageux, seul contre tous, qui constituera sa marque de fabrique dans Les Raisins de la colère ou Douze Hommes en colère.

Un extrait

Europe 51 (1952) ★★★☆

Irene Girard (Ingrid Bergman) est une riche Américaine qui vit depuis plusieurs années à Rome avec son mari. Elle y mène grand train sans prêter d’attention à son fils unique, Michele, une dizaine d’années à peine, qui se jette dans l’escalier de leur luxueux appartement, par chagrin.
Cet accident et la mort de son enfant font à Irene l’effet d’un électro-choc. Elle réalise l’inanité de sa vie, centrée sur son seul confort. Avec un cousin de son mari, elle découvre les banlieues misérables de la capitale. Elle y rencontre une femme qui élève six enfants. Irene la remplace au pied levé à l’usine où elle vient de la faire embaucher. Elle recueille une prostituée qui se meurt de la tuberculose. Elle réussit à convaincre un jeune malfrat, qui vient de braquer une banque et de tuer un gardien, de se rendre.
Son comportement inquiète son mari qui la fait interner dans un asile psychiatrique.

Europe 51 est un des films les plus marquants de Roberto Rossellini et du néo-réalisme italien. C’est le deuxième après Stromboli qu’il tourna avec Ingrid Bergman, l’actrice américaine qu’il venait d’épouser, qui était enceinte de sa fille Isabella pendant le tournage. Il fit scandale en Italie à sa sortie ; car il renvoyait dos à dos les grandes idéologies sur lesquelles et contre lesquelles l’Italie post-fasciste se reconstruisait lentement : le capitalisme, la religion et même le communisme.

Quel est le sujet de Europe 51 ? La sainteté. Le sujet traverse le cinéma et la littérature : Le Journal d’un curé de campagne, Sous le soleil de Satan, Thérèse, Jeanne d’Arc, Breaking the Waves, The Leftovers….
Roberto Rossellini – dont le premier fils était mort d’une appendicite à neuf ans seulement en 1946 – venait de tourner un film consacré à Saint François d’Assise, Les Onze Fioretti. Le saint, qui avait renoncé au confort bourgeois pour une vie de privations consacrée aux pauvres, le fascinait. Il se posait une question simple : que ferait Saint François aujourd’hui ? comment serait-il accueilli ? Il a une autre référence : la philosophe française Simone Weil, qui tenta de comprendre la condition ouvrière par l’expérience concrète du travail en usine.

Le résultat est un chef d’oeuvre. Superbement restauré, il est ressorti en salles mercredi dernier. Le noir et blanc de Rossellini est velouté. Le visage d’Ingrid Bergman est le plus beau qu’il fut jamais donné de voir. Seul bémol, l’actrice est doublée en italien. Sans doute ne le parlait-elle pas parfaitement. Mais censée jouer une riche Américaine, on lui aurait volontiers pardonné quelques fautes d’accord pour avoir le plaisir de l’entendre.

La bande-annonce

Nouvelle Donne (2006) ★★★☆

À Oslo, de nos jours, Phillip (Anders Danielsen Lie) et Erik (Espen Klouman-Høiner) sont deux jeunes hommes passionnés d’écriture. Ils ont chacun écrit leur premier roman qu’ils rêvent de publier.

La sortie et le succès de Julie (en 12 chapitres) ont conduit Malavida à ressortir en salles le tout premier film de Joachim Trier, tourné en 2006.

Il frappe par sa maîtrise. Nouvelle donne ne se contente pas de raconter platement l’histoire d’une amitié littéraire. Il entrelace plusieurs niveaux de lecture, multiplie les flashbacks et les flashforwards, explore quelques hypothèses, revient en arrière, repart en avant…. Loin de donner le tournis, Nouvelle Donne nous emporte avec sa folle énergie sans jamais nous perdre.

Je n’avais pas aimé Oslo 31 août, le film qui en 2011 avait révélé Joachim Trier. La faute en était peut-être au Feu follet, le roman de Drieu la Rochelle, et sa noirceur suicidaire.
J’ai au contraire été enthousiasmé par Julie (en 12 chapitres) et sa communicative énergie.

Bien que réalisé avant ces deux films-là, Nouvelle Donne en constitue en quelque sorte l’heureuse synthèse. Comme Oslo 31 août, c’est un film triste, hanté par les pulsions suicidaires qui emportent régulièrement Phillip en hôpital psychiatrique et minent le couple qu’il forme avec la charmante Kari. Mais, comme Julie (en 12 chapitres), c‘est aussi un film gai, plein de vie et d’énergie, débordant de créativité.

Que vous ayez aimé les deux films de Joachim Trier ou que vous ayez aimé l’un des deux seulement, voire que vous ne les ayez vus ni l’un ni l’autre, jetez un oeil à celui-ci, vous ne serez pas déçu.

La bande-annonce

Mouchette (1967) ★☆☆☆

La petite Mouchette n’a pas une vie facile. Son père est alcoolique ; sa mère se meurt de la tuberculose ; sa maîtresse la rabroue parce qu’elle chante faux et elle est la risée de ses camarades de classe. Une nuit, elle se perd en forêt. Son chemin croise celui d’Arsène, un braconnier.

Le seul nom de Robert Bresson suffit à susciter une admiration révérencieuse, même de la part de ceux qui n’ont pas vu ses films. Tel fut longtemps mon cas qui ai découvert sur le tard le cinéma exigeant du réalisateur des Dames du bois de Boulogne, de Pickpocket ou de L’Argent. C’est à cinquante ans passés que je vois enfin, sur les conseils insistants de quelques amis cinéphiles, Mouchette, opportunément projeté dans une petite salle du 5ème.

Les conditions dans lesquelles je reçois aujourd’hui ce film sont biaisées. Les éloges qui l’entourent sont si nombreux, leur contenu même est si admiratif que je suis quasiment condamné à communier dans cette vénération unanime.

Alors, bien sûr, force m’est de reconnaître et de saluer ce qui fait la force du cinéma de Robert Bresson. Les thèmes, si âpres, qu’ils filment : ici, la misère humaine d’une gamine privée d’amour. Son style qui tourne le dos à tout artifice pour toucher à la vérité des êtres et des choses.

Mais force m’est aussi d’avouer que ce cinéma-là ne me touche pas. Pire : il me glace, il me sidère. Les tourments de la petite Mouchette qui la mèneront jusqu’au suicide (je sais : c’est un spoiler…. mais Bresson n’est pas non plus le maître du suspense) sont joués sur un ton si monotone, avec un refus si catégorique de tout psychologisme, que je ne les ai pas ressentis.

J’ajoute à ma honte avec une seconde confession. Au-delà du cinéma de Bresson, c’est peut-être la littérature de Bernanos qui me glace et me sidère. À la lecture du Journal d’un curé de campagne ou de Sous le soleil de Satan, devant les films de Bernanos et de Pialat que ces deux livres ont inspirés, j’ai ressenti la même et douloureuse frustration : celle de passer à côté de chefs d’oeuvre aux qualités reconnues par le plus grand nombre mais  qui me resteront hélas incompréhensibles.

La bande-annonce

The Swimmer / Le Plongeon (1968) ★★☆☆

Ned Merrill (Burt Lancaster) décide par un beau dimanche d’été, alors qu’il est de sortie chez des amis dans une riche banlieue du Connecticut, de rentrer chez lui de façon originale : non pas en reprenant sa voiture mais, vêtu de son seul maillot de bain, en nageant dans chaque piscine des propriétés que son chemin traverse. Commence pour lui un long chemin qui se révèle progressivement un retour aux sources.

The Swimmer est un film qui appartient à la mythologie de Hollywood. Il a été produit par Sam Spiegel, un nabab autoritaire qui, de mèche avec Burt Lancaster, décida de renvoyer le réalisateur Frank Perry. Son remplaçant, le jeune Sydney Pollack – qui n’est pas crédité au générique – tourna de nouvelles scènes et en retourna d’anciennes, changeant plusieurs acteurs.

Le résultat est passablement déconcertant. Le film tout entier repose sur un motif aussi simple qu’étonnant : l’histoire d’un homme qui rentre chez lui en nageant (l’expression en anglais est encore plus synthétique et marquante : to swim home).

Son héros, Burt Lancaster, de chaque plan, n’y porte qu’un seul costume – sauf dans une scène où il l’enlève : un maillot de bain noir. À cinquante ans passés, la star américaine est au sommet de sa gloire. Il a eu un Oscar pour Elmer Gantry, a triomphé dans Le Guépard et Le Prisonnier d’Alcatraz. L’ancien acrobate de cirque a un corps d’athlète, tout en muscles. Mais son visage buriné et sa bedaine naissante trahissent son âge. Prendrait-on aujourd’hui le risque de montrer le corps ainsi affaibli d’une star vieillissante ?

The Swimmer est adapté d’une nouvelle de John Cheever publiée dans The New Yorker en 1964. Accessible en ligne aujourd’hui, cette courte nouvelle fait douze pages à peine. Son motif se résume à presque rien. Le film dure pourtant quatre-vingt-quinze minutes. Un danger le menace : la succession de saynètes, une pour chacune des piscines traversées par notre star en maillot. Mais, le film, fidèle à la nouvelle, prend lentement une teinte surréaliste, alors que le trouble de Ned grandit autour de la solidité de ses souvenirs. Il se termine par une scène d’anthologie qui laisse un souvenir durable.

La bande-annonce

Zero Kelvin (1995) ★★★☆

À Oslo, dans les années 1920, le jeune poète Henrik Larsen (Gard B. Eidsvold) essaie sans succès de vivre de sa plume. Il est amoureux de Gertrude mais n’est pas certain des sentiments qu’elle lui porte en retour. Pour amasser un pécule, il décide d’aller passer une saison de chasse au Groenland. Il y rejoint un trappeur irascible (Stellan Skarsgård) et un scientifique placide (Bjørn Sundquist). La cohabitation entre les trois hommes tourne vite à l’aigre.

Kjærlighetens kjøtere est le titre original de ce film norvégien, le seul à figurer parmi les 1001 Movies You Must See Before You Die. Il a été diffusé à l’étranger sous le titre anglais Zero Kelvin. Il n’est jamais sorti en salles en France.

Le film, tourné au Svalbard, au-delà du cercle polaire arctique, vaut d’abord pour ses paysages majestueux. On regrette de ne pas les voir dans une salle de cinéma ; et on se console devant l’écran de sa télévision.

Il vaut ensuite pour le jeu halluciné de Stellan Skarsgård, qu’on reconnaît à peine, emmitouflé qu’il est sous d’épaisses fourrures. Cet acteur suédois hors normes, à l’impressionnante filmographie, a roulé sa bosse sur tous les plateaux du monde. Il sait jouer aussi bien les pères de famille bonhommes (dans Mamma Mia) que les assassins sadiques (dans Millénium). Il interprète ici le rôle d’un homme enragé, prompt aux plus subites colères, qui prend vite comme tête-de-turc le jeune poète Henrik Larsen.

Comment leur face-à-face se dénouera-t-il ? S’entretueront-ils ? ou devront-ils faire taire leur rivalité pour unir leurs forces afin de survivre dans le froid arctique ? J’ai été surpris du dénouement que je n’attendais pas et je vous laisserai l’être si, par hasard, vous croisez un jour ce film étonnant.

La bande-annonce

Au travers des oliviers (1994) ★☆☆☆

Dans un petit village du nord de l’Iran, une équipe de cinéma tourne un film. Toute l’équipe s’agite autour du réalisateur qui procède à un casting dans une école. Il porte son choix sur Tahereh, une jeune fille dont les parents sont morts dans le tremblement de terre qui a dévasté la région. Pour remplacer au pied levé l’acteur bègue incapable de lui donner la réplique, le réalisateur choisit Hossein, un jeune maçon qui avait demandé sans succès la main de Tahereh à sa grand-mère.

En 1987, Abbas Kiarostami tourne dans la petite ville de Koker Où est la maison de mon ami ? un court film qui le fait connaître à l’étranger et notamment en France. Les lieux du tournage sont frappés trois ans plus tard par un tremblement de terre meurtrier. Kiarostami y retourne en 1991 pour y filmer Et la vie continue. Au travers des oliviers, qui constitue une sorte de making-off de ce film-là, vient clore cette trilogie.

Le film jouit d’une réputation élogieuse. Il le doit au prestige de son auteur, Abbas Kiarostami, qui passe pour le plus grand réalisateur iranien contemporain, le seul à avoir jamais reçu la prestigieuse Palme d’or (en 1997 pour Le Goût de la cerise). L’oeuvre de l’illustre octogénaire fait actuellement l’objet d’une rétrospective en salles. C’est aussi avec beaucoup d’humilité que je m’autoriserai une critique moins enthousiaste.

Sans doute ce film plonge-t-il avec une grande douceur dans la vie quotidienne d’un petit village iranien, loin de la capitale et de ses artifices, et filme-t-il avec beaucoup de pudeur le deuil qu’il continue à porter. Sans doute aussi constitue-t-il une mise en abyme du cinéma en train de se faire, avec ses hésitations, ses temps morts, ses répétitions. Mais, pour autant, une fois signalées ces qualités-là, force est de constater qu’on s’ennuie ferme pendant plus de cent minutes à regarder derrière le pare-brise d’une voiture cahotante les paysages, certes majestueux, de la campagne iranienne. Et nos nerfs sont mis à rude épreuve, pendant le dernier tiers du film, devant la répétition irritante de la même prise que les acteurs, débordés par leurs sentiments, ne parviennent pas à jouer correctement.

La bande-annonce