The Swimmer / Le Plongeon (1968) ★★☆☆

Ned Merrill (Burt Lancaster) décide par un beau dimanche d’été, alors qu’il est de sortie chez des amis dans une riche banlieue du Connecticut, de rentrer chez lui de façon originale : non pas en reprenant sa voiture mais, vêtu de son seul maillot de bain, en nageant dans chaque piscine des propriétés que son chemin traverse. Commence pour lui un long chemin qui se révèle progressivement un retour aux sources.

The Swimmer est un film qui appartient à la mythologie de Hollywood. Il a été produit par Sam Spiegel, un nabab autoritaire qui, de mèche avec Burt Lancaster, décida de renvoyer le réalisateur Frank Perry. Son remplaçant, le jeune Sydney Pollack – qui n’est pas crédité au générique – tourna de nouvelles scènes et en retourna d’anciennes, changeant plusieurs acteurs.

Le résultat est passablement déconcertant. Le film tout entier repose sur un motif aussi simple qu’étonnant : l’histoire d’un homme qui rentre chez lui en nageant (l’expression en anglais est encore plus synthétique et marquante : to swim home).

Son héros, Burt Lancaster, de chaque plan, n’y porte qu’un seul costume – sauf dans une scène où il l’enlève : un maillot de bain noir. À cinquante ans passés, la star américaine est au sommet de sa gloire. Il a eu un Oscar pour Elmer Gantry, a triomphé dans Le Guépard et Le Prisonnier d’Alcatraz. L’ancien acrobate de cirque a un corps d’athlète, tout en muscles. Mais son visage buriné et sa bedaine naissante trahissent son âge. Prendrait-on aujourd’hui le risque de montrer le corps ainsi affaibli d’une star vieillissante ?

The Swimmer est adapté d’une nouvelle de John Cheever publiée dans The New Yorker en 1964. Accessible en ligne aujourd’hui, cette courte nouvelle fait douze pages à peine. Son motif se résume à presque rien. Le film dure pourtant quatre-vingt-quinze minutes. Un danger le menace : la succession de saynètes, une pour chacune des piscines traversées par notre star en maillot. Mais, le film, fidèle à la nouvelle, prend lentement une teinte surréaliste, alors que le trouble de Ned grandit autour de la solidité de ses souvenirs. Il se termine par une scène d’anthologie qui laisse un souvenir durable.

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Zero Kelvin (1995) ★★★☆

À Oslo, dans les années 1920, le jeune poète Henrik Larsen (Gard B. Eidsvold) essaie sans succès de vivre de sa plume. Il est amoureux de Gertrude mais n’est pas certain des sentiments qu’elle lui porte en retour. Pour amasser un pécule, il décide d’aller passer une saison de chasse au Groenland. Il y rejoint un trappeur irascible (Stellan Skarsgård) et un scientifique placide (Bjørn Sundquist). La cohabitation entre les trois hommes tourne vite à l’aigre.

Kjærlighetens kjøtere est le titre original de ce film norvégien, le seul à figurer parmi les 1001 Movies You Must See Before You Die. Il a été diffusé à l’étranger sous le titre anglais Zero Kelvin. Il n’est jamais sorti en salles en France.

Le film, tourné au Svalbard, au-delà du cercle polaire arctique, vaut d’abord pour ses paysages majestueux. On regrette de ne pas les voir dans une salle de cinéma ; et on se console devant l’écran de sa télévision.

Il vaut ensuite pour le jeu halluciné de Stellan Skarsgård, qu’on reconnaît à peine, emmitouflé qu’il est sous d’épaisses fourrures. Cet acteur suédois hors normes, à l’impressionnante filmographie, a roulé sa bosse sur tous les plateaux du monde. Il sait jouer aussi bien les pères de famille bonhommes (dans Mamma Mia) que les assassins sadiques (dans Millénium). Il interprète ici le rôle d’un homme enragé, prompt aux plus subites colères, qui prend vite comme tête-de-turc le jeune poète Henrik Larsen.

Comment leur face-à-face se dénouera-t-il ? S’entretueront-ils ? ou devront-ils faire taire leur rivalité pour unir leurs forces afin de survivre dans le froid arctique ? J’ai été surpris du dénouement que je n’attendais pas et je vous laisserai l’être si, par hasard, vous croisez un jour ce film étonnant.

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Au travers des oliviers (1994) ★☆☆☆

Dans un petit village du nord de l’Iran, une équipe de cinéma tourne un film. Toute l’équipe s’agite autour du réalisateur qui procède à un casting dans une école. Il porte son choix sur Tahereh, une jeune fille dont les parents sont morts dans le tremblement de terre qui a dévasté la région. Pour remplacer au pied levé l’acteur bègue incapable de lui donner la réplique, le réalisateur choisit Hossein, un jeune maçon qui avait demandé sans succès la main de Tahereh à sa grand-mère.

En 1987, Abbas Kiarostami tourne dans la petite ville de Koker Où est la maison de mon ami ? un court film qui le fait connaître à l’étranger et notamment en France. Les lieux du tournage sont frappés trois ans plus tard par un tremblement de terre meurtrier. Kiarostami y retourne en 1991 pour y filmer Et la vie continue. Au travers des oliviers, qui constitue une sorte de making-off de ce film-là, vient clore cette trilogie.

Le film jouit d’une réputation élogieuse. Il le doit au prestige de son auteur, Abbas Kiarostami, qui passe pour le plus grand réalisateur iranien contemporain, le seul à avoir jamais reçu la prestigieuse Palme d’or (en 1997 pour Le Goût de la cerise). L’oeuvre de l’illustre octogénaire fait actuellement l’objet d’une rétrospective en salles. C’est aussi avec beaucoup d’humilité que je m’autoriserai une critique moins enthousiaste.

Sans doute ce film plonge-t-il avec une grande douceur dans la vie quotidienne d’un petit village iranien, loin de la capitale et de ses artifices, et filme-t-il avec beaucoup de pudeur le deuil qu’il continue à porter. Sans doute aussi constitue-t-il une mise en abyme du cinéma en train de se faire, avec ses hésitations, ses temps morts, ses répétitions. Mais, pour autant, une fois signalées ces qualités-là, force est de constater qu’on s’ennuie ferme pendant plus de cent minutes à regarder derrière le pare-brise d’une voiture cahotante les paysages, certes majestueux, de la campagne iranienne. Et nos nerfs sont mis à rude épreuve, pendant le dernier tiers du film, devant la répétition irritante de la même prise que les acteurs, débordés par leurs sentiments, ne parviennent pas à jouer correctement.

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Sanjuro (1962) ★★★☆

Dans le Japon des Tokugawa, neuf jeunes samouraïs naïfs et idéalistes se sont unis pour dénoncer la corruption qui gangrène leur clan. Mais leur lettre échoue entre les mains de Kikui, le chef de la police, qui s’avère en fait être l’instigateur de ce réseau. Les neuf idéalistes sont sauvés par l’arrivée providentielle d’un mystérieux rōnin, cynique et terre-à-terre, mais maître indépassable dans l’art du sabre. Avec son aide, ils vont délivrer le grand chambellan, son épouse et sa fille, kidnappés par Kikui.

En 1961, Kurosawa tourne Yōjinbō, un film de sabre, avec son acteur fétiche dans le rôle titre, Toshirō Mifune. Son succès l’incite à en tourner sinon une suite proprement dite du moins un prolongement avec le même personnage interprété par le même acteur. Ce sera Sanjuro sorti un an plus tard.

Le chanbara – le film de sabre japonais – est un genre cinématographique japonais aussi vieux que le septième art. Boudé par la critique, il a acquis ses lettres de noblesse avec Kurosawa après-guerre. Son titre le plus célèbre est Hara-kiri (1962) de Masaki Koyabashi que le Champo diffuse aussi en ce moment et que j’espère trouver le temps d’aller voir.

Ce qui frappe, quand on découvre aujourd’hui Sanjuro, c’est sa modernité. Impeccablement filmé, cadré, monté, le film est d’une drôlerie qu’on n’attendait pas dans un film japonais, habitué qu’on est au cinéma de Ozu, de Mizoguchi ou de Naruse qui ont mille et une qualités mais rarement celle-là (on m’opposera – et on aura raison de le faire – certains films de Ozu tels Bonjour). Sans rien céder à ses exigences formelles, Kurosawa ne se prend pas au sérieux et le montre : dans les situations souvent burlesques, dans les caractères qui rappellent des héros de bande dessinée.

Enfin et surtout – même si on l’y réduirait à tort – Sanjuro annonce Kill Bill. Bien sûr, Tarantino a rajouté de la couleur (le jaune canari du survêtement de Uma Thurman !), de la musique et de la podophilie. Mais, à regarder Sanjuro et son ultime scène iconique, on constate avec stupéfaction qu’il n’a rien inventé.

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Qui chante là-bas ? (1980) ★★★☆

L’action se déroule en avril 1941, en Yougoslavie, à la veille de l’occupation allemande. Une dizaine de personnes montent dans un bus pour se rendre dans la capitale : un ancien combattant, un chanteur de charme, un couple de jeunes mariés, deux musiciens tziganes, un chasseur, un tuberculeux, un journaliste germanophile…. Le véhicule, en piteux état, propriété de Miško Krstić, conduit par son propre fils, un simple d’esprit, rencontrera sur son chemin bien des obstacles avant d’arriver à destination.

Qui chante là bas ? a été sélectionné dans la section Cannes Classics du Festival de Cannes 2020. À l’occasion de la réouverture des salles, Malavida a la bonne idée de le ressortir dans un circuit de quelques cinémas d’art et d’essai. Ce film yougoslave de 1980 nous rappelle le dynamisme et la créativité du cinéma de ce pays qui, sous Tito, s’enorgueillissait de posséder les meilleurs écoles de dessins animés, qui organisait un grand festival annuel et où le cinéma était une matière enseignée dans le secondaire.

Quand on regarde aujourd’hui Qui chante là bas ? on pense immanquablement à Emir Kusturica. Slobodan Šijan n’est son aîné que de quelques années. Les deux réalisateurs ont le même scénariste, Dušan Kovačević, quand ils tournent Qui chante là bas ? au début des années quatre-vingt et Underground quinze ans plus tard. Les deux oeuvres présentent de nombreuses ressemblances formelles et substantielles. Chez Šijan comme chez Kusturica, la musique, qui emprunte aux rythmes endiablés du folklore tzigane, est une actrice du film à part entière. Les histoires qu’ils racontent sont traversées d’un humour souvent grotesque et très cartoonesque. Le sujet qu’ils traitent est celui de l’impossible vivre-ensemble yougoslave.

Dans Underground, Kusturica évoque l’éclatement de la Yougoslavie. On aurait pu penser, en lisant le résumé de Qui chante là bas ? qu’il y serait au contraire question de la construction d’une identité nationale pour faire front face à l’invasion allemande. Comme Maupassant dans Boule de Suif, comme John Ford dans La Chevauchée fantastique, Šijan convoque dans un lieu clos un échantillon de la population yougoslave. Découvrira-t-il au-delà des conflits qui l’opposent ce qui la réunit ? Saura-t-il dépasser ses clivages pour faire front face à l’ennemi nazi ? C’est ce qu’on aurait volontiers imaginé d’un film tourné en plein titisme. La réponse qu’on découvre à la dernière image est étonnante.

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Tongues Untied (1989) ★☆☆☆

Tongues Untied est un documentaire de cinquante-cinq minutes réalisé pour la télévision en 1989. Le financement public dont il avait bénéficié aux Etats-Unis avait suscité une polémique : les milieux conservateurs américains ont reproché au National Endowment for the Arts de financer une œuvre pornographique.

À le regarder trente ans plus tard, on ne trouve pas que Tongues Untied insulte la décence. Pas de pornographie mais en revanche un pamphlet dont on comprend qu’il ne plaisait pas aux franges les plus conservatrices de l’échiquier politique américain (le candidat Pat Buchanan en fit même en 1992 un argument de campagne pour dénoncer la dépravation des mœurs à Washington).

Réalisé par Marlon Riggs, une figure du black new queer cinema qui mourut cinq ans plus tard du Sida, Tongues Untied est une œuvre militante à l’intersection de deux combats : le combat pour la reconnaissance des droits des homosexuels et celui contre les discriminations faites aux Noirs américains. Ces deux combats ignorent et écrasent paradoxalement les Noirs homosexuels : le militantisme gay est un militantisme blanc qui essentialise le corps noir pour en faire un objet de fantasme tandis que la lutte contre les discriminations raciales emprunte souvent des accents virilistes voire homophobes.

Tongues Untied est un plaidoyer convainquant en faveur de cette cause, qui n’a rien perdu de son actualité. Sa forme l’est moins qui accumule plusieurs saynètes à la va-comme-je-te-pousse : des témoignages face caméra, des chorégraphies, des poèmes déclamés d’Essex Hemphill, de Steve Langley ou d’Alan Miller, des chansons de Nina Simone ou de Roberta Flack, des extraits d’un one-man-show où Eddy Murphy déploie une homophobie rance….

Le résultat est politiquement fort mais pas cinématographiquement éblouissant.

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La Vie de bohème (1992) ★★☆☆

Marcel (André Wilms) est un écrivain français philosophe dont la pièce de théâtre en vingt-et-un tableaux est refusée partout et qui vient d’être expulsé de son appartement. Le locataire qui lui succède est Schaunard (Kari Väänänen), un musicien irlandais, qui interprète sur son piano des compositions sinistres. Les deux hommes se lient d’amitié avec un troisième artiste, Rodolfo (Matti Pellonpää), un peintre albanais sans titre de séjour, qui vit sous la menace d’un arrêté d’expulsion. Les trois hommes et leurs amoureuses, Mimi et Musette, tirent le diable par la queue sans jamais perdre leur proverbial optimisme.

La rétrospective Kaurismäki de Arte s’est terminée au bout de six mois le 30 avril. Elle fut l’occasion de voir ou de revoir quelques uns des films du maître finlandais : Ariel (1988), La Fille aux allumettes (1990), Au loin s’en vont les nuages (1996), L’Homme sans passé (2002)… In extremis j’en ai vu le cinquième opus, adapté du feuilleton de Henry Murger publié au milieu du dix-neuvième siècle et qui inspira cinquante ans plus tard Puccini dans l’un des opéras les plus fameux au monde.

Après avoir vu la « trilogie du prolétariat » (dont Ariel et La Fille aux allumettes constituaient les deux derniers volets), on comprend immédiatement ce qui avait intéressé Kaurismäki dans ces Scènes de la vie de bohème : la description de la vie quotidienne de ces artistes sans le sou qu’unit une chaleureuse fraternité. Comme dans Ariel, comme dans La Fille aux allumettes, Kaurismäki filme dans un noir et blanc intemporel, qui rappelle les années quarante et le cinéma de Marcel Carné ou de Jean Grémillon, des gens de peu. Aucun misérabilisme, aucun sentimentalisme dans son cinéma quasi muet rempli d’un humour pince-sans-rire volontiers absurde ; mais au contraire une immense humanité qui constitue peut-être le fil rouge d’une oeuvre qui s’est déployée durant près de quarante années et qui se continue encore.

Pour autant, j’aurais tendance à placer cette Vie de bohème un chouïa en dessous de ses autres films et notamment d’Ariel ou de La Fille aux allumettes que j’ai tellement aimés. La raison en est en partie sa durée : La Vie de bohème dure cent minutes là où les deux autres, plus ramassés, en comptaient trente de moins. Une autre en est la difficile émigration d’un cinéaste finlandais qui, pour la première fois, filme en France (avant d’y revenir en 2011 pour Le Havre où il retrouvera André Wilms, Jean-Pierre Léaud et Evelyne Didi) avec un mélange assez improbable d’acteurs français et finlandais, ces derniers récitant leur texte en phonétique sans manifestement en comprendre un mot.

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La Dernière Séance (1971) ★★★☆

Dans une petite ville quasiment déserte du nord du Texas, à la frontière de l’Oklahoma, en 1950-1951, La Dernière Séance raconte la dernière année de lycée de trois adolescents : Sonny (Timothy Bottoms) qui s’est trouvé avec Sam (Ben Johnson), le propriétaire du cinéma, un père de substitution, Duane (Jeff Bridges), qui ne rêve que de partir, et Jacy (Cybil Shepherd) qui, sous l’influence d’une mère (Ellen Burstyn) qui veut lui éviter les erreurs qu’elle a faites, se cherche le meilleur parti possible.

La Dernière Séance est un film déconcertant pour qui le voit cinquante ans après sa sortie. Car c’est un film tourné au début des années soixante-dix dont l’action se déroule vingt ans plus tôt. Il est profondément ancré dans une époque, celle des années cinquante, dont il fait revivre l’ambiance, les décors, les costumes. Mais quelques indices – notamment les scènes de nu qui, à sa sortie, firent encore scandale – nous mettent la puce à l’oreille : un tel film n’aurait pas pu être tourné avant 1970.

La Dernière Séance est l’oeuvre d’un jeune réalisateur, cinéphile obsessionnel venu de la critique de cinéma (il regardait environ quatre-cents films par an dont il rédigeait une critique pour chacun !). Bogdanovich nourrissait pour Hawks, Ford et Welles une admiration revendiquée. Son premier film s’inscrit dans cette généalogie. Son héros rappelle le James Dean de La Fureur de vivre. Les événements qu’il vit dans la petite ville de Anarene, sans jamais en franchir les limites, rappellent l’enfermement des personnages de La Poursuite impitoyable de Arthur Penn. Il a lancé la carrière de Jeff Bridges et de Cybil Sheperd – qui était à l’époque la compagne de Peter Bogdanovich.

Le film eut un immense succès. Il reçut huit nominations aux Oscars – mais deux statuettes seulement pour les meilleurs seconds rôles masculin et féminin. L’agrégateur de critique Rotten Tomatoes lui donne une note de 100 %. Son succès est mérité. La Dernière Séance est un film profondément mélancolique qui n’a pas pris une ride.

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Le Bal des actrices (2007) ★★★☆

Le Bal des actrices est un documenteur, un faux documentaire, où Maïwenn se met en scène, caméra au poing, en train de filmer ses consœurs.

L’entreprise semble au départ anodine. On s’attend à une galerie de portraits hauts en couleurs d’actrices françaises dont on nous révélerait, façon Gala ou Voici, quelques pans de la vie privée. Mais, bien vite, le projet diablement malin et dangereux de Maïwenn se révèle pour ce qu’il est : les actrices du casting joueront moins leur propre rôle qu’une parodie paroxystique d’elle-même : Karin Viard rêve d’une carrière à Hollywood mais ne sait pas parler anglais, Mélanie Doutey va adopter un orphelin en Inde, Romane Bohringer est has been, Marina Foïs se fait botoxer, etc. On y reconnaît Karine Rocher et on se prend à regretter de ne pas l’avoir vue plus souvent depuis quinze ans jusqu’à Madame Claude.

Le jeu de massacres est jubilatoire. Personne n’y échappe, pas même Maïwenn elle-même qui se met en scène dans le couple qu’elle forme (et que d’ailleurs elle formera ensuite dans la vraie vie) avec Joey Starr qu’on n’aurait jamais imaginé aussi juste (son interprétation lui vaudra le César du meilleur second rôle masculin). Elle pousse la provocation jusqu’à imaginer le fiasco de son documentaire et la rébellion de ses actrices.

Le Bal des actrices était le deuxième film de Maïwenn après Pardonnez-moi, un documentaire qui utilisait les mêmes procédés partiellement autobiographiques. Dix ans plus tard, elle tourne ADN, qui reproduit avec autant de succès les mêmes codes. Entretemps elle aura réalisé Polisse et Mon roi. Autant de succès critiques et publics qui démontrent, si besoin en était que la grande gigue un peu fofolle, volontiers excessive, cache en fait une réalisatrice hors pair capable de toutes les transgressions.

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Kandahar (2001) ★★☆☆

Nafas s’est enfuie d’Afghanistan quelques années plus tôt pour se réfugier au Canada. Elle a laissé derrière elle dans sa fuite sa sœur, qui a perdu ses jambes dans l’explosion d’une mine et qui vient de lui adresser un appel à l’aide. Nafas décide de retourner à Kandahar lui porter secours. Elle franchit la frontière afghane clandestinement, cachée derrière une burqa, en se faisant passer pour la quatrième épouse d’un vieux réfugié. Sur son chemin semé d’embûches, Nafas fera bien des rencontres.

Kandahar est un film qui a connu un étrange destin. Il est projeté à Cannes en sélection officielle au printemps 2001 sans susciter beaucoup de réaction. Mais après le 11-septembre et l’invasion américaine, les yeux du monde se braquent sur l’Afghanistan ravagée par les occupations étrangères, la guerre civile et la chappe de plomb qu’ont fait peser sur elle les talibans. Kandahar devient alors le témoignage le plus récent et le plus frappant des épreuves endurées par la population afghane – jusqu’à ce qu’il soit éclipsé par le succès mondial du best-seller de Khaled Hosseini Les Cerfs-volants de Kaboul et, dans une moindre mesure, par celui du livre de Yasmina Khadra, Les Hirondelles de Kaboul (l’un comme l’autre portés à l’écran ultérieurement).

Kandahar vaut donc surtout par ses qualités documentaires. Son scénario enchaîne les rencontres de l’héroïne qui tissent un portrait kaléidoscopique de l’Afghanistan en peine. D’abord une famille traditionnelle avec un homme, ses trois épouses et sa ribambelle d’enfants entassés dans un tricycle sur le chemin de retour de l’exil. Ensuite, un gamin chassé de l’école coranique qui propose à l’héroïne de la guider. Enfin, la rencontre la plus étonnante peut-être, un Afro-américain exilé en Afghanistan où il exerce sans diplôme les fonctions de docteur du village, examinant derrière un rideau les femmes qui viennent le consulter.

Il vaut aussi par quelques scènes d’une paradoxale beauté. Ainsi de ses unijambistes, aux jambes fauchées par les mines, qui courent sur leurs béquilles dans le désert pour s’approprier les prothèses parachutées par un hélicoptère de la Croix-Rouge. Ainsi de ce groupe de femmes aux burqas multicolores qui marchent dans le désert dans un convoi nuptial.

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