The Fountain (2006) ★★★☆

Au XVIème siècle, un conquistador part aux Amériques à la recherche de la Fontaine de jouvence.
De nos jours, un cancérologue cherche frénétiquement un remède au cancer qui va emporter sa femme.
Au XXVIème siècle, un sage lévite, près d’un arbre qu’il espère ramener à la vie, dans une bulle qui navigue dans l’espace, hanté par le souvenir de la femme qu’il a aimée.

Auréolé du succès de ses deux premiers films, Pi et Requiem of a Dream, le réalisateur Darren Aronofsky a mis plus de six ans à tourner The Fountain, son œuvre la plus ambitieuse. Brad Pitt et Kate Blanchett auraient dû en interpréter les rôles principaux. Ils furent remplacés en cours de production par Hugh Jackman et par Rachel Weisz qui, à l’époque, partageait la vie du réalisateur (elle partage désormais celle de Daniel Craig… soupirs). Le budget de quatre vingt dix millions de dollars fut raboté des deux tiers. Et le film fut finalement un échec commercial cinglant.

Depuis sa sortie en 2006, The Fountain est devenu un film-culte. Pour les uns, c’est un salmigondis métaphysique prétentieux noyé dans une esthétique tape-à-l’œil. Pour les autres, c’est une magistrale réflexion sur la mort sublimée par des images et une musique renversantes.

C’est avec cette somme d’a priori que j’ai enfin découvert un film que mon expatriation au Sénégal m’avait empêché de voir à sa sortie. Je craignais que le sens ne m’en échappe. Crainte injuste : si le film joue à saute-moutons entre ses trois temporalités, son scénario très fluide se laisse toujours parfaitement comprendre. Je craignais plus encore sa fatuité. Là encore, ma méfiance était infondée. Certes The Fountain se prend au sérieux au risque de parfois verser dans l’emphase. Certes il se coltine un sujet qui pèse des tonnes au risque là encore de sembler sentencieux. Mais il le fait dans un style si extraordinaire que, sans crier comme certains au chef d’œuvre, on se dit finalement que The Fountain méritait d’être vu.

La bande-annonce

Dernier Caprice (1961) ★★★☆

M. Kohayagawa dirige une petite brasserie à Osaka, menacée par la concurrence. Il a eu trois enfants. Son fils est mort laissant une veuve, Akiko, qui hésite à se remarier. Sa fille aînée, Fumiko, est mariée à Hisao, qui travaille dans la brasserie de son beau-père et s’inquiète de son devenir. Sa cadette, Noriko, est secrètement amoureuse d’un ancien collègue et refuse les partis qu’on lui propose.
L’âge de M. Kohayagawa et sa santé déclinante laissent augurer sa fin prochaine. Mais avant de mourir, le vieil homme veut s’autoriser un « dernier caprice » : retrouver Madame Sasaki, une ancienne maîtresse avec qui il a eu jadis un enfant illégitime.

Dernier Caprice – aussi connu sous son titre plus littéral L’Automne de la famille Kohayagawa – est l’un des tout derniers films de Ozu. Son sujet testamentaire résonne avec le destin du grand réalisateur qui est sur le point de clôturer son œuvre avec Le Goût du saké. La mort rode ; mais cette perspective n’a rien de lugubre. Comme toujours chez Ozu, ses personnages se montrent d’une infinie délicatesse.

Le plus emblématique est Akiko, la belle-fille de Kohayagawa, interprétée par Setsuko Hara, qui refuse de se remarier. Le personnage fait écho à la relation secrète qui unissait le réalisateur et son interprète fétiche : elle arrêta sa carrière à la mort d’Ozu et vécut retirée, refusant la moindre interview pendant plus de cinquante ans.

Autour d’elle on retrouve, dans des rôles mineurs, les acteurs dont Ozu s’est entouré dans tous ses films : Chishu Ryu, Haruko Sugimura. On y retrouve sa manière de filmer, si reconnaissable : de longs plans fixes soigneusement cadrés tournés à ras du tatami, des champs-contrechamps filmés dans l’axe donnant presque l’impression que les protagonistes s’adressent à la caméra. Et surtout on y retrouve la légèreté et la tendresse dont sont emprunts chacun de ses films.

Je revois très rarement les films que j’ai déjà vus. Pourquoi le ferais-je ? Soit je les ai aimés et je risque de moins les aimer en les revoyant. Soit je ne les ai pas aimés et pourquoi les aimerais-je à leur seconde vision ? Mais néanmoins, l’âge aidant, quand la fin approchera, je consacrerai les six mois de répit que m’offrira mon cancer fulgurant à revoir les films d’Ozu. Je n’imagine guère de baume plus efficace aux chagrins de la vie.

La bande-annonce

Taking lives, destins violés (2004) ★☆☆☆

La police de Montréal traque sans succès un tueur en série. Elle fait appel à un agent spécial du FBI, Illeana Scott (Angelina Jolie), qui retrouve la trace de la mère de l’assassin (Gena Rowlands) et en établit le profil : depuis près de vingt ans, il tue ses victimes pour en subtiliser l’identité. Pour l’aider dans son enquête, Scott peut s’appuyer sur le témoin d’un crime (Ethan Hawke).

Quand elle tourne Taking Lives en 2004, l’actrice Angelina Jolie n’a pas trente ans mais est déjà au sommet de sa gloire. Son second rôle dans Une vie volée en 1999 lui avait valu un Golden Globe et un Oscar. Le triomphe de Lara Croft en 2001 et de sa suite en 2003 a fait d’elle une star planétaire. Ce succès est-il usurpé ? Angelina Jolie n’est peut-être pas une immense actrice – même si, comme Marilyn, elle suit à la lettre les préceptes de l’Actor’s Studio – mais elle est tellement agréable à regarder qu’on lui excuse ses fautes de carre.

Réalisé par D.J. Caruso, dont le premier film, Salton Sea, venait d’être remarqué, Taking Lives s’inscrit dans la filiation de Seven. Les tueurs en série étaient à l’époque à la mode. Angelina Jolie elle-même avait d’ailleurs joué quelques années plus tôt dans un film en tous points semblables, Bone Collector.

Taking Lives se déroule au Canada, soi-disant à Montréal, même si on voit en arrière-plan la silhouette du Château Frontenac de Québec. La raison en est sans doute que les tournages y sont moins chers que sur le sol américain. Du coup, y sont rassemblés quelques acteurs français. Il est assez cocasse de voir Tchéky Karyo, Jean-Hugues Anglade et Olivier Martinez discuter ensemble dans un mauvais anglais. On reconnaît aussi, dans des rôles minuscules Paul Dano (qu’allait révéler deux ans plus tard Little Miss Sunshine) et Marie-Josée Croze (qui avait pourtant déjà obtenu l’année précédente le prix d’interprétation féminine à Cannes pour Les Invasions barbares).

Taking Lives ne révolutionne pas le cinéma, mais se regarde sans déplaisir en dépit d’un épilogue passablement grotesque.

La bande-annonce

Network (1976) ★★☆☆

Howard Beale (Peter Finch) est depuis deux décennies le présentateur du JT sur la chaîne UBS. Mais ses audiences en baisse le condamnent, malgré le soutien et l’amitié du rédacteur en chef Max Schumacher (William Holden). Réagissant très mal à la nouvelle, Beale annonce en direct son licenciement et son intention de se suicider. La nouvelle fait bondir les audiences. Diana Christensen (Faye Dunaway), la directrice des programmes, flairant le bon filon, convainc Franck Hackett (Robert Duvall), le président de la chaîne, de confier à Beale une émission où le présentateur, de plus en plus fou, se lance dans des monologues enflammés plébiscités par le public. Mais le succès de son show ne dure pas…

Network est un film qui avait marqué son temps.

Il s’attaquait à l’époque à un sujet d’actualité : l’emprise débilitante de la télévision sur le public et les intrigues en sous-main des grands groupes pour en contrôler le contenu. Le temps a montré combien le sujet était important. Mais il en a aussi lentement banalisé l’urgence et modifié l’enjeu : la télévision n’est plus l’instrument de pouvoir monopolistique qu’il était dans les 70ies. Les chaînes se sont multipliées ; les pratiques se sont modifiées et diversifiées avec Internet. Les GAFAM sont devenus plus dangereux que la télé.

Le sujet a donc perdu de son actualité. Et le film a perdu de son intérêt. D’autant que, esthétiquement parlant, il a été tourné à la pire des époques de l’histoire du cinéma : les décors, les costumes, les coiffures, les maquillages, tout y est hideux, qui me rappelle les photos maronnasses de mon enfance en pattes d’eph et pulls en acrylique orange.

Network a remporté en son temps un immense succès public et critique.
Nommé dix fois aux Oscars, il en repart avec quatre statuettes, mais n’obtient ni celle du meilleur film (décerné à Rocky), ni celle du meilleur réalisateur (John G. Avildsen pour Rocky). En revanche, Peter Finch souffle à Sylvester Stallone la statuette qui lui était promise. Il était pourtant mort le mois d’avant, devenant le premier acteur à recevoir un Oscar à titre posthume (ce fut ensuite le cas du seul Heath Ledger en 2009). Faye Dunaway remporte l’Oscar de la meilleure actrice – après avoir échoué deux fois pour ses rôles dans Bonnie et Clyde et dans Chinatown. Louise Schumacher est rentrée dans les annales pour avoir décroché l’Oscar du meilleur second rôle féminin avec l’apparition la plus courte (cinq minutes et deux secondes)

La bande-annonce

Nuits blanches (1957) ★☆☆☆

Mario (Marcello Mastroianni) a déménagé pour son travail dans une ville portuaire et vit seul dans une pension de famille. Une nuit, errant dans les rues, il rencontre près d’un pont une jeune femme (Maria Schell). Natalia lui avoue qu’elle y attend un bel inconnu (Jean Marais) dont elle s’est éprise et qui lui y avait donné rendez-vous un an plus tôt.
Éperdument amoureux de Natalia, Mario essaie de l’arracher à ses chimères.

Lorsqu’il filme Nuits blanches en 1957, Luchino Visconti a tourné le dos au néoréalisme de ses débuts. Certes, on y croise dans une ville italienne anonyme qui peine à se relever de ses ruines, des noctambules divagants, des prostituées misérables, des clochards transis de froid. Mais la réalité contemporaine du néoréalisme passe à l’arrière-plan dans l’adaptation de la nouvelle intemporelle et universelle de Dostoïevski.

Visconti y est très fidèle – comme il avait été très fidèle trois ans plus tôt dans l’adaptation de Senso, roman de Camillo Boito. Il choisit de tourner en studio à Cinecittà et met dans la construction des décors, qu’il conçoit comme une scène de théâtre, un soin jaloux : leur artificialité revendiquée devra paradoxalement renforcer la force du récit.

La beauté plastique, la poésie de Nuits blanches ne peuvent qu’impressionner. On émettra plus de réserves sur l’histoire elle-même et sur les personnages qui ont mal résisté à l’épreuve du temps. Aucun des trois n’est crédible : ni Mario, dont on se demande bien pourquoi il s’entiche de cette jeune femme au comportement si peu attirant, ni Natalia qui reste imprescriptiblement rivée au passé, ni le bel inconnu anonyme interprété par Jean Marais dont on ne saura rien de la sincérité des intentions.

La bande-annonce

Goodbye, Dragon Inn (2003) ★☆☆☆

Un immense cinéma tombe en ruines. Il repasse Dragon Gate Inn, un vieux film de wuxia taïwanais devant deux de ses acteurs qui sont venus, sans se concerter, le revoir une ultime fois. La salle quasi vide ne compte qu’une poignée de spectateurs : un touriste japonais qui s’y est réfugié pour se protéger d’un orage, une belle de nuit qui croque bruyamment des cacahuètes, une ouvreuse boiteuse et un projectionniste.

Tsai Ming-Liang est un des cinéastes emblématiques de la seconde vague taïwanaise. Abonné aux festivals (Vive l’amour reçoit le Lion d’or en 1994 à Venise, La Rivière l’Ours d’argent à Berlin en 1997, The Hole et Et là-bas quelle heure est-il ? sont sélectionnés à Cannes en 1998 et en 2001), il en est devenu l’ambassadeur avant de repasser au second plan.

Sorti en 2003, Goodbye, Dragon Inn est emblématique de son œuvre. C’est un film quasi muet dont l’histoire ne se comprend que par bribes. Il s’organise en longs plans fixes parfaitement composés. Les lumières sont particulièrement riches, qui rappellent In the Mood for Love, sorti quelques années plus tôt. Malheureusement, il n’en a pas la musique inoubliable.

On l’aura compris : Goodbye Dragon Inn, même s’il dure une heure vingt-deux seulement, est un film austère qui exige du cinéphile un certain masochisme. À cette condition, on pourra y trouver du plaisir. Sinon …

La bande-annonce

Voyage à deux (1966) ★★★☆

Joanna (Audrey Hepburn ) et Mark (Albert Finney) se sont rencontrés douze ans plus tôt lors d’un voyage sac à dos vers la Côte d’Azur. Ils se sont séduits, aimés, mariés et ont eu un enfant. Chaque année, ils reprennent le même chemin. Mais, comme d’ailleurs ils en avaient eu le pressentiment, leur couple subit de plein fouet l’usure du mariage. Se soldera-t-il par un inéluctable divorce ?

En 1954, Roberto Rossellini mettait en scène un couple d’Anglais au bord du divorce en vacances à Naples. Le ton de Voyage en Italie était grave voire tragique. La baie de Naples, filmée en noir et blanc, n’avait rien d’un décor de carte postale.

Sur le même sujet, Stanley Donen tourne douze ans plus tard un film tout différent. La fantaisie rafraîchissante des années soixante est passée par là, qui donne à la femme plus d’autonomie – même s’il reste beaucoup à faire et que la passivité souriante de Joanna face à la muflerie assumée de Mark en choquera plus d’un.e La présence de Stanley Donen derrière la caméra, l’auteur de quelques unes des comédies musicales les plus joyeuses de l’histoire du cinéma (Chantons sous la pluie, Drôle de frimousse), explique aussi le ton léger du film.

Voyage à deux est un film à regarder l’été, qui se déroule exclusivement durant cette saison vacancière à travers la France ou sur son littoral méditerranéen. Un montage compliqué mais toujours fluide joue à saute-mouton avec les époques, qu’on reconnaît grâce aux voitures de plus en plus coûteuses de Mark et aux toilettes de plus en plus sophistiquées de Joanna signées Paco Rabanne ou Mary Quant.

Voyage à deux vaut beaucoup par le jeu de ses acteurs. Dans les seconds rôles, on reconnaît quelques gloires passées du cinéma français : Claude Dauphin, Georges Descrières… On aperçoit Jacqueline Bisset dans l’un de ses tout premiers rôles dont la jeunesse et la beauté aimantent la pellicule. Mais surtout, Voyage à deux est un hymne à Audrey Hepburn – que Stanley Donen avait déjà dirigée dans Drôle de frimousse et dans Charade. À trente-sept ans, elle est au sommet de sa gloire. Sa silhouette gracile, ses yeux de biche, son sourire malicieux ont fait d’elle une star. Un an plus tard, elle décidait d’arrêter sa carrière pour se consacrer à l’aide humanitaire à l’enfance.

La bande-annonce

Les Lèvres rouges (1971) ★☆☆☆

Valérie et Stefan viennent de se marier. Sur le chemin de l’Angleterre où Stefan va présenter à sa famille sa jeune épouse, le couple s’arrête à Ostende dans un immense palace désert. Ils y sont rejoints par la mystérieuse comtesse Báthory (Delphine Seyrig) qu’accompagne son assistante Ilona.

Les Lèvres rouges est un film d’épouvante qui revisite le mythe de la comtesse Báthory, cette célèbre criminelle hongroise qui, à la fin du XVIème siècle, dans son château de Slovaquie, aurait sacrifié de jeunes vierges pour se baigner dans leur sang et gagner ainsi une éternelle jeunesse.

Le mythe a la dent dure – si on ose dire – qui a inspiré une dizaine de films, le dernier en date, La Comtesse, réalisé en 2009 par Julie Delpy.

En 1971, le jeune réalisateur belge Harry Kümel, victime de son temps, signe un film à cheval entre l’épouvante et le porno chic. Emmanuelle n’est pas loin, le giallo à l’italienne de Mario Bava et Dario Argento non plus. Les lumières se tamisent, les corps se dénudent, le faux sang gicle.

Peu importe que les trois acteurs (un Américain, une Canadienne et une Allemande) qui entourent Delphine Seyrig jouent comme des quiches (l’actrice Andrea Rau entretenant une ressemblance troublante avec… Mireille Mathieu), on n’a d’yeux que pour elle qui hypnotise le spectateur avec sa voix ensorcelante et ses toilettes glamour.
À quarante ans, elle était à l’époque en pleine gloire, après avoir tourné avec Resnais, Buñuel, Duras, Truffaut, Demy et Losey. Les années quatre-vingt lui furent fatales et elle mourut dans un semi-oubli en 1990, à cinquante-huit ans à peine d’un cancer du poumon.

La bande-annonce

La Passante du Sans-Souci (1982) ★☆☆☆

Max Baumstein (Michel Piccoli), le président unanimement respecté d’une ONG humanitaire, assassine de sang froid l’ambassadeur du Paraguay en France auquel il demandait la libération d’une prisonnière politique. Comparaissant en cour d’assises, il explique les motifs de son crime. Cinquante ans plus tôt, dans la France des années trente, le jeune Max, dont le père avait été tué par les S.A. à Berlin, était élevé par Elsa Wiener (Romy Schneider), exilée loin de son mari emprisonné à Berlin.

La Passante du Sans-Souci, tourné au début des années quatre-vingts, est l’adaptation d’un roman de Jospeh Kessel de 1936. S’éloignant du roman, son réalisateur le construit autour d’un flashback, mettant en scène un Max Baumstein vieilli qui venge un passé qui ne passe pas. La mise en abyme est renforcée par l’interprétation par Romy Schneider des deux rôles d’Elsa Wiener et de Lina Baumstein, l’épouse de Max, comme si le héros avait entendu retrouver chez son épouse les traits de la femme qui l’avait élevé.

Il est sacrilège de dire du mal de La Passante du Sans-Souci. Car son sujet est de ceux qui inhibent la critique. Car c’est le dernier film de Romy Schneider, qui meurt six semaines après sa sortie. Car Michel Piccoli, la cinquantaine bien entamée, l’élégance toute giscardienne, y a une classe folle.

Pour autant, force est de constater que La Passante du Sans-Souci a terriblement vieilli. Tout y est compassé, défraîchi, depuis son affiche, qui reprend les mêmes standards que ceux de Sissi impératrice jusqu’aux revues de cabaret dirigées par Jacques Martin (sic) en passant par les reconstitutions en carton-pâte du Paris des années folles. Était-ce la marque de fabrique des films de ces années là ? Sans doute. Mais qu’on y songe : Jean Reno, qui y fait tout jeunot une courte apparition, interprétait la même année le premier rôle du Dernier combat, le premier film autrement plus audacieux d’un jeune réalisateur nommé Luc Besson.

La bande-annonce

Les Noces rouges (1973) ★★☆☆

La femme de Pierre Maury (Michel Piccoli) se consume dans la neurasthénie. Le mari de Lucienne Delamare (Stéphane Audran) est un député-maire d’une petite ville de province, imbu de lui-même quoiqu’impuissant. Pierre et Lucienne sont devenus amants et connaissent ensemble les extases que leur mariage décevant ne leur procure plus.

Claude Chabrol s’inspire d’un fait réel survenu quelques années plus tôt dans la Creuse pour peindre un portrait au vitriol de la vie de province au début des années soixante-dix. Sa trame dramatique – un double adultère qui se solde par un double homicide – laisse affleurer le comique anarchique qui traverse toute l’oeuvre de Chabrol. On rit autant qu’on frémit au spectacle des Noces rouges dont on dirait volontiers, s’il n’avait pas été tourné vingt cinq ans plus tôt, qu’il emprunte à Fargo son humour noir.

Le réalisateur de La Femme infidèle, du Boucher et des Biches s’en donne à cœur joie pour moquer la fatuité des notables de province et pour exalter l’explosion sensuelle qu’elle ne parvient pas à réfréner. Claude Piéplu incarne jusqu’à la caricature la première. Stéphane Audran, l’épouse de Chabrol à la ville, a rarement été aussi sexy pour donner corps à la seconde, loin de l’image de froideur qui lui est souvent associée.

Entre les deux, Michel Piccoli peine à trouver sa place. Il est trop élégant et trop intelligent pour incarner un bourgeois ridicule. Il manque de la sensualité qui rendrait explosive le couple qu’il forme avec Stéphane Audran. D’ailleurs on ne le reverra jamais dans les films de Chabrol qui lui préfère Michel Bouquet ou Jean Yanne.

Un extrait