La Terre (1930) ★★☆☆

L’Ukraine au temps de la collectivisation. Le monde ancien meurt ; un nouveau lève. Un vieux paysan encore voûté sur sa charrue s’inquiète des changements en cours. Mais son fils Vassili déborde d’enthousiasme. Avec la collectivisation viendra la mécanisation symbolisée par ce tracteur qui arrive sous les applaudissements des paysans et qui facilitera la récolte. Vassili exulte et partage sa joie avec Natalka sa fiancée.
Mais les évolutions en cours ne sont pas du goût de tous. Khoma, le fils du koulak, hostile à la collectivisation et jaloux de Vassili, le tue d’une balle. Le père de Vassili refuse que son fils soit enterré selon le rite orthodoxe. C’est une foule silencieuse qui accompagne la dépouille du jeune kolkhozien tandis que Khoma, devenu fou, confesse son crime.

La Terre d’Alexandre Dovjenko est un film d’anthologie. « Le plus beau film du monde » annonce Bach films, avec un brin d’exagération, sur la jaquette du DVD. C’est que La Terre marque l’apogée du cinéma muet soviétique, dans la lignée des grands films de Eisenstein (Le Cuirassé Potemkine, Octobre) qui en ont éclipsé la mémoire.

La Terre est bien sûr une œuvre de propagande qui ne recule devant aucune outrance. Vassili incarne jusqu’à la caricature l’énergie et l’enthousiasme des jeunes forces révolutionnaires qui réussit à convaincre son vieux père des avantages de la modernisation là où le vieux pope reste prisonnier de son obscurantisme. Khoma au contraire est l’archétype du koulak aigri et revanchard dont même la Pravda, dans sa critique de l’époque, avait pointé du doigt le manichéisme. On ne peut aujourd’hui regarder cette ode à la collectivisation sans avoir à l’esprit l’effroyable famine qu’elle allait provoquer en Ukraine deux ans plus tard.

Pour autant, si on fait litière de cet encombrant arrière-plan propagandiste, si on accepte les conventions et les lourdeurs du muet, aujourd’hui irrémédiablement passées de mode, si on n’est pas rebuté par l’état catastrophique de l’image qui a pourtant été restaurée au début des 70ies par Mosfilm, on ne peut que se laisser emporter par l’énergie panthéiste, par la virtuosité sensuelle qui se dégage de La Terre.

Le film en v.o.

Cure (1997) ★☆☆☆

L’inspecteur Takabe enquête sur une série de meurtres présentant entre eux d’étranges coïncidences. Les victimes sauvagement assassinées portent toutes la même blessure en forme de croix cisaillée sur leur cou. Les assassins avouent tour à tour leurs crimes sans parvenir à en rassembler le souvenir ni à en expliquer la raison. Très vite, l’enquête conduit Takabe sur les traces de Mayima, un étudiant en médecine amnésique ou feignant de l’être, doté de mystérieux dons de mesmérisme.

Kiyoshi Kurosawa – dont on répète depuis vingt ans qu’il n’a aucun lien de parenté avec son célèbre aîné Akira Kurosawa – s’est fait connaître tardivement hors du Japon. Réalisé en 1997, sorti en France deux ans plus tard, Cure est le premier de ses films à avoir franchi les frontières alors que Kurosawa avait quarante ans passés. Depuis, sa renommée n’a cessé de croître avec des films aussi réussis que Tokyo Sonata (2008), Shokuzai (2012) ou, le dernier en date, Au bout du monde (2019) que j’avais particulièrement apprécié.

Avec Cure, Kurosawa s’affirme comme un nouveau maître du cinéma japonais. À mi-chemin du polar et du film fantastique, il invente un nouveau genre. Comme tous les bons récits sur les serial killers, ses films convoquent des policiers têtus et des assassins particulièrement pervers, auteurs de crimes sadiques (Cure est interdit aux moins de douze ans). Mais Cure ne se réduit pas à la traque du meurtrier et l’élucidation des crimes qu’il a commis. Kurosawa consacre autant sinon plus d’attention à la description d’une société en voie de délitement, rongée par la peur.

Je n’ai jamais été un grand fan des films de Kurosawa, que je vais pourtant voir stoïquement à chacune de leur sortie. Je trouve leur contenu trop noir, et surtout trop languide. Je reconnais volontiers qu’il n’a pas son pareil pour créer des ambiances étouffantes, pour camper des personnages fantomatiques, à mi-chemin entre réel et cauchemar. Mais ce sont des ambiances qui ne m’intéressent pas, des personnages pour lesquels je ne ressens aucune empathie, des cauchemars que je n’ai pas envie de faire.

La bande-annonce

Frissons (1975) ★☆☆☆

Le docteur Emil Hobbes a inventé un parasite qui lève les inhibitions sexuelles des personnes auxquelles il est inoculé. Mais le docteur constate sur la jeune femme qu’il a utilisée comme cobaye la réaction monstrueuse qu’il a suscitée. Horrifié par son invention, il assassine la jeune femme, brûle à l’acide les parasites et se donne la mort. Mais le mal est fait : le parasite s’est déjà répandu dans un immeuble de luxe en périphérie de Montréal désinhibant les appétits sexuels de ses habitants et y provoquant une monstrueuse orgie.

Frissons – diffusé au Canada et aux Etats-Unis sous plusieurs titres différents : Shivers, The Parasite Murders, They Came from Within – est le premier long métrage de David Cronenberg. Il fit scandale à sa sortie.

On peut certes y voir les prémisses de l’œuvre d’un des plus grands réalisateurs contemporains, inlassable entomologiste du corps humain, de ses névroses et de ses dérèglements. On peut aussi voir dans Shivers un film qui bouscule le conformisme ambiant, qui fait le procès du puritanisme dans lequel le Canada de l’époque était englué et qui, sous couvert d’en souligner l’horreur, ose montrer des scènes d’orgie (il fut évidemment interdit à un jeune public à sa sortie).

Mais, si on fait abstraction de ses éléments de contexte, Shivers se réduit à pas grand chose. Certes, il a une qualité : son action se déroule quasiment en temps réel dans une luxueuse résidence. Unité de temps, unité de lieu, unité d’action. Mais c’est peut-être la seule qualité d’un film dont l’indigence des moyens saute aux yeux, dans la qualité du son et de l’image, dans celle des décors et des costumes, dans la direction d’acteurs, dans l’écriture du scénario, platement linéaire. Shivers est un thriller désuet qui n’angoisse pas, un film d’horreur passé de mode qui ne fait pas peur.

La bande-annonce

La Fille aux allumettes (1990) ★★★☆

Iris (Kati Outinen) travaille dans une fabrique d’allumettes à Helsinki. Elle verse tout son salaire à sa mère et à son beau-père qui l’hébergent dans un deux pièces miteux de la cité ouvrière. Elle croit trouver l’amour auprès d’Arne qui la méprise et l’humilie. La vie d’Iris ne peut que verser dans la tragédie.

L’Homme sans passé (2002) est souvent présenté comme le meilleur film d’Aki Kaurismäki. Il a raté de peu la Palme d’or à Cannes et y a obtenu, en guise de consolation, le Grand prix. Kati Outinen y a décroché le prix d’interprétation féminine. Le film a valu à Kaurismäki l’un des six Jussis (l’équivalent des Césars en Finlande) de sa longue carrière. Pourtant ce n’est pas mon préféré.

La Fille aux allumettes l’est peut-être. Car il résume le mieux selon moi le cinéma du maître finlandais. Résumer est le mot juste ; car il dure soixante-neuf minutes à peine, flirtant avec les canons du moyen métrage. Tout y est concentré, sans une once de gras : les banlieues pauvres de Helsinki, des personnages mutiques écrasés par une vie sans joie mais dotés d’une solide résilience, des plans fixes souvent suréclairés donnant aux images une patine de romans-photos, un humour grinçant, une bande musicale qui alterne les airs les plus démodés aux expérimentations néo-punks….

Kati Outinen porte le film sur ses frêles épaules. La beauté hyperboréenne, elle a vingt neuf ans déjà à la sortie de La Fille aux allumettes ; mais elle en fait bien dix de moins. C’est son troisième film sous la direction de Aki Kaurismäki avec qui elle en tournera huit autres. Avec La Fille aux allumettes, elle décroche son premier Jussi de la meilleure actrice (suivront deux autres en 1997 pour Au loin s’en vont les nuages et en 2002 pour L’Homme sans passé). Elle est si misérable durant la première moitié du film qu’on se demande un instant si elle ne joue pas un remake du comte du Danois Andersen et si elle va mourir de froid, sa dernière allumette soufflée. L’évolution du personnage dans la seconde moitié du film est étonnante, empreinte d’un féminisme enthousiasmant qui, en 1990, était encore d’avant-garde.

Extraits

Et soudain, tout le monde me manque (2010) ★☆☆☆

Justine (Mélanie Laurent) a toujours eu des relations compliquées avec son père Eli (Michel Blanc). Elle lui reproche de ne pas s’être occupé d’elle quand elle était petite et, aujourd’hui, de faire à soixante ans passés avec sa nouvelle compagne (Claude Perron) un enfant.

Et soudain, tout le monde me manque fait partie de ces petits films français comme il en existe treize à la douzaine, pas vraiment mauvais, mais pas suffisamment bons pour retenir l’attention. Je l’avais raté à sa sortie début 2011 ; la fermeture des salles et sa présence surprenante sur le catalogue Netflix m’ont donné l’occasion de le voir.

Je serais bien aigri d’affirmer avoir passé un mauvais moment à le regarder. Car Mélanie Laurent, Michel Blanc et les seconds rôles, excellents, qui les entourent (Guillaume Gouix, Florence Loret Caille, Géraldine Nakachze, Manu Payet…) font honnêtement le job. Mieux : le dernier quart d’heure est particulièrement attachant qui tire le film dans une direction qu’on n’aurait pas imaginée (en ai-je trop dit ? pas assez ?).

Mais pour autant, la narration aux ressorts éculés de cette relation père-fille n’a rien de si original qu’il faille s’offusquer du légitime oubli dans lequel ce film – et sa réalisatrice qui n’en a pas tourné d’autre depuis dix ans – est tombé.

La bande-annonce

Détective (1985) ☆☆☆☆

Dans un hôtel de luxe qui donne sur la gare Saint-Lazare, un manager de boxe (Johnny Halliday) prépare le combat de son poulain. Il compte le truquer et rembourser la dette qu’il a contractée auprès d’Emile Chenal, un pilote de ligne (Claude Brasseur) qui est en train de divorcer de sa femme (Nathalie Baye). Mais un parrain de la mafia, aussi élégant que menaçant (Alain Cuny), lorgne aussi sur le magot. Pendant ce temps, deux policiers, Prospero (Laurent Terzieff) et Neveu (Jean-Pierre Laud) planquent sous les combles.

J’ai beau faire, je n’y arrive pas. Je n’aime pas Godard. C’est épidermique. J’ai déjà du mal avec ses premiers films dont il est pourtant sacrilège d’oser dire que ce ne sont pas des chefs d’œuvre : À bout de souffle, Le Mépris, Pierrot le fou…. Mais plus sa carrière avance, plus mon rejet devient radical. Godard m’égare à partir d’Alphaville et ne me retrouvera jamais. Soigne ta droite est l’un des rares films que je n’ai pas vu jusqu’à la fin (j’avais seize ans à la fin des années quatre-vingts dans un vieux cinéma d’art et d’essai toulonnais transformé aujourd’hui en auto-école – Séquence Nostalgie).

Détective accumule ce que je considère les pires défauts du cinéma de Godard. Un mépris affiché pour le scénario – quoi de plus bourgeois que de raconter une histoire ? Des citations prétentieuses sinon obscures (Shakespeare, Conrad, Gide…). Une musique à contre-emploi (Schubert, Wagner, Chopin). Un montage saccadé qui coupe les scènes en plein milieu. Un son saturé de bruit ambiant. Etc.

Le seul intérêt à mes yeux de (re)voir Détective aujourd’hui est d’y retrouver une pléiade d’acteurs qui étaient à l’époque au sommet de leur célébrité. Johnny Hallyday, Laurent Terzieff, Alain Cuny et Claude Brasseur sont morts. Jean-Pierre Léaud n’est plus que l’ombre de lui-même. Nathalie Baye était belle comme le jour et aura réussi pendant quarante années à ne jamais quitter le sommet de l’affiche. Trois nymphettes à peine majeures, sur lesquelles Godard promène libidineusement sa caméra, jouent à moitié nues des rôles que la censure ne tolèrerait plus : Emmanuelle Seigner, Julie Delpy et Aurelle Doazna. Les deux premières ont fait la carrière qu’on sait ; la troisième n’a jamais percé. Pourquoi ?

La bande-annonce

Eastern Plays (2009) ★★★☆

Itso et Georgi sont frères. Itso, l’aîné, a quitté l’appartement familial. Il a plongé dans la drogue et suit un traitement à la méthadone pour s’en sortir. Peintre doué, il tue son mal de vivre à force de médicaments et d’alcool. Georgi le cadet vit encore chez son père violent auprès d’une belle-mère vulgaire à laquelle il dénie toute autorité. En mal de transgression, il sèche le lycée et fréquente une bande de néo-nazis qui, un soir, agressent un couple de touristes turcs. Itso s’interpose, secourt les victimes et s’éprend de Isil, leur fille. Trouvera-t-il avec elle la voie de la rédemption ?

Le cinéma bulgare occupe un angle mort dans le paysage culturel européen. On compte sur les doigts d’une main les films qui y ont été réalisés : The Lesson, portrait d’une femme condamnée à rembourser les dettes de son ivrogne de mari, Glory, dénonciation grinçante de la corruption qui gangrène la société bulgare, Taxi Sofia, portrait kaléidoscopique de la classe laborieuse sofiote à travers six conducteurs de taxi et les passagers qu’ils transportent, Je vois rouge, documentaire autobiographique d’une émigrée bulgare sur les compromissions de ses parents pendant le communisme. Des films rares mais forts – j’ai mis trois étoiles à chacun – qui dessinent de cet ex-satellite soviétique une image peu hospitalière.

Kamen Kalev est peut-être le réalisateur bulgare le plus connu. Habitué de la Quinzaine des réalisateurs cannoise – où il présentait en 2009 son premier long Eastern Plays – cet ancien de la Fémis, venu de la pub, a tourné en 2014 Tête baissée avec Melvin Poupaud.

Je découvre Eastern Plays plus de dix ans après sa sortie grâce à Arte qui le met en ligne gratuitement selon une programmation décidément excellente (Emmanuel Mouret, Aki Kaurismäki, Hong Sang Soo….). Ce film n’a pas pris une ride. Il est inspiré de la vie de son acteur principal, Christo Christov, filmé dans l’hôpital où il vient chercher son traitement, avec le psychiatre qui le suit – nettement moins empathique que Frédéric Pierrot dans En thérapie. Il prend un tour bien tragique quand on sait que l’acteur est décédé avant la fin du film. Le chemin de croix qu’il suit vers une improbable rédemption n’en est que plus beau…

La bande-annonce

Vénus et Fleur (2003) ★★☆☆

Fleur (Isabelle Pirès) est une timide jeune femme venue passer quelques jours d’été à Marseille dans la villa que lui prêtent son oncle et sa tante. Elle y croise Vénus (Veroushka Knoge), une exubérante Russe, qui tombe amoureuse aussi vite qu’elle se lasse de ses amants successifs. Les deux jeunes femmes sympathisent et passent quelques jours ensemble à déambuler dans la cité phocéenne et à y faire des rencontres plus ou moins réussies.

Emmanuel Mouret est devenu récemment un réalisateur reconnu. Mademoiselle de Joncquières en 2018, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait en 2020 sont autant de succès critiques et publics. Avant d’atteindre la célébrité, le jeune réalisateur marseillais a tourné une demi-douzaine de petits films charmants où il met élégamment en scène les jeux de l’amour et du hasard. Ces films, souvent tournés au bord de la Méditerranée dans la ville natale de Mouret, adoptent volontiers un point de vue féminin : c’est à travers les yeux de ses héroïnes que sont analysées les rencontres amoureuses qui émaillent ses films et les sentiments qu’elles provoquent. Très écrits, les films rohmériens de Mouret frisent parfois la préciosité et provoquent selon les spectateurs deux réactions radicalement opposées : soit on adore, soit on déteste.

Vénus et Fleur, son deuxième long métrage après Laissons Lucie faire !, a l’ensemble de ses caractéristiques. Il a le charme des marivaudages rohmériens d’Emmanuel Mouret.  Il en a à la fois la spontanéité rafraîchissante et l’artificialité parfois horripilante. Il en a la légèreté apparente qui, plus le film avance, se leste d’une étonnante gravité. Il a néanmoins un défaut si on le compare aux autres films d’Emmanuel Mouret : ni Isabelle Pirès, ni Veroushka Knoge n’ont le charme et le talent des actrices dont Emmanuel Mouret a eu la bonne idée de s’entourer dans ses autres films (Frédérique Bel, Judith Godrèche, Julie Gayet, Virginie Ledoyen, Déborah François, Anaïs Demoustier…).

La bande-annonce

Vacances à Venise (1955) ★★☆☆

Jane Hudson (Katharine Hepburn) passe seule des vacances à Venise. Le nez au vent, l’appareil photo en bandoulière, escortée du seul Mauro, un jeune Gavroche vénitien, Jane déambule dans la Cité des doges. Elle croise quelques compatriotes dans la pension de famille qui l’héberge : un couple de vieux touristes caricaturaux, un artiste infidèle et sa femme…
Même si elle refuse de l’admettre, Jane, célibataire endurcie, se sent seule. Elle est du coup sensible au charme de Renato (Rossano Brazzi), un bel Italien aperçu à la terrasse d’un café qui tient une boutique d’antiquités.

Vacances à Venise est un film étonnant dont on se demande s’il a horriblement mal vieilli ou si, au contraire, ses défauts le font échapper à l’outrage du temps.

C’est un film de 1955 en Technicolor à une époque où le procédé était encore exceptionnel. Si David Lean l’utilise, c’est pour magnifier la beauté de Venise décrite comme une ville de carte postale. La Cité des doges, filmée en plein été, brille de mille feux – alors que beaucoup de réalisateurs la filmeront l’hiver dans une brume qui la nimbe de mystère (Le Casanova de Fellini, Mort à Venise…)

Dans cet écrin magique, on s’attache aux pas de Jane. L’héroïne est interprétée par l’une des plus grandes actrices du temps – voire de tous les temps. La cinquantaine approchant, on pouvait croire que Katharine Hepburn, qui venait de tourner African Queen avec Humphrey Bogart,  était au sommet de sa gloire. Pourtant, elle gagnera encore trois Oscars (en 1968, en 1969 et en 1982) et mourra en 2003 à quatre-vingt-seize ans, panthéonisée de son vivant.

Le rôle qu’elle joue ici manque toutefois cruellement de profondeur. Elle interprète une vieille fille au mitan de sa vie. La sensualité des chaudes nuits vénitiennes et la conscience angoissée du temps qui passe la pressent de faire une rencontre amoureuse. Elle se laisse séduire par le premier bellâtre venu tout en ayant conscience du caractère éphémère de cette liaison. Quand la vérité éclatera – le bellâtre est marié et père de famille – la déception sera rude.

La conclusion de Vacances à Venise s’avère beaucoup moins frivole, beaucoup plus sombre que ses débuts ne le laissaient imaginer. On y reconnaît la patte du réalisateur de Brève Rencontre, un des films d’amour les plus poignants et les plus tristes que j’aie jamais vu.

La bande-annonce

Safari (2009) ★★☆☆

Pour rembourser une dette de jeu contractée auprès d’un dangereux mafieux sud-africain, Richard Dacier (Kad Merad), qui n’a pas remis les pieds dans la brousse depuis des années et a une peur bleue des bêtes fauves, doit cornaquer un groupe de cinq touristes français jusqu’à la frontière mozambicaine. Le safari sera riche en péripéties.

J’ai regardé hier soir Safari pour deux (bonnes ?) raisons. La première : j’avais cité sans l’avoir vu ce titre dans la filmographie de mon livre La France et l’Afrique où je prétendais recenser l’ensemble des films mettant en scène la présence française en Afrique depuis La Croisière noire (1924) jusqu’à ce Safari sorti au moment de mettre sous presse en passant par La Victoire en chantant (1976), Les Bronzés (1978) et Coup de torchon (1981). La seconde : après m’être enquillé la veille un film finlandais sous Tranxène, j’avais bêtement envie de passer une bonne soirée.

Pourtant l’affiche de Safari a de quoi faire fuir. La bande-annonce laisse augurer une succession de gags beaufs vaguement reliés entre eux par un scénario inconsistant. Et le gros succès au box-office – Safari a réalisé près de deux millions d’entrées – fait naître le soupçon snob d’un film plébéien.

Les hoquets de rire que Safari m’a arrachés m’ont fait ravaler mon mépris de classe. Quelques scènes sont franchement cocasses, comme celle avec Omar Sy en putschiste à l’accent québécois ou avec Yannick Noah en chef de village faussement authentique. Quelques répliques sont très drôles : « Un homme de fer, Dacier » « C’est mon fils, ma bataille », « Personne d’autre que moi n’urinera sur cette femme »…

Olivier Baroux, le complice de toujours de Kad Merad, a le chic pour faire vibrer la corde de l’humour populaire. Safari est son deuxième film seulement après une longue carrière devant la caméra. Il n’en signera pas moins d’une dizaine pendant la décennie suivante, au nombre desquels Les Tuche et ses suites. Certes, on est loin de Bergman ou d’Antonioni. On est plutôt dans la veine de Zidi ou de Oury : un cinéma du dimanche soir, ou du dimanche après-midi, destiné à un large public familial, dont les gamins se gondolent en rejouant les scènes les plus drôles à la récré.

La bande-annonce