Vénus et Fleur (2003) ★★☆☆

Fleur (Isabelle Pirès) est une timide jeune femme venue passer quelques jours d’été à Marseille dans la villa que lui prêtent son oncle et sa tante. Elle y croise Vénus (Veroushka Knoge), une exubérante Russe, qui tombe amoureuse aussi vite qu’elle se lasse de ses amants successifs. Les deux jeunes femmes sympathisent et passent quelques jours ensemble à déambuler dans la cité phocéenne et à y faire des rencontres plus ou moins réussies.

Emmanuel Mouret est devenu récemment un réalisateur reconnu. Mademoiselle de Joncquières en 2018, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait en 2020 sont autant de succès critiques et publics. Avant d’atteindre la célébrité, le jeune réalisateur marseillais a tourné une demi-douzaine de petits films charmants où il met élégamment en scène les jeux de l’amour et du hasard. Ces films, souvent tournés au bord de la Méditerranée dans la ville natale de Mouret, adoptent volontiers un point de vue féminin : c’est à travers les yeux de ses héroïnes que sont analysées les rencontres amoureuses qui émaillent ses films et les sentiments qu’elles provoquent. Très écrits, les films rohmériens de Mouret frisent parfois la préciosité et provoquent selon les spectateurs deux réactions radicalement opposées : soit on adore, soit on déteste.

Vénus et Fleur, son deuxième long métrage après Laissons Lucie faire !, a l’ensemble de ses caractéristiques. Il a le charme des marivaudages rohmériens d’Emmanuel Mouret.  Il en a à la fois la spontanéité rafraîchissante et l’artificialité parfois horripilante. Il en a la légèreté apparente qui, plus le film avance, se leste d’une étonnante gravité. Il a néanmoins un défaut si on le compare aux autres films d’Emmanuel Mouret : ni Isabelle Pirès, ni Veroushka Knoge n’ont le charme et le talent des actrices dont Emmanuel Mouret a eu la bonne idée de s’entourer dans ses autres films (Frédérique Bel, Judith Godrèche, Julie Gayet, Virginie Ledoyen, Déborah François, Anaïs Demoustier…).

La bande-annonce

Vacances à Venise (1955) ★★☆☆

Jane Hudson (Katharine Hepburn) passe seule des vacances à Venise. Le nez au vent, l’appareil photo en bandoulière, escortée du seul Mauro, un jeune Gavroche vénitien, Jane déambule dans la Cité des doges. Elle croise quelques compatriotes dans la pension de famille qui l’héberge : un couple de vieux touristes caricaturaux, un artiste infidèle et sa femme…
Même si elle refuse de l’admettre, Jane, célibataire endurcie, se sent seule. Elle est du coup sensible au charme de Renato (Rossano Brazzi), un bel Italien aperçu à la terrasse d’un café qui tient une boutique d’antiquités.

Vacances à Venise est un film étonnant dont on se demande s’il a horriblement mal vieilli ou si, au contraire, ses défauts le font échapper à l’outrage du temps.

C’est un film de 1955 en Technicolor à une époque où le procédé était encore exceptionnel. Si David Lean l’utilise, c’est pour magnifier la beauté de Venise décrite comme une ville de carte postale. La Cité des doges, filmée en plein été, brille de mille feux – alors que beaucoup de réalisateurs la filmeront l’hiver dans une brume qui la nimbe de mystère (Le Casanova de Fellini, Mort à Venise…)

Dans cet écrin magique, on s’attache aux pas de Jane. L’héroïne est interprétée par l’une des plus grandes actrices du temps – voire de tous les temps. La cinquantaine approchant, on pouvait croire que Katharine Hepburn, qui venait de tourner African Queen avec Humphrey Bogart,  était au sommet de sa gloire. Pourtant, elle gagnera encore trois Oscars (en 1968, en 1969 et en 1982) et mourra en 2003 à quatre-vingt-seize ans, panthéonisée de son vivant.

Le rôle qu’elle joue ici manque toutefois cruellement de profondeur. Elle interprète une vieille fille au mitan de sa vie. La sensualité des chaudes nuits vénitiennes et la conscience angoissée du temps qui passe la pressent de faire une rencontre amoureuse. Elle se laisse séduire par le premier bellâtre venu tout en ayant conscience du caractère éphémère de cette liaison. Quand la vérité éclatera – le bellâtre est marié et père de famille – la déception sera rude.

La conclusion de Vacances à Venise s’avère beaucoup moins frivole, beaucoup plus sombre que ses débuts ne le laissaient imaginer. On y reconnaît la patte du réalisateur de Brève Rencontre, un des films d’amour les plus poignants et les plus tristes que j’aie jamais vu.

La bande-annonce

Safari (2009) ★★☆☆

Pour rembourser une dette de jeu contractée auprès d’un dangereux mafieux sud-africain, Richard Dacier (Kad Merad), qui n’a pas remis les pieds dans la brousse depuis des années et a une peur bleue des bêtes fauves, doit cornaquer un groupe de cinq touristes français jusqu’à la frontière mozambicaine. Le safari sera riche en péripéties.

J’ai regardé hier soir Safari pour deux (bonnes ?) raisons. La première : j’avais cité sans l’avoir vu ce titre dans la filmographie de mon livre La France et l’Afrique où je prétendais recenser l’ensemble des films mettant en scène la présence française en Afrique depuis La Croisière noire (1924) jusqu’à ce Safari sorti au moment de mettre sous presse en passant par La Victoire en chantant (1976), Les Bronzés (1978) et Coup de torchon (1981). La seconde : après m’être enquillé la veille un film finlandais sous Tranxène, j’avais bêtement envie de passer une bonne soirée.

Pourtant l’affiche de Safari a de quoi faire fuir. La bande-annonce laisse augurer une succession de gags beaufs vaguement reliés entre eux par un scénario inconsistant. Et le gros succès au box-office – Safari a réalisé près de deux millions d’entrées – fait naître le soupçon snob d’un film plébéien.

Les hoquets de rire que Safari m’a arrachés m’ont fait ravaler mon mépris de classe. Quelques scènes sont franchement cocasses, comme celle avec Omar Sy en putschiste à l’accent québécois ou avec Yannick Noah en chef de village faussement authentique. Quelques répliques sont très drôles : « Un homme de fer, Dacier » « C’est mon fils, ma bataille », « Personne d’autre que moi n’urinera sur cette femme »…

Olivier Baroux, le complice de toujours de Kad Merad, a le chic pour faire vibrer la corde de l’humour populaire. Safari est son deuxième film seulement après une longue carrière devant la caméra. Il n’en signera pas moins d’une dizaine pendant la décennie suivante, au nombre desquels Les Tuche et ses suites. Certes, on est loin de Bergman ou d’Antonioni. On est plutôt dans la veine de Zidi ou de Oury : un cinéma du dimanche soir, ou du dimanche après-midi, destiné à un large public familial, dont les gamins se gondolent en rejouant les scènes les plus drôles à la récré.

La bande-annonce

Ariel (1988) ★★★☆

Taisto Kasurinen travaillait au nord de la Finlande dans une mine qui vient de fermer. Avant de se suicider, son père lui fait don de sa rutilante décapotable américaine et l’incite à quitter la région. Taisto suit son conseil et gagne Helsinki. En chemin, deux voyous le délestent de ses économies. Sans le sou, Taisto survit tant bien que mal dans la capitale. Il y fait la connaissance d’Irmeli qui l’héberge. Il retrouve par hasard l’un de ses assaillants, le rosse, mais se fait arrêter pour violence et enfermer en prison. Avec l’aide de son compagnon de cellule, il réussit à s’évader et à quitter la Finlande pour le Mexique à bord du cargo Ariel.

Arte a le bon goût de programmer une rétrospective Kaurismäki. C’est l’occasion de voir ou de revoir les films du plus grand réalisateur finlandais – et du seul dont la renommée ait franchi les frontières. Lorsqu’il tourne Ariel en 1988, il est encore inconnu. La célébrité ne viendra que quelques années plus tard avec L’Homme sans passé, Grand Prix et prix d’interprétation féminine à Cannes en 2002, souvent considéré comme son meilleur film – que Arte a la bonne idée de rediffuser aussi.

Ariel est le deuxième volet d’une Trilogie du prolétariat que Kaurismâki consacre au petit peuple de Helsinki. Son cinéma possède déjà les caractéristiques qu’il n’abandonnera pas et constituent sa marque distinctive. Kaurismäki filme en plans fixes des scènes quasi muettes souvent caractérisées par leur humour noir. Ses personnages ne montrent aucun sentiment et échangent parfois d’une voix sans timbre quelques rares paroles : « – Marions nous et faisons des enfants – J’en ai déjà un – Ah bon… autant de temps de gagné ». La vie leur réserve bien des avanies ; mais ils montrent face à elles, avant que le mot devienne à la mode, une étonnante résilience.

Listé parmi les 1001 films à voir avant de mourir, Ariel est un film emblématique du cinéma de Kaurismäki. Il dure soixante-douze minutes à peine. Il a certes l’image poisseuse et le son grésillant des films qui ont mal vieilli. Mais il n’en reste pas moins l’une des meilleures portes d’entrée dans l’œuvre de ce réalisateur si particulier.

La bande-annonce (en allemand)

Clueless (1995) ★☆☆☆

Cher Horowitz (Alicia Silverstone) a seize ans. Elle habite seule avec son père une immense villa luxueuse de Beverly Hills. Avec son inséparable amie Di (Stacey Dash), elle est la coqueluche de son lycée. Quand arrive en milieu d’année une nouvelle élève, Tai (Britanny Murphy), Cher et Di la prennent sous leurs ailes et tentent de lui trouver un petit ami. Si Di a un copain, la vie sentimentale de Cher est plus compliquée : Cher rejette Elton qui la courtise, essaie de séduire Christian, qui s’avère être homo. Trouvera-t-elle le bonheur avec Josh (Paul Rudd), le fils d’un premier lit de la nouvelle épouse de son père ?

Sorti en 1995, Clueless est un film d’anthologie au point de figurer parmi les « 1001 films à voir avant de mourir ». Il est considéré parfois comme le film ayant lancé la mode des teen movies, parfois comme le meilleur jamais réalisé. Ces deux affirmations sont sujettes à caution.

Le genre des teen movies n’est pas né avec Clueless. Il lui était préexistant. Sans en faire remonter la naissance aux années cinquante et considérer que L’Équipée sauvage avec Marlon Brando ou La Fureur de vivre avec James Dean en constitue les premières manifestations, le genre émerge dans les années soixante-dix avec American Graffiti. Il connaît un premier âge d’or dans les années quatre-vingts avec les comédies de John Hughes (Seize bougies pour SamThe Breakfast ClubUne créature de rêve, La Folle Journée de Ferris Bueller…) et l’émergence de sous-genres musicaux (Grease), d’horreur (Carrie) ou de science-fiction (Retour vers le futur et ses suites) . Si Clueless marque l’histoire des teen movies, c’est en en relançant la mode et, par son humour gentiment ironique, en ouvrant la voie à toute une série de films similaires (Lolita malgré moi, La Revanche d’une blonde, etc.) ainsi qu’aux délirantes comédies de Judd Apatow de la décennie suivante.

À défaut d’être le film qui a initié le genre des teen movies, Clueless est-il le meilleur film du genre ? Je ne suis pas de cet avis. Loin s’en faut. Peut-être, comme pour Jet Set il y a quelques jours, Clueless a-t-il mal résisté à l’épreuve du temps et m’aurait-il paru plus aimable si je l’avais vu à sa sortie. Peut-être aussi étais-je meilleur public pour ce genre de films-là à vingt-cinq ans qu’à cinquante. Pour autant, je n’ai rien trouvé de drôle ni d’intelligent à cette laborieuse adaptation du Emma de Jane Austen, qui transpose dans un lycée ultra-chic de Californie les délicieux marivaudages géorgiens de l’auteure pleine d’ironie de Orgueil et préjugés. Sans doute Alicia Silverstone y est-elle délicieuse – même si je la confonds toujours avec Reese Witherspoon – et ses tenues, même si la mode a changé en vingt-cinq ans, sont-elles incroyables. Mais ce sont bien là les seuls atouts de ce film étonnamment surcoté.

La bande-annonce

Code inconnu (2000) ★★★☆

La première scène de Code inconnu, filmée en lent traveling dans une rue parisienne très achalandée réunit la quasi-totalité des protagonistes d’un récit fragmenté. On y fait la connaissance d’Ana (Juliette Binoche), une actrice dont Georges, le compagnon, est photographe de guerre. Jean, le frère cadet de Georges, qui a quitté sur un coup de tête la ferme dont un père autoritaire voudrait lui faire reprendre les rênes, frappe à la porte d’Ana et lui demande l’hospitalité. En se promenant dans la rue, Jean jette un détritus à une mendiante roumaine, Maria, venue en France à la recherche d’une vie meilleure. La désinvolture de ce geste grossier scandalise Amadou, qui est éducateur dans un institut de sourds-muets. Le ton monte. Les esprits s’échauffent. La police doit intervenir.

Michael Haneke est sans conteste l’un des plus grands réalisateurs contemporains. Il a reçu deux Palmes d’or, en 2009 pour Le Ruban blanc et en 2012 pour Amour, des œuvres froides, violentes, traumatisantes. Lorsqu’il sort Code inconnu en 2000, Michael Haneke n’est plus tout à fait un inconnu – la tension asphyxiante de son précédent film, Funny Games, sélectionné à Cannes en 1997, avait déjà marqué les esprits – mais il n’est pas encore le maestro qu’il deviendra dix ans plus tard.

Pour la première fois, Michael Haneke, produit par son ami Marin Karmitz, tourne en France – il y reviendra souvent avec Caché, Amour et Happy End – avec des acteurs français pour la plupart (parmi lesquels on reconnaît certains jeunes talents tels Florence Loiret-Caille ou Aïssa Maïga). Il retrouve la même structure que celle de 71 fragments d’une chronologie du hasard sorti cinq ans plus tôt. Il s’agit de juxtaposer, un peu comme Georges Perec dans La Vie, mode d’emploi, des vignettes sans lien évident entre elles. Ces saynètes s’interrompent parfois brutalement, avant leur fin logique, nous rappelant que, dans la vie réelle, à la différence du cinéma « totalitaire », la réalité d’une situation est souvent tronquée.

Code inconnu peut rebuter. Son sujet peut sembler insaisissable. On peut lui reprocher ses parti-pris formels trop intellectualisants. Emblématique de l’œuvre de Haneke et annonciateur de ses plus grands films, Code inconnu n’en laisse pas moins une marque durable.

La bande-annonce

La Taverne de la Jamaïque (1939) ★★★☆

L’action se déroule en Cornouailles, au début du dix-neuvième siècle.  La taverne de la Jamaïque est un repaire de brigands et de naufrageurs. Son propriétaire, Joss Merlyn, est le chef de cette bande de criminels. Sa nièce, Mary (Maureen O’Hara), devenue orpheline, s’est invitée chez lui sans rien savoir des activités criminelles qui s’y trament. Elle arrive à la taverne juste après le naufrage d’un navire, alors que les bandits se partagent le butin et manquent de tuer l’un des leurs, James Trehearne (Robert Newton), qu’ils suspectent de trahison. C’est Mary qui sauve Trehearne de la mort. Les deux fugitifs courent se réfugier chez le juge de paix Sir Humphrey Pengallan (Charles Laughton), un noble plein de morgue, qui, en réalité, est le donneur d’ordre des brigands.

La Taverne de la Jamaïque est l’ultime film que tourne Hitchcock à Londres en 1939 avant son départ pour les États-Unis. C’est sa première adaptation d’un roman de Daphné du Maurier – avant Rebecca et Les Oiseaux. C’est une œuvre particulière dans l’œuvre de Hitch dont il n’a pas eu la maîtrise et qu’il a d’ailleurs reniée.

Charles Laughton, l’immense acteur anglais, qui en est l’acteur principal et le coproducteur, a tiré la couverture à lui, imposant d’importantes modifications au livre de Daphné du Maurier pour donner plus de visibilité à son rôle. Est-ce un mal ? Bien au contraire. Car il y interprète un méchant d’anthologie, caricatural et outré, dont les excès deviennent attachants.

La Taverne de la Jamaïque est une des rares incursions du grand Hitch dans le film historique (ne me vient à l’esprit que Les Amants du Capricorne dont l’action se déroule également au début du dix-neuvième siècle). Sur un thème très proche, le grand Fritz Lang a commis Les Contrebandiers de Moonfleet qui est loin d’être son chef-d’œuvre.

Pour autant, La Taverne de la Jamaïque a beaucoup mieux passé l’épreuve du temps que Les Contrebandiers … . Le mérite en revient à un scénario rebondissant. L’action, resserrée sur deux jours seulement, ne connaît aucun temps mort. Hitchcock utilise, avec une incroyable maîtrise, les décors, notamment ceux de l’intérieur de la taverne, pour organiser les allées et venues des personnages. On se croirait au théâtre, avec des portes qui claquent, des personnages qui se cherchent, qui s’évitent, qui entrent, qui sortent, sans que ce jeu ne soit jamais ni vain ni illisible.

La bande-annonce

Jet Set (2000) ☆☆☆☆

Jimmy (Bruno Solo) est le propriétaire d’un bar cracra du 9-3. Pour lui donner un peu de lustre, son ami Fifi (Lorànt Deutsch) lui souffle une idée : faire un coup de pub en y organisant une soirée avec la jet set. Comment attirer le gotha ? En y infiltrant leur ami Mike (Samuel le Bihan), acteur raté mais séduisant. Rebaptisé pour l’occasion Alessandro di Segaffredi, le jeune banlieusard réussit tant bien que mal à se faire une place au soleil entre un aristocrate sans scrupule (Lambert Wilson), une demi-mondaine (Ornella Mutti), une actrice liposucée (Elli Medeiros), un milliardaire brésilien aux mains baladeuses (José Garcia) et un sang-bleu désargenté mais hospitalier (Guillaume Gallienne).

Jet Set fut un grand succès public au début des années 2000, à une époque où, plus sélectif, je n’allais pas encore voir n’importe quoi au cinéma. Son succès fut même si grand qu’une suite, People, fut réalisée en 2004 – qu’elle hélas j’étais allé voir à sa sortie.

J’ai vu Jet Set avec vingt ans de retard . J’en ai été abasourdi. Tout m’y a semblé mauvais, démodé : l’image poisseuse, le rythme mou, le jeu des acteurs complaisant, le scénario niais et prévisible, la chute misérable…. Même les grimaces outrancières et l’accent brésilien de José Garcia n’ont pas réussi à m’arracher un sourire. Certaines blagues soi-disant drôles ne résisteraient pas au tamis de #MeToo

Jet Set a-t-il si mal vieilli ? Son humour n’a-t-il pas résisté à l’épreuve du temps ? Ou ce film était-il déjà mauvais à sa sortie, lesté de tares que les années n’ont fait qu’accentuer ? je ne sais pas. Il faudrait l’avoir vu en 2000 – et s’en souvenir – pour le dire.

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Le Feu follet (1963) ★★☆☆

Alain Leroy (Maurice Ronet)  vient de passer une nuit avec sa maîtresse. Il est séparé de sa femme Dorothy qui vit aux États-Unis. Alcoolique repenti, il achève une cure de désintoxication dans une clinique versaillaise. Agité de pensées suicidaires, il va passer une dernière journée à Paris. Les rencontres qu’il va y faire – un ami passionné d’égyptologie, marié et père de famille, deux camarades de régiment pervertis par l’OAS, une ancienne maîtresse (Jeanne Moreau à laquelle Louis Malle venait de donner le rôle principal d’Ascenseur pour l’échafaud) – ne parviennent pas à le détourner de son macabre projet.

Le film de Louis Malle, sorti en 1963, est l’adaptation du roman de Pierre Drieu la Rochelle écrit trente ans plus tôt. Il lui est très fidèle même s’il transpose son action dans le Paris des années soixante, dont on revoit avec nostalgie les rues incroyablement embouteillées de l’époque, et s’il évoque la guerre d’Algérie et ses répliques dans la société française.

Il ne quitte pas d’une semelle Maurice Ronet, qui habite le rôle de ce trentenaire désabusé, rongé par ses démons intérieurs. Trop tôt disparu en 1983, l’acteur allait connaître son heure de gloire dans les années soixante. À l’époque sa renommée égalait celle d’un Belmondo ou d’un Delon, avec lequel il partagea d’ailleurs l’affiche de Plein soleil ou de La Piscine.

J’avais lu Le Feu follet il y a quelques années. J’en étais curieux d’en voir l’adaptation. Le film comme le livre ont fait sur moi la même impression. J’ai trouvé qu’ils souffraient l’un comme l’autre d’un défaut de construction et d’un manque de rythme, les rencontres qu’Alain Leroy fait à Paris durant sa déambulation s’accumulant sans ordre ni logique. Mais j’ai été surtout mortellement déprimé par ce sujet plombant qui m’a laissé hagard et atone.

Si vous hésitez encore à vous suicider, cher lecteur, courrez voir Le Feu follet et n’oubliez pas la corde pour vous pendre !

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Plein sud (2009) ★☆☆☆

Au volant d’une Ford hors d’âge, Sam (Yannick Rénier) a pris la route du Sud et la direction de l’Espagne pour y retrouver sa mère (Nicole Garcia) et solder avec elle un lourd passif familial. Il a pris en stop Léa (Léa Seydoux) et son frère Mathieu. Un quatrième passager, Jérémie, se joint bientôt à eux.

Sébastien Lifshitz est un des réalisateurs les plus intéressants de sa génération. Très investi dans la cause LGBT, il a réalisé ces dix dernières années, quatre documentaires marquants : Les Invisibles (2012) sur les couples homosexuels menant une vie ultra-normale, loin des caricatures qu’on en fait trop souvent, Bambi (2013) sur la vie d’une célèbre artiste transgenre de cabaret, Adolescentes (2019) sur deux jeunes filles de province qui cherchent leur voie et enfin Petite fille (2020) sur le combat d’une mère dont le fils souhaite changer de genre.

Mais avant de se fixer définitivement sur le documentaire, Sébastien Lifshitz s’était frotté à la fiction. Il avait tourné Wild Side en 2004 autour d’un trio de marginaux prostitués et transgenres. Cinq ans plus tard, il réalisait Plein sud, avec un scénario plus mainstream et des acteurs plus bankables : Léa Seydoux, icône de l’hyperféminité, Nicole Garcia toujours magnétique, Yannick Rénier dont le talent de son demi-frère, Jérémie, a hélas occulté la carrière.

Malheureusement la sauce ne prend pas. Les combinaisons amoureuses du quatuor (Mathieu aime Sam, Léa couche avec Jérémie) se déploient dans le huis clos de la voiture puis sur les plages atlantiques battues par le vent sans qu’on s’y intéresse ni s’en émeuve.
Plus intéressant serait le trauma familial de Sam qui se révèle par une série de flashbacks et dont la résolution constitue le point d’orgue du film. Mais, son manque de lien avec le road movie des quatre jeunes donne la fâcheuse impression d’un scénario mal ficelé à partir de deux sujets sans lien entre eux.

La bande-annonce