Jet Set (2000) ☆☆☆☆

Jimmy (Bruno Solo) est le propriétaire d’un bar cracra du 9-3. Pour lui donner un peu de lustre, son ami Fifi (Lorànt Deutsch) lui souffle une idée : faire un coup de pub en y organisant une soirée avec la jet set. Comment attirer le gotha ? En y infiltrant leur ami Mike (Samuel le Bihan), acteur raté mais séduisant. Rebaptisé pour l’occasion Alessandro di Segaffredi, le jeune banlieusard réussit tant bien que mal à se faire une place au soleil entre un aristocrate sans scrupule (Lambert Wilson), une demi-mondaine (Ornella Mutti), une actrice liposucée (Elli Medeiros), un milliardaire brésilien aux mains baladeuses (José Garcia) et un sang-bleu désargenté mais hospitalier (Guillaume Gallienne).

Jet Set fut un grand succès public au début des années 2000, à une époque où, plus sélectif, je n’allais pas encore voir n’importe quoi au cinéma. Son succès fut même si grand qu’une suite, People, fut réalisée en 2004 – qu’elle hélas j’étais allé voir à sa sortie.

J’ai vu Jet Set avec vingt ans de retard . J’en ai été abasourdi. Tout m’y a semblé mauvais, démodé : l’image poisseuse, le rythme mou, le jeu des acteurs complaisant, le scénario niais et prévisible, la chute misérable…. Même les grimaces outrancières et l’accent brésilien de José Garcia n’ont pas réussi à m’arracher un sourire. Certaines blagues soi-disant drôles ne résisteraient pas au tamis de #MeToo

Jet Set a-t-il si mal vieilli ? Son humour n’a-t-il pas résisté à l’épreuve du temps ? Ou ce film était-il déjà mauvais à sa sortie, lesté de tares que les années n’ont fait qu’accentuer ? je ne sais pas. Il faudrait l’avoir vu en 2000 – et s’en souvenir – pour le dire.

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Le Feu follet (1963) ★★☆☆

Alain Leroy (Maurice Ronet)  vient de passer une nuit avec sa maîtresse. Il est séparé de sa femme Dorothy qui vit aux États-Unis. Alcoolique repenti, il achève une cure de désintoxication dans une clinique versaillaise. Agité de pensées suicidaires, il va passer une dernière journée à Paris. Les rencontres qu’il va y faire – un ami passionné d’égyptologie, marié et père de famille, deux camarades de régiment pervertis par l’OAS, une ancienne maîtresse (Jeanne Moreau à laquelle Louis Malle venait de donner le rôle principal d’Ascenseur pour l’échafaud) – ne parviennent pas à le détourner de son macabre projet.

Le film de Louis Malle, sorti en 1963, est l’adaptation du roman de Pierre Drieu la Rochelle écrit trente ans plus tôt. Il lui est très fidèle même s’il transpose son action dans le Paris des années soixante, dont on revoit avec nostalgie les rues incroyablement embouteillées de l’époque, et s’il évoque la guerre d’Algérie et ses répliques dans la société française.

Il ne quitte pas d’une semelle Maurice Ronet, qui habite le rôle de ce trentenaire désabusé, rongé par ses démons intérieurs. Trop tôt disparu en 1983, l’acteur allait connaître son heure de gloire dans les années soixante. À l’époque sa renommée égalait celle d’un Belmondo ou d’un Delon, avec lequel il partagea d’ailleurs l’affiche de Plein soleil ou de La Piscine.

J’avais lu Le Feu follet il y a quelques années. J’en étais curieux d’en voir l’adaptation. Le film comme le livre ont fait sur moi la même impression. J’ai trouvé qu’ils souffraient l’un comme l’autre d’un défaut de construction et d’un manque de rythme, les rencontres qu’Alain Leroy fait à Paris durant sa déambulation s’accumulant sans ordre ni logique. Mais j’ai été surtout mortellement déprimé par ce sujet plombant qui m’a laissé hagard et atone.

Si vous hésitez encore à vous suicider, cher lecteur, courrez voir Le Feu follet et n’oubliez pas la corde pour vous pendre !

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Plein sud (2009) ★☆☆☆

Au volant d’une Ford hors d’âge, Sam (Yannick Rénier) a pris la route du Sud et la direction de l’Espagne pour y retrouver sa mère (Nicole Garcia) et solder avec elle un lourd passif familial. Il a pris en stop Léa (Léa Seydoux) et son frère Mathieu. Un quatrième passager, Jérémie, se joint bientôt à eux.

Sébastien Lifshitz est un des réalisateurs les plus intéressants de sa génération. Très investi dans la cause LGBT, il a réalisé ces dix dernières années, quatre documentaires marquants : Les Invisibles (2012) sur les couples homosexuels menant une vie ultra-normale, loin des caricatures qu’on en fait trop souvent, Bambi (2013) sur la vie d’une célèbre artiste transgenre de cabaret, Adolescentes (2019) sur deux jeunes filles de province qui cherchent leur voie et enfin Petite fille (2020) sur le combat d’une mère dont le fils souhaite changer de genre.

Mais avant de se fixer définitivement sur le documentaire, Sébastien Lifshitz s’était frotté à la fiction. Il avait tourné Wild Side en 2004 autour d’un trio de marginaux prostitués et transgenres. Cinq ans plus tard, il réalisait Plein sud, avec un scénario plus mainstream et des acteurs plus bankables : Léa Seydoux, icône de l’hyperféminité, Nicole Garcia toujours magnétique, Yannick Rénier dont le talent de son demi-frère, Jérémie, a hélas occulté la carrière.

Malheureusement la sauce ne prend pas. Les combinaisons amoureuses du quatuor (Mathieu aime Sam, Léa couche avec Jérémie) se déploient dans le huis clos de la voiture puis sur les plages atlantiques battues par le vent sans qu’on s’y intéresse ni s’en émeuve.
Plus intéressant serait le trauma familial de Sam qui se révèle par une série de flashbacks et dont la résolution constitue le point d’orgue du film. Mais, son manque de lien avec le road movie des quatre jeunes donne la fâcheuse impression d’un scénario mal ficelé à partir de deux sujets sans lien entre eux.

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La Cabane dans les bois (2011) ☆☆☆☆

Dana, Curt, Jules, Marty et Holden sont cinq jeunes étudiants américains insouciants qui partent passer un week-end dans un chalet au fond des bois. Ils ignorent qu’ils sont l’objet d’une minutieuse surveillance d’une mystérieuse organisation qui a truffé le chalet de caméras cachées et qui s’apprête à déchaîner contre eux les forces de l’enfer.

Le slasher est un genre essoré. On a trop souvent vu des jeunes se perdre dans les bois où, en T-shirt mouillés pour les filles, couverts de sangs pour les garçons, ils sont l’un après l’autre cruellement éviscérés par des loups-garous/ des zombies / des sorcières, pour ne pas attendre un dépassement du genre. Ce renouvellement est longtemps passé par le rire : Scream, Shaun of the dead, Bienvenue à Zombieland

La Cabane dans les bois s’inscrit dans cette veine. Il s’agit d’une parodie des films gore qui se voudrait non seulement drôle mais aussi intelligente, un croisement improbable entre The Truman Show (voire Westworld qui à l’époque n’était pas encore sorti) et Scary Movie. Josh Whedon, le créateur de Buffy contre les vampires en est le producteur et le co-scénariste. Je ne l’avais pas vu à sa sortie début 2012 ; mais ses bonnes critiques, son succès public et les loisirs que laisse (hélas) le couvre-feu m’ont incité à une séance de rattrapage.

Las ! Je n’ai rien aimé dans ce film. Je n’y ai trouvé rien de drôle (alors que Shaun of the Dead par exemple m’avait fait rire aux larmes). Rien d’intelligent non plus. Très vite, tuant tout suspens, on comprend l’intrigue qui se déploie mollement jusqu’à une conclusion inutilement grandiloquente – et l’apparition en guest star de Sigourney Weaver qui, la pauvre, doit avoir des impôts à payer. Deux consolations pour les cochon.nes qui sommeillent en chacun.e d’entre nous : et les pectoraux bodybuildés de Jesse Williams à 18′ et le chemisier de l’héroïne qu’elle a le bon goût d’ôter à 41′.

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Stavisky (1974) ★☆☆☆

« L’affaire Stavisky » défraya l’histoire de la IIIème République. Cet escroc au bras long avait réussi à éviter les poursuites grâce à ses relations dans la politique et la justice. La faillite du crédit municipal de Bayonne puis sa mort, dans des conditions obscures, à Chamonix, le 8 janvier 1934, entraînent une série de révélations qui provoquent la chute du Gouvernement et suscitent une flambée d’antiparlementarisme. Le 6 février 1934, une foule de manifestants manque d’envahir le palais-Bourbon et de renverser le régime.

En 1974, « Bébel » vient de fêter ses quarante ans. Il atteindra le sommet de sa gloire quelques années plus tard avec L’As des as et les films de Lautner qui lui confèrent une gloire qu’aucun acteur français ne connaîtra plus après lui. « Belmondo » deviendra une marque sur laquelle repose, à elle seule, la publicité des films dont il tient désormais la tête d’affiche. Mais, en 1974, Belmondo est déjà un acteur célèbre. Il tourne depuis presque vingt ans, d’abord avec les réalisateurs de la Nouvelle Vague (Jean-Luc Godard, François Truffaut), puis pour des réalisateurs plus grand public (Henri Verneuil, Philippe de Broca, Gérard Oury). Stavisky est le premier film – et le dernier – qu’il joue avec Alain Resnais. L’écrivain célèbre Jorge Semprun est au scénario et aux dialogues. Il est projeté à Cannes en compétition officielle mais n’y rencontre aucun succès. Belmondo dira qu’il fut l’une de ses plus grandes déceptions qui le décida à opter définitivement pour le cinéma de divertissement.

Il faut bien reconnaître que ce Stavisky est une cote mal taillée qui a mal résisté à l’épreuve du temps. Le choix revendiqué de Resnais, qui lui a été beaucoup reproché, est d’avoir négligé le contexte historique pour se focaliser sur le bel escroc et sa folie des grandeurs. Le problème est que le scénario, du coup, perd vite tout intérêt, dont on aura compris, puisqu’on connaît déjà la fin de l’histoire, qu’il nous racontera une chute inexorable.

L’autre problème est Belmondo lui-même qui écrase le film de son omniprésence. Bebel a dans Stavisky exactement le même bagout, le même sourire inoxydable, la même énergie inépuisable, la même gouaille sympathique que dans tous ses autres films. Si Photoshop avait existé à l’époque, on aurait pu utiliser tels quels des plans de Stavisky pour L’Homme de Rio ou Les Tribulations d’un Chinois en Chine. Le ban et l’arrière ban du cinéma français de l’époque l’entourent : Anny Duperey en vamp glamourissime, Charles Boyer vieillissant en baron d’un autre âge, Michael Lonsdale en médecin complaisant, François Périer en bras droit, Claude Rich en policier retors et même Gérard Depardieu dans un petit rôle et Niels Arestrup, mince et méconnaissable, dans un plus petit rôle encore.

À l’histoire de Stavisky a été bizarrement greffée celle de Trotski qui, à la même époque, bénéficie brièvement de l’asile politique en France, à Cassis où il débarque d’abord, à Saint-Palais près de Royan, à Barbizon et enfin à Domène près de Grenoble. Il faut sans doute y voir l’obsession de Semprun pour le fondateur de la Quatrième internationale qu’il évoque dans plusieurs de ses romans. Mais, sans lien avec celle de Stavisky, on voit mal ce qu’elle lui apporte.

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La Poursuite impitoyable (1966) ★★★☆

La petite ville de Tarl au Texas apprend avec stupéfaction l’évasion de Bubber Reeves (Robert Redford) du pénitencier où il purge la peine qui lui a été infligée pour divers larcins commis dans sa jeunesse.
Son épouse, Anna (Jane Fonda), entretient une liaison avec Jason Rodgers dont le père, enrichi dans l’industrie du pétrole, tient la ville en coupe réglée. C’est lui qui a nommé shérif Barrett Clader (Marlon Brando), un fermier sans terre.
L’évasion de Bubber Reeves dont il y a lieu de craindre que la découverte de l’adultère de sa femme n’excite sa violence, échauffe les esprits de la petite communauté où se déroulent ce jour-là deux soirées bien arrosées : la première pour l’anniversaire de Val Rodgers, la seconde moins huppée, à l’autre bout de la ville, qui réunit des employés travaillant sous ses ordres.

La Poursuite impitoyable fait partie de ces films iconiques qui valent au moins autant pour leurs qualités cinématographiques que pour le miroir qu’ils tendent à l’époque qu’ils filment.

Ils rassemblent une pléiade de stars autour de Marlon Brando pourtant dans le creux de la vague après les éclatants succès des années cinquante (Un tramway nommé désir, Viva Zapata !, Jules César, Sur les quais) et avant son retour en majesté dans les années soixante-dix avec Le Parrain. Trois jeunes acteurs, de dix ans son cadet, gravitent autour de lui : Jane Fonda, Robert Redford et, dans un rôle plus modeste, Robert Duvall. L’extraordinaire beauté, la rayonnante jeunesse des deux premiers crèvent l’écran. La puissance féline de Marlon Brando n’est pas de reste dont une scène est entrée dans la légende : celle de son tabassage en règle par trois vigilantes ivres de haine qui veulent mettre la main sur le prisonnier en fuite.

La Poursuite impitoyable dresse un portrait effroyable de l’Amérique profonde, du racisme et des préjugés de classe qui la gangrènent. Il décrit une petite communauté qu’une nuit d’ivresse suffit pour y faire ressurgir une violence atavique.

Toute l’action du film se déroule en l’espace d’une journée jusqu’à son dénouement fatal, donnant à ce western contemporain des allures de tragédie grecque.

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Lovely Bones (2009) ★☆☆☆

En 1973, en Pennsylvanie, Susie Salmond (Saoirse Ronan) est assassinée par son voisin. D’outre-tombe, elle observe sa famille faire son deuil et l’enquête policière peiner à retrouver l’auteur de son crime.

The Lovely Bones est l’adaptation du roman éponyme d’Alice Sebold publié sept ans plus tôt. En France le roman était publié sous le titre L’Empreinte de l’ange. Mais le film y sortira sous son titre d’origine – bizarrement amputé de son article. Pourquoi ? Peut-être parce que quelques mois plus tôt un film de Safy Nebbou était sorti sous le même titre.

Cette précision lexicale faite – où on aura retrouvé mon intérêt quasi-obsessionnel pour les titres originaux et les bizarreries de leur traduction – venons-en au fond.

En 2008, Peter Jackson vient de boucler la trilogie du Seigneur des anneaux, puis de réaliser King Kong. Hollywood est à ses pieds. Il pourrait avoir un chèque en blanc pour tourner n’importe quoi. Bizarrement, il jette son dévolu sur le roman à succès d’Alice Sebold, loin des hobbits, des orques et des elfes de la Terre du Milieu. Il retrouve les accents et les thèmes d’un de ses premiers films néo-zélandais, l’oublié Créatures célestes – qui avait pourtant révélé Kate Winsley.

Lovely Bones a le même mérite : il révèle Saoirse Ronan – qui n’était pas tout à fait une inconnue depuis le second rôle qu’elle tenait deux ans plus tôt dans Reviens-moi de Joe Wright. L’actrice a quinze ans à peine mais elle est époustouflante dans le rôle de la jeune Susie. Sous la gamine perce la star qui à ce jour a déjà été nommée trois fois à l’Oscar de la meilleure actrice (en 2016 pour Brooklyn, en 2018 pour Ladybird et en 2020 pour Les Filles du docteur March) et dont il faut espérer qu’elle décroche vite la prestigieuse statuette.

Hélas, la prestation de la jeune première, qui éclipse les seconds rôles tenus pourtant par des acteurs aussi chevronnés que Mark Wahlberg, Rachel Weisz et Susan Sarandon, est la seule qualité du film. Les effets spéciaux, aussi coûteux soient-ils, dont Peter Jackson pare les limbes d’où Susie observe le monde des vivants, ressemblent à des fonds d’écran Windows. Et le sujet du film, passablement guimauve, ne soutient pas l’intérêt pendant les deux heures trop longues de sa durée.

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La Vague (2008) ★★★☆

Chargé de réaliser un projet autour du thème de la dictature, un professeur de lycée lance avec ses élèves une expérience grandeur nature qui lui échappe rapidement.

La Vague fait partie de ces films-culte qui ne firent pas grand bruit à leur sortie, mais qui acquirent au fil du temps une renommée grandissante. Il la doit en grande partie aux professeurs d’allemand qui le projettent souvent à leurs élèves pour leur montrer comment une dictature peut s’installer. J’ai hélas une bonne vingtaine d’années de trop pour l’avoir vu au lycée (à mon époque, des profs d’allemand soixante-huitards nous y faisaient écouter 99 Luftballons de Nina pour nous alerter sur les dangers de la division allemande). C’est donc avec une dizaine d’années de retard que je le découvre.

La Vague s’inspire d’une expérience menée dans un lycée californien à la fin des années soixante. Elle donna lieu dix ans plus tard à un téléfilm et à un roman. Que son adaptation allemande soit passée à la postérité est en soi significatif. Car c’est évidemment au nazisme et aux ressorts qu’il a utilisés pour subvertir la société allemande que La Vague fait immanquablement référence.

La Vague démonte les mécanismes par lesquels un groupe, sous l’emprise d’un leader (Führer en allemand, Duce en italien), se constitue une identité, en se dotant d’un uniforme, d’un logo, d’un salut et en rejetant tous les éléments qui lui sont étrangers ou hostiles.

Le sujet est glaçant. La façon dont il est mis en scène souffre hélas d’une certaine lourdeur démonstrative. Chaque personnage est réduit à sa caricature : le prosélyte enthousiaste, le Kapo bas du front, la résistante, l’opportuniste, etc. Le film est sauvé par son dénouement qu’on n’oubliera pas de sitôt.

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De grandes espérances (1998) ☆☆☆☆

Finn est un orphelin, passionné par le dessin, élevé par son oncle dans une petite ville côtière de Floride. Il aide un forçat (Robert De Niro) à fuir la police,  rencontre une riche veuve (Anne Bancroft) et tombe éperdument amoureux de Estella, sa protégée.
Devenu adulte, Finn (Ethan Hawke) expose ses toiles à New York grâce à la dotation qui lui est versée par un mystérieux avocat et retrouve Estella (Gwyneth Paltrow).

Avant de devenir un immense cinéaste, couronné deux fois par l’Oscar du meilleur réalisateur (en 2014 pour Gravity et en 2019 pour Roma), Alfonso Cuarón a fait ses premiers armes à Hollywood où la Twentieth Century Fox lui avait confié le soin de réaliser une nouvelle adaptation de De grandes espérances. Le défi était audacieux : l’adaptation du célèbre roman de Charles Dickens par David Lean en 1946 passait pour indépassable. Force est hélas de constater que la version de 1998 d’Alfonso Cuarón ne l’a pas dépassée. Loin s’en faut…

Le parti pris est celui d’une transposition de l’intrigue dickensienne à l’époque moderne. On quitte le Kent pour la Floride, Londres pour New York. Pip est rebaptisé Finn – alors qu’Estella garde son nom – son oncle n’est plus forgeron mais pêcheur, etc…

Le studio s’était assuré d’un brillant casting. Les rôles de Finn et d’Estella étaient confiés à deux étoiles montantes : Ethan Hawke, bellâtre mou et fade, et Gwyneth Paltrow, d’une maigreur maladive mais d’une irradiante beauté. Pour les entourer, on leur adjoignait deux valeurs sures : Anne Bancroft, la cougar du Lauréat, et Robert De Niro, qui n’avait pas encore entamé la lente déchéance qui allait caractériser sa filmographie pendant les vingt années suivantes.

Hélas, rien ne marche dans ce film. À qui la faute ? À l’académisme de la réalisation ? À la mièvrerie des deux acteurs principaux ? Aux vingt années écoulées depuis la sortie de ce film qui m’aurait peut-être apparu moins démodé si je l’avais vu dès sa sortie ? Ou – osons avancer cette hypothèse sacrilège – à la désuétude d’un roman surcoté qui prend plus de cinq cents pages pour délivrer un message qui tient en une phrase : « La vie déçoit souvent les espérances qu’elle a fait naître ».

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Jane B. par Agnès V. (1988) ★★★☆

Séduite par sa fragilité et par sa douceur, Agnès Varda, la soixantaine, a consacré un documentaire à Jane Birkin, sa cadette. Dans la foulée elle a tourné la fiction dont l’actrice avait rédigé l’ébauche du scénario, Kung-fu Master. Les deux films sortaient en même temps, à une semaine d’intervalle à la fin de l’hiver 1988.

Jane pourrait être la petite sœur d’Agnès, ou sa grande fille. Entre les deux femmes, on sent une complicité chaleureuse, une sororité émouvante. Jane Birkin, dont le statut de nymphette acquis aux côtés de Gainsbourg dans les 70ies, avait donné l’image d’une starlette scandaleuse, se révèle une femme pudique, secrète. Agnès V. lui demande de vaincre cette pudeur, de regarder la caméra dans les yeux et de se livrer. Jane B. l’accepte avec un bel abandon. Les mots qu’elle a pour ses compagnons, pour ses trois filles sont profondément touchants.

Jane B. par Agnès V. n’est pas un documentaire classique, une biographie sage passant chronologiquement en revue la carrière d’une actrice. D’Agnès Varda, on pouvait attendre autre chose. Et on n’est pas déçu.

Agnès V. entrelarde son documentaire de séquences fictionnelles pas toujours convaincantes. On y voit Jane Birkin jouer de petites saynètes avec Jean-Pierre Léaud, Philippe Léotard, Farid Chopel ou Alain Souchon… et on se sent bien vieux.

Les moments les plus réussis du documentaire sont ceux qui nous font pénétrer dans l’intimité de Jane B.. Elle nous ouvre les portes de sa maison, dans une paisible arrière-cour parisienne, choisie, on l’imagine, pour se protéger du tumulte urbain. Jane y déambule de pièce en pièce, en décrivant les objets qui les remplissent, en racontant leurs histoires. Ces riens pourraient être insignifiants ; ils sont bouleversants.

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